28/01/2021
Revue de presse du jeudi 28 janvier 2021
Nature du document: Revue de presse
Mots-clés: Brevet , Europe , Génétique , OGM , Pesticides

NBT : Londres tance Bruxelles et relance le débat OGM

Voilà, c’est fait ! Entre l’UE et les Britanniques, le divorce est effectif. En entérinant le Brexit, nos voisins d’Outre-Manche n’ont pas fait que quitter le marché commun ou remettre la main sur leurs zones de pêche. Ils se sont également délestés de bon nombre de règlements européens. Parmi eux, celui relatif aux OGM qui s’applique également aux nouvelles techniques d’édition du génome ou New Breeding Technique (NBT). Désormais libre de penser sa propre législation en la matière, le gouvernement de Boris Johnson a lancé une consultation publique pour voir à quelles conditions autoriser l’usage de ces techniques. Une initiative qui aura vraisemblablement des répercussions de part et d’autre de la Manche. Le point dans cette revue de presse.

OGM or not OGM

Elles s’appellent Crispr-Cas 9, Talen ou ZFEN. Apparues récemment, et même nobélisée pour la première, ces nouvelles techniques d’édition du génome ont relancé, dès leur conception, le débat autour des usages, avantages et risques du génie génétique. Longtemps et âprement débattue, la question de leur statut – doit-on considérer ou pas les organismes issus de ces techniques comme des OGM ? - a été tranchée en 2018, suite à un avis de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). Sa conclusion : ceux-ci relèvent bien de la directive sur les OGM. Jusqu’à présent, les choses en étaient restées là.

Fin de partie

Le divorce à peine signé, le gouvernement britannique a lancé, le 7 janvier, une « consultation publique sur les techniques d’édition de gènes en agriculture afin d’adopter une nouvelle réglementation » relève Agrapresse. Le secrétaire d’Etat à l’Environnement, l’Alimentation et les Affaires rurales, George Eustice en a affiché clairement les ambitions : « relever les défis de notre époque » que sont « la sélection de cultures plus performantes, la réduction des coûts pour les agriculteurs et des impacts pour l’environnement, et nous aider tous à nous adapter aux défis du changement climatique  ». En quittant l’Europe, le Royaume-Uni est maintenant « libre de prendre les décisions politiques cohérentes basées sur la science et les preuves  » a affirmé le ministre. Les dirigeants européens apprécieront…

Arguments en balance

Outre-Manche, l’annonce de la consultation a suscité des réactions diverses. Euractiv se fait l’écho de la position du Vice-Président de la National Farmers Union (NFU), l’une des principales organisations agricoles, qui avance lui aussi l’argument environnemental : ces techniques sont « essentielles pour aider [les agriculteurs] à atteindre la neutralité carbone ». Non pas « une solution miracle  » mais un «  outil important pour relever les défis de l’avenir » précise-t-il. Pour autant, la nouvelle n’enthousiasme pas à tout va. Parmi les réserves émises, le risque de réduction des pools génétiques ou d’intensification des systèmes agroalimentaires auxquels s’ajoute la très délicate question des relations commerciales avec l’UE. Sur ce dernier point, le secrétaire général du COPA-COGECA, Pekka Pesonen estime « qu’une telle décision entraverait les relations commerciales » en contrariant notamment le principe d’une concurrence équitable entre les deux entités. Reste enfin ce point d’importance : la réaction des consommateurs, dont on connaît le scepticisme sur le sujet.

Une consultation peut en cacher une autre

Ouverte jusqu’au 17 mars prochain, cette consultation n’est que la première étape d’une réflexion devant permettre d’aboutir à une réglementation plus large sur les OGM. On pourra lire plus en détail la position du gouvernement britannique dans les pages du Guardian, qui cite notamment Gildeon Henderson, le chef scientifique du département de l’Environnement, de l’Alimentation et les Affaires rurales. Son credo : les derniers débats publics sur le génie génétique datent des années 90 ; depuis lors, les connaissances scientifiques ont fortement évolué appelant de fait un changement de la réglementation. Si, dans l’immédiat, la consultation porte sur les NBT, elle concernera, dans un second temps, les OGM. «  Nous essayons de changer [la législation en matière] d’édition génétique maintenant, avant un débat plus large sur les OGM  » explique-t-il.

L’Europe dos au mur ?

En Europe aussi, la question bruisse depuis plusieurs mois déjà. En juillet dernier, Euractiv rappelait qu’à «  la demande du Conseil de l’UE, la Commission européenne a mené une étude sur les nouvelles techniques génomiques », dont les conclusions sont prévues pour avril 2O21. Celle-ci s’inscrit dans un contexte particulier, celui de la publication du Farm to Fork qui pose des objectifs fermes en matière de lutte contre le changement climatique. Dans ce cadre, «  la commissaire à la Santé Stella Kyriakides a déclaré que le navire européen avait besoin de mettre en place des solutions innovantes pour surmonter sa dépendance aux pesticides » tout en rappelant que «  les technologies innovantes ne doivent représenter aucun danger pour les consommateurs et l’environnement » et qu’elles « doivent apporter une réelle valeur ajoutée à notre société ». Libre à chacun d’interpréter ses propos.

Plus récemment, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a remis le sujet sur la table lors d’un entretien accordé à Agrapresse, les Marchés et Réussir. Et sa position est très claire : « Les NBT, ce ne sont pas des OGM. (…) Il faut que les NBT aient une réglementation conforme à ce qu’elles sont, et à pas à ce à quoi on voudrait les associer. Aujourd’hui, le cadre juridique européen n’est plus compatible avec le cadre scientifique. Nous attendons un rapport de la Commission européenne pour harmoniser les deux cadres ».

Des propos qui ont fait bondir Greenpeace et la Confédération paysanne, comme le détaille Ouest France. Alors que l’ONG appelle le gouvernement à « maintenir sa position historique d’opposition à tous les OGM », le syndicat s’«  inquiète d’une brevetabilité du vivant (…) parle d’un renoncement dangereux face au lobby incessant des entreprises de l’agrochimie et des semenciers ». Le quotidien insiste également sur les conséquences qu’un changement de réglementation pourrait avoir sur les échanges commerciaux et le suivi de ces produits. « L’Europe risque rapidement d’importer, volontairement ou non, des productions végétales issues de ces nouvelles techniques de sélection. » Autant dire que le débat ne fait que commencer.

SOURCES :

  • Le Royaume-Uni lance une consultation sur l’édition génétique et risque des dissensions avec l’UE, Euractiv, Natash Foote, 13 janvier 2021.
  • Environnement departure scientist calls for biotechnology debate. The Gardian, Fiona Harvey, 7 janvier 2021.
  • "Les NBT, ce ne sont pas des OGM" Interview de Julien de Normandie, Agrapresse, n°3774, 15 janvier 2021.
  • NBT, phytos : Londres reprend sa liberté. Agrapresse, n°3774, 15 janvier 2021.
  • L’édition génétique suscite le débat à Bruxelles, mais pourrait se concrétiser à Londres, Gerardo Fortuno, Natasha Foote et Sarantis Michalopoulos, Euractiv, 14 juillet 2020.
  • Les nouvelles techniques de sélection variétale sont-elles des OGM ? La question fait polémique, Ouest France, 22/01/2021.

Image : www.europarl.europa.eu

Agrapresse, Euractiv, The Guardian, Ouest France

Mot-clé Nature du document
A la une
SESAME Sciences et société, alimentation, mondes agricole et environnement
BORDERLINE, LE PODCAST Une coproduction de la MAA-INRAE et du Quai des Savoirs

Écoutez les derniers épisodes de la série de podcasts BorderLine :
Où sont passés les experts ?
Précarité alimentaire : vers une carte vitale de l’alimentation ?

Rejoignez-nous lors du prochain débat, le mardi 23 avril 2024.

Voir le site
FIL TWITTER Des mots et des actes
FIL FACEBOOK Des mots et des actes
Top