04/10/2024
Revue de presse du vendredi 04 octobre 2024
Nature du document: Revue de presse

L’addition des « coûts cachés », de la fourche à la fourchette

Comment calculer la somme des effets pervers cumulés des aides publiques aux filières alimentaires pour la santé et l’environnement, depuis les producteurs jusqu’aux consommateurs sans oublier les industriels de la transformation agro-alimentaires, régulièrement montrés du doigt par les nutritionnistes pour leurs produits trop salés, trop sucrés, « ultra-transformés » ? C’est l’exercice auquel s’est livré la coopérative Basic (Bureau d’analyse sociétale d’intérêt collectif) pour le compte de quatre associations (Secours Catholique, réseau Civam, Solidarité Paysan et Fédération nationale des Diabétiques). La présentation de ce rapport de 92 pages, le 17 septembre dernier, a suscité une cascade de publications instructives selon les angles retenus.

Chiffrage et méthodologie

Ouest-France retient le chiffre de 19 milliards pour « réparer » les dégâts de notre système alimentaire. Le quotidien régional breton assortit son article d’un entretien avec le président du Secours Catholique. « Si dans les décennies 50 et suivantes, de plus en plus de gens ont pu se nourrir, on assiste au phénomène inverse depuis les années 1980 », alerte Didier Duriez. Ouest-France compare les 19 milliards de dépenses de santé retenus (dont 11 milliards pour le seul diabète) aux 48 milliards d’aides publiques versées au « système alimentaire français » sous forme d’aides de la PAC ou à la restauration collective. Ces 48 milliards « seraient une bonne nouvelle si plus de 80 % de ces soutiens ne bénéficiaient pas à des acteurs pris dans une logique de course aux volumes allant de pair avec la standardisation des matières premières agricoles et une pression sur les prix payés aux agriculteurs », rapporte Réussir en citant un extrait de l’étude.

Le groupe professionnel agricole semble un rien dubitatif sur le calcul du bureau d’études des ONG, tout en retenant en titre un chiffre encore plus important : 67 milliards de « coût social et écologique ». Le Monde souligne que les 48 milliards de soutien public à l’industrie agroalimentaire vont « bien au-delà des aides de la politique agricole commune (9,5 milliards) ». Laurence Girard explique que les associations et les chercheurs ont fait le choix d’une approche comptable, s’appuyant sur les dépenses publiques réellement engagées. « Il est indispensable de mettre ce débat sur les coûts cachés sur la table. Dans le contexte politique actuel, on a de quoi être inquiets, le pacte vert pour le climat européen est en train d’être édulcoré, notamment sa stratégie alimentaire ; on ne va pas dans le sens de la qualité alimentaire » plaide Jean-Louis Rastoin, professeur honoraire à l’Institut Agro Montpellier.

Haro sur « la malbouffe »... et ceux qui s’empiffrent

« Entre les agriculteurs et les consommateurs, a-t-on une chaîne de valeur ou de voleurs », demande le président du réseau Civam dans Libération ? Maraîcher dans le Vaucluse, Nicolas Verzotti retient que seulement 7 euros reviennent au producteur sur 100 euros de dépense alimentaire et déplore : « les distributeurs demandent des produits standardisés de basse qualité ». Dans l’Obs, la journaliste Morgane Bertrand s’interroge : « et s’il était possible de faire mentir cette équation fatale qui veut qu’il y ait toujours un perdant sur le parking du supermarché » ? L’hebdomadaire considère que si un pays comme la France, on peut compter « 8 millions de personnes en insécurité alimentaire (...) 18 % de ses agriculteurs vivre sous le seuil de pauvreté ou encore 30 % des oiseaux des champs disparaître en quinze ans, c’est qu’il y a un problème ». Situé encore plus à gauche sur l’éventail de la presse, Basta pointe aussi du doigt « la malbouffe » en titre. Sophie Chapelle retient de sa lecture du rapport que « 80% des soutiens publics entretiennent un modèle à l’origine des problèmes ». Pour le fondateur de Basic, « c’est aussi une bonne nouvelle : cela veut dire qu’il y a un levier d’action », réagit Christophe Alliot au micro du Journal de l’Eco de Radio France.

Voir aussi : l’entretien croisé entre le député André Chassaigne et l’économiste Philippe Chalmin, "[Revenus des agriculteurs] “Loi Egalim : il fallait plus d’Etat !”

Par Stéphane Thépot, journaliste

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