14/05/2025
Revue de presse du 14 mai 2025
Nature du document: Revue de presse

Les punaises diaboliques au secours d’un pesticide « diabolisé »

Les producteurs de noisettes du Sud-Ouest prennent le relais des betteraviers pour réclamer le retour de l’acétamipride, pesticide néonicotinoïde suspecté d’être un « tueur d’abeilles », interdit en France depuis 2018.

Au secours, une nouvelle variété de punaises venues d’Asie infeste les maisons du village de Saint-Arroumex (Tarn-et-Garonne), rapporte France 3 Occitanie. « Les produits que j’utilise ne marchent pas. Les pesticides efficaces sont interdits pour pouvoir éliminer ces punaises », se lamente une habitante du village. Même constat chez une productrice de noisettes voisine, qui se plaint d’importantes pertes de production (de 25 à 50%) causées par la prolifération de ces punaises dites « diaboliques » depuis 2021. Les agriculteurs réclament la possibilité de pouvoir à nouveau utiliser l’acétamipride car les solutions alternatives de biocontrôle sont plus coûteuses et fastidieuses, explique le reportage de la télévision régionale.

L’acétamipride est assurément efficace, mais il ne se contente pas de cibler les punaises et tuent aussi les autres insectes, dont les pollinisateurs, répond Philippe Grandcolas, chercheur du CNRS dans Reporterre. Le media en ligne s’est aussi rendu en reportage dans le Tarn-et-Garonne et considère que c’est « la monoculture des noisetiers » qui a favorisé la prolifération des punaises dans le département.

Distorsion de concurrence et peine de mort économique

La coopérative Unicoque, qui pèse 90% de la production de noisettes en France, tire un bilan catastrophique de la récolte 2024. Le directeur de la coopérative, basée à Cancon (Lot-et-Garonne), anticipait un déficit « de plusieurs millions d’euros » dans les colonnes du Petit Bleu d’Agen. « Nous sommes les seuls à ne pas disposer des moyens dont tout le monde dispose, notamment nos principaux concurrents italiens », déplore Jean-Luc Reigne. Les producteurs français réclament une « harmonisation des règles phytosanitaires entre la France, l’Espagne et l’Italie » pour pouvoir lutter à armes égales avec leurs concurrents étrangers contre les insectes ravageurs, résume TF1.

Devant la caméra de l’équipe de reportage, un producteur de noisettes du Lot-et-Garonne explique que les alternatives à l’acétamipride s’avèrent « très peu efficaces, et d’autant plus lors d’années pluvieuses ». Dramatisant encore plus les enjeux, 20 Minutes va jusqu’à évoquer la mort de la noisette « made in France » pour des raisons politiques. « Nous sommes clairement le dégât collatéral du choix politique qui a consisté à vouloir protéger l’environnement et le consommateur, sauf que ni l’un ni l’autre ne seront protégés, et nous allons mourir », avertit le directeur d’Unicoque dans le quotidien gratuit en ligne.

« Le chlordécone de l’Hexagone » responsable du déclin des oiseaux dans les campagnes

La presse agricole spécialisée a repris le message d’une « impasse sanitaire », mais en l’élargissant à d’autres filières. Les betteraviers français réclament eux aussi périodiquement des dérogations pour utiliser l’acétamipride « en attendant la montée en puissance des alternatives aux néonicotinoïdes », souligne Raphaël Lecocq dans Plein Champ. Mais ce lobbying s’est heurté à des réticences. Le directeur scientifique d’Inrae d’alors, Christian Huygues, a notamment présenté le néonicotinoïde comme « le chlordécone de l’Hexagone » lors de son audition devant une commission sénatoriale en 2023.

« Le nombre de molécules autorisées pour protéger les cultures fondent comme neige au soleil, constate Géraldine Woessner. La filière des noisettes est emblématique : elle n’a plus rien », résume la journaliste du Point. Pour les Echos, il n’y a pas photo : même si l’acétamipride ne « tue pas directement les abeilles », reconnaît Marie Bellan, la molécule perturbe le comportement des abeilles au point d’altérer leur travail de pollinisation, « comme le glyphosate ». La journaliste du quotidien économique enfonce le clou en ajoutant que l’acétamipride est aussi « responsable du déclin de la population d’oiseaux dans les zones agricoles ».


Sur le sujet de la disparition des insectes, lire le dossier sur le site de la revue Sesame : Effondrement des insectes : pourquoi tout le monde s’en fiche (ou presque) ? (mai 2025)


Par Stéphane Thépot, journaliste

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