Bizarrerie des récits antiques, ce n’est pas sa mine repoussante qui éloigne prédateurs ou pilleurs. Non. C’est un bruit. Un horrible, terrible son qui fait perdre la raison, met en déroute les armées, sème la terreur jusque dans les rangs des Titans. Une telle peur qu’on la qualifie de panikos et qui en vint à désigner les grandes frayeurs sans fondement, sans cause légitime, si ce n’est un écho venu d’on ne sait-où, une rumeur en sorte, de pénurie de papier-toilette tiens, au hasard. Décidément, les mythes ont le génie de plonger au cœur des archétypes et des ressorts universels de nos comportements.
Mais là n’est pas tout. Car si l’on revient à nos moutons et à leurs bergers des confins du Péloponnèse, on apprend aussi que leur collait une image peu avenante, de rustres mal dégrossis, à peine civilisés, des archaïques côtoyant le sauvage, loin, très loin des façons policées que goûtent les Athéniens et autres citadins. Rustres, rustiques, même racine pour désigner ces campagnards dont Pan et sa figure à peine humaine est le protecteur, lui-même tirant d’ailleurs peut-être son nom de páein, « faire paître ». Même sa musique, tirée d’une flûte de roseau, est jugée quand même sacrément primitive.
Et pourtant, imaginez que surviennent une crise majeure, un danger invisible et hors norme qui trouble les esprits et désorganise les vies, pure fiction bien sûr. Eh bien il est à parier que nombre d’urbains seront tentés de fuir en masse les métropoles pour trouver refuge dans des contrées semblables à l’Arcadie. Un mouvement de panique mais à rebours, un contre-exode vers le pays des rustres, pâtres et laboureurs. Rudes et grossiers ? Ah non, ça c’était avant, quand nul ne croyait au temps des pandémies et du grand confinement. Par la foudre de Jupiter, « C’est la nature qui se venge » entend-on alors dans les cités les plus civilisées. De quoi donner une furieuse envie de plonger droit dans les bras velus de Pan, chérir ses cornes, oublier son odeur, mettre vos pas dans ses sabots… Et puis on va s’arrêter là car il ne faudrait pas oublier que notre protecteur est aussi fort lubrique. Pan sur le bouc !
Chronique de V. Péan, mars 2020
- A côté de la plaque... le nom des grandes consultations.
- Un trop-plein de pénuries, comme un désir du manque.
- Transition : la révolution sous sédatif
- Hygiénisme, c’est du propre...
- Le Paysage défiguré, figuré, reconfiguré... re-figuré ?
- Forêt : la loi de la jungle
- Nous sommes tous des impactés
- Spéculation : le spectre de la Grèce
- Le vaccin, la vache et ses vices cachés
- Le "capital-santé" ou le corps du délit...
- Obèse... lourd de sens.
- La "bougette" de la recherche.
- Ce mot qui fait rage...
- Parasite, celui qui s’invite à table...
- Bestial, c’est humain ?
- Vous avez dit développement durable ?
- Sauvage : l’évolution à rebrousse-poil
- L’effet boeuf de l’hécatombe
- Cette panique qui nous Pan au nez
- Cette catastrophe qui nous arrache au cours ordinaire des fleuves…
- Et si le scandale, c’était bon pour la morale ?
- « Sidération » : quand le non-sens conduit à la jouissance
- Bobos, le beau rôle ?
- Les espaces publics, ou l’apologie du terrain vague
- Êtes-vous légumiste ?
- Banqueroute : comme un gros mal de dette
- Hybride, à la croisée des sens
- Vandalisme, l’art et la manière
- Quelle aubaine : ce droit de spolier les étrangers !