23/04/2025
Revue de presse du 23 avril 2025

Aux Antilles, la filière banane vend chèrement sa peau

Pourquoi le fruit tropical le plus vendu au monde est-il moins cher en métropole qu’à Fort-de-France ? Faut-il s’en réjouir ou s’en alarmer ?

Les plantations de banane couvrent désormais moins de 25% de la Surface Agricole Utile (SAU) en Martinique et ne représentent plus que 10% des 2.700 exploitants agricoles de l’île, peut-on lire au détour d’un article du Monde. Le correspondant du quotidien a suivi la visite de Manuel Valls sur une exploitation où l’agriculteur « a arraché ses derniers bananiers après la longue grève de 2009 contre la vie chère », précise Jean-Michel Hauteville. Le ministre des Outre-Mer applaudit : « Si on est capable de sortir de ce qu’a été la culture historique de la Martinique – la banane, mais aussi la canne qui doivent évoluer, qui doivent aider les autres filières –, on peut faire une agriculture de très grande qualité ».

La visite ministérielle n’est toutefois pas du goût de Michel Taube. « La banane est le principal pourvoyeur d’emplois dans le monde agricole antillais avec la canne à sucre », souligne cet éditorialiste, libéral conservateur revendiqué, dans les colonnes de sa publication en ligne. Le fondateur de L’Opinion Internationale se désole de constater qu’il ne reste plus que 450 producteurs, victimes selon lui de « l’idéologie pseudo environnementaliste » et de « la machine bureaucratique française et bruxelloise ».

Soutenir la « banane française » avec des drones et des variétés génétiquement modifiées

« La banane de Martinique et de Guadeloupe est la plus vertueuse des bananes au monde », assure Michel Taube qui reprend les arguments développés par la filière lors du dernier salon de l’agriculture à Paris. Les producteurs réclament une dérogation à l’interdiction des épandages aériens de produits phytosanitaires pour lutter contre la cercosporiose noire, une maladie foliaire qui « attaque les feuilles et diminue la qualité de la production », expliquait leur représentant dans Sud-Ouest. La dépêche AFP reprise par le quotidien régional ajoutait que la filière mise surtout sur l’autorisation par l’Europe de nouvelles variétés de bananes résistantes mises au point par génie génétique (NBT, pour New Breeding Technologies, en français, nouvelles techniques génomiques) dès 2026, pour une commercialisation en 2028.

Ouest-France faisait l’apologie de cette banane NBT « quasi bio » dès 2023. « Après le désastre de la chlordécone, un insecticide toxique pour l’homme utilisé jusqu’en 1993, les producteurs antillais ont amorcé un virage et tourné peu à peu le dos à l’agriculture intensive », expose Guillaume Le Du. Le journaliste du quotidien breton souligne que la taille moyenne des bananeraies se limite à 15 ha aux Antilles contre 500 ha en Colombie, avec des exploitations jusqu’à 1.000 ha en Equateur.

Bananes subventionnées contre autonomie alimentaire

En Martinique, les cultures de bananes accaparent toutefois déjà 78 % des 121 millions de subventions européennes accordées à l’agriculture des territoires ultra-marins, rapporte le correspondant du Monde. Cela alimente un débat local : ne vaudrait-il pas mieux aider la production de cultures vivrières ? Les aides européennes du POSEI (Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité) permettent certes aux bananes antillaises de rester concurrentielles (autour de 1€ le kilo) face à la « banane dollar » en métropole, mais elles sont paradoxalement deux fois plus cher sur place, souligne la télévision publique d’Outre-Mer.

En Guadeloupe, « la production de fruits (hors bananes) a chuté de 50 % et trois fruits sur quatre présents sur les étals des magasins proviennent de l’étranger », rapporte le correspondant de Libération. « La dépendance aux importations reflète une perte d’autonomie alimentaire. Le marché local des fruits, qui autrefois dépendait fortement des producteurs locaux, est désormais dominé par des produits étrangers », constate le directeur de la SAFER de Guadeloupe. C’est dans ce contexte que Radio Caraïbes International annonce la démission du président de Banamart, le groupement des producteurs de bananes de Martinique. « La souffrance des petits producteurs, je la connais (…) Il faut les aider, les accompagner, mais pas faire n’importe quoi » déclare Alexis Gouyé.

Pour les Antilles, mais aussi la Réunion, Mayotte, la Polynésie ou la Nouvelle Calédonie, Emmanuel Macron avait affiché l’objectif de réduire « la dépendance alimentaire » des territoires ultra-marins d’ici 2030, rappelle le portail des Outre-Mer de France Info. « C’est formidable d’avoir des territoires qui sont très forts dans la banane, dans le sucre », déclarait le président de la République en recevant des agriculteurs ultramarins à l’Élysée, le 26 février dernier. Mais ces filières « beaucoup trop fortes n’ont pas permis de développer toute la diversification nécessaire ».

Sur ce sujet lire aussi : Outre-mer : à quand la souveraineté alimentaire ? (revue Sesame)
Par Stéphane Thépot, journaliste

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