27/05/2024
Revue de presse du lundi 27 mai 2024
Nature du document: Revue de presse
Mots-clés: Energie , Foncier , Modèles , Paysage

Les tomates d’Isigny veulent grandir

Isigny-les-Bois, petite commune du département de la Manche située à une trentaine de kilomètres du Mont Saint-Michel, ne bénéficie pas de la renommée d’Isigny-sur-Mer, sa « cousine » du Calvados, fameuse pour son beurre et sa crème AOC. La petite ville, qui a fusionné avec Le Buat pour dépasser la barre des 3.000 habitants, se retrouve pourtant sous les feux des projecteurs en raison des serres XXL construites récemment dans ce coin du bocage normand pour y cultiver des tomates.

La société « Les Serres du Buat » a déposé un nouveau permis de construire pour passer de 20 à 32 hectares de surface de production, mais un collectif dénonce « un projet démesuré », rapporte la télévision régionale. « Des maisons vont être démolies, c’est tout un hameau qui sera détruit », déplore une riveraine membre du collectif « Stop aux tomates industrielles » sur l’antenne de France 3 Normandie. Odile Marqué témoigne aussi devant la caméra de TF1. L’équipe de la télévision nationale a également tendu son micro à un éleveur du coin. Christophe Poualin explique qu’il n’a pu surenchérir lorsque l’entreprise productrice de tomates a acquis les terrains qu’il convoitait également : « J’aurais dû payer 12.000 euros l’hectare, mais les serres de tomates, elles, peuvent donner 25.000 euros l’hectare, ce qui veut dire qu’un éleveur normal ne peut pas faire face, et ce n’est pas rentable d’acheter du foncier à ce prix-là. »
Derrière « Les Marchés de Normandie », un nom qui sonne bien, se dissimule le groupe néerlandais AgroCare, présenté par Reporterre comme « l’un des plus gros producteur de tomates » en Europe et qui possède aussi des serres en Tunisie et au Maroc. Le média en ligne met l’accent sur les conditions de travail des salariés venus de l’Europe de l’Est pour récolter les tomates en Normandie. « Il fallait ramasser 620 kg de tomates par jour, six jours sur sept, 240 heures par mois avec 60 heures par semaine », selon le témoignage d’un de ces salariés qui a démissionné. « C’est triste de savoir que des gens sont probablement exploités ici alors même que personne ne les croise dans le village », dit un autre militant du collectif à Reporterre.

Une élue embarrassée

Agricultrice et maire de la commune, Jessie Orvain ne s’exprime pas dans les médias. C’est son premier adjoint qui monte au créneau face aux journalistes. « La municipalité, d’ordinaire favorable à l’implantation d’activités sur son territoire, regrette le manque de retombées sur l’économie locale », résume France 3. Un article dans la presse locale relate un conseil municipal tendu entre les adjoints sur le sujet au mois de mars dernier. Jessie Orvain, qui est aussi élue départementale, a renvoyé la balle vers la communauté d’agglomération du Mont Saint-Michel et la Commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), indique La Gazette de la Manche.
Lors de la réunion de cette dernière instance départementale le 18 avril dernier, le représentant de l’Etat se serait prononcé contre l’extension, selon un membre de Terre de Liens cité par Reporterre. « Maintenant, on va voir si la mairie va valider le permis de construire, mais si elle vote contre, le promoteur ira sans doute devant le tribunal administratif » dit Joël Bellenfant.
Sans attendre, le correspondant de l’hebdomadaire local à Isigny signale que GrDF a lancé des travaux pour renforcer l’alimentation des serres en gaz. Les canalisations serviront aussi pour un projet de méthanisation d’un agriculteur de la commune, non identifié par La Gazette.

Maraîcher soulagé

Produire sous serre chauffée génère quatre fois plus de gaz à effet de serre qu’une production de légumes de saison, souligne France Info. Le Conseil d’Etat vient toutefois d’autoriser le procédé, jusque-là interdit depuis 2019. Une décision dont se félicite un maraîcher, Gilbert Brouder : « Économiquement, on ne tiendrait pas avec trois mois de production [ndlr : s’il devait cultiver en plein champ ou sous serre non chauffée). Ni pour avoir de la main-d’œuvre permanente, ni pour rentabiliser les investissements ». Soulagé, ce dernier est aussi le président de la coopérative agricole des Maraîchers d’Armor, qui distribue la marque Prince de Bretagne, précise Ouest France. « Actuellement, les agriculteurs français ne produisent que 50 % des fruits et légumes consommés en France », rappelait-il au quotidien breton.

Revue de presse du lundi 27 mai 2024.

Par Stéphane Thépot, journaliste

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