07/04/2021
Sud-Ouest, le Courrier de l’Ouest, Les Echos, 20 minutes
Nature du document: Revue de presse

Méthanisation agricole : de la ferme à l’usine à gaz

En France, on en comptait seulement 31 en 2010, elles sont 646 en service aujourd’hui et ce n’est pas fini… Les unités de méthanisation agricole mettent les gaz, avec leur lot d’opposants, d’accidents et d’inquiétudes, comme nous l’avons déjà évoqué (lire Pour y voir plus clair sur les tensions qui fermentent). Mais insistons. D’abord, il y a les fuites et les ruptures des cuves de stockage. En moyenne depuis quatre ans, on en déplore une tous les quinze jours. Dans les Landes, le 18 mars dernier, ce sont des centaines de m3 de digestat qui se sont échappés dans un lac, ainsi que le relate Sud-Ouest. Le 30 mars, le Perche déplore 2000 m3 de lisier qui prennent le chemin d’une rivière de l’Orne. Ensuite, les polémiques enflent sur ce qu’on donne à « manger » au méthaniseur. Les déjections des animaux, certes, au minimum à 60%, des résidus céréaliers, quelques cultures principales telles que le maïs ou le sorgho (pas plus de 15%, en fait plutôt 6 à 7% dans les faits) et, enfin, les cultures intermédiaires à vocation énergétique : de l’avoine, de l’orge ou du seigle et autres trèfles, semés entre deux récoltes principales. Problème, les cultures dédiées contribuent au renchérissement du foncier et privent parfois les éleveurs d’aliments pour leur bétail, même si on est très loin des « océans de maïs » allemands destinés uniquement à alimenter leurs 9300 unités installées…

Reste que dans le Courrier de l’Ouest du 28 mars, des élus du Segréen expriment quand même leurs inquiétudes : plutôt favorables à la méthanisation agricole, ils pointent des dérives qui fragiliserait l’élevage au profit des céréaliers. Et que dire par ailleurs de la qualité du digestat comme engrais mais accusé régulièrement de polluer les nappes phréatiques et les cours d’eau, ou encore du bilan carbone global du procédé, jusque là peu étayé ? Autant de questions qui agitent les différents syndicats agricoles, auditionnés le 30 mars par la mission d’information du Sénat dédiée à la méthanisation, comme le relaie web-agri. Et d’ajouter que « la confédération Paysanne a demandé en janvier un moratoire » sur le développement des méthaniseurs. Prendre le temps de faire un bilan ? La coordination rurale semble également pour.

Ne dites plus "agriculteurs", mais "énergiculteurs"...

A lire la presse économique, l’heure n’est pourtant pas au coup de frein, loin de là. Et, comme en Allemagne, le secteur semble intéresser de près de grands opérateurs, à rebours des objectifs initiaux du méthaniseur à la ferme, censé favoriser l’autonomie énergétique et compléter le revenu de l’agriculteur. Ce sont ainsi les Echos qui l’annoncent le 5 avril : « Agripower lève 10 millions pour étendre son spectre dans la méthanisation ». Et de détailler : « Avec 85 projets actifs, la société nantaise Agripower (Ndlr : cotée en bourse) , spécialisée dans l’installation de méthaniseurs en milieu agricole, a en perspective un solide carnet de commandes. De 7,7 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier, elle vise 40 millions à l’horizon 2024. » Où l’on sent pointer comme des envies d’un développement agro-industriel plutôt que d’une économie circulaire à la ferme. Car ce n’est pas le seul opérateur. C’est 20 Minutes qui nous l’annonce le 16 mars : toujours en Loire-Atlantique, plus exactement à Corcoué-sur-Logne, le projet XXL de méthaniseur de la coopérative d’Herbauges connaît des dimensions jamais atteintes en France pour produire du biogaz à partir de bouses de vaches. Si les chiffres ont été revus à la baisse face à la bronca des riverains, ils demeurent impressionnants : "498.000 tonnes de matières par an, contre 680.000 tonnes auparavant. Les trois quarts de ces matières seront des effluents d’élevage, le quart restant sera des cultures végétales dites pièges à nitrate (CIPAN). Les agriculteurs contributeurs (230 initialement) seront moins nombreux. Le volume de camions desservant l’unité sera, lui aussi, réduit d’un tiers, soit une perspective de 57 allers-retours par jour". Aux côtés des agriculteurs, une entreprise danoise, Nature Energy. Car comme souvent dans ces gros projets, des investisseurs non agriculteurs prennent place, transformant les éleveurs en simples fournisseurs de matières premières. Le but de ces unités : non plus la cogénération, pour chauffer les serres ou les étables et produire de l’électricité en autoconsommation, mais l’injection de biométhane dans les réseaux de gaz. Une énergie dite verte.

Lire aussi sur ce sujet, le dossier de la revue Sesame : Méthanisation, comment mettre les gaz ?

Revue de presse, 7 avril 2021

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