10/11/2020
Revue de presse du 10/11/2020
Nature du document: Revue de presse
Mots-clés: Crises , Elevage , Risque , Santé

Grippe aviaire : comment ne pas y laisser des plumes ?

Entre les élections américaines, la messe quotidienne sur la situation sanitaire et les espoirs d’avoir peut-être trouvé un vaccin efficace contre la Covid-19, une autre actu passe, elle, plus inaperçue : celle de la menace bien réelle d’un retour de l’influenza aviaire (H5N8) dans les élevages avicoles français, dont le souvenir traumatique de l’hécatombe des années 2005, 2016 et 2017 reste vif dans la mémoire des éleveurs et du reste de la population. Face à ce péril venu de l’est, avec des premiers foyers repérés en Russie et au Kazakhstan (France 3 Auvergne Rhône-Alpes), au tour des volailles, canards, oies et autres volatiles d’être confinés, avec gestes barrières de rigueur. De Ouest France, jusqu’au Parisien, avec un crochet par le Monde ou le Figaro, passage en revue de la presse.

H5N8 à tire-d’aile

Dimanche 25 octobre 2020, l’alerte, relayée par le média Le Monde, est lancée par le ministère de l’Agriculture. « Le virus influenza aviaire hautement pathogène H5N8 a été détecté le 20 octobre sur deux cygnes tuberculés aux Pays-Bas », indique-t-il dans un communiqué précisant que « ces cas alertent sur le risque d’introduction en France à partir de la circulation du virus dans les couloirs de migration actuellement empruntés par les oiseaux sauvages ». Le risque, autrefois jugé « négligeable » monte alors d’un cran et devient, à cette date, « modéré ». Et le scénario de se préciser, dix jours plus tard, avec l’envolée de la dynamique de propagation de H5N8 chez nos voisins européens.

Figaro, France 3 ou encore le Monde, tous relaient cet autre arrêté du ministère de l’Agriculture, daté du 04 novembre 2020 : « Depuis [le 25/10 /2020], une dynamique d’infection s’est emballée puisque 13 cas en faune sauvage et un foyer en élevage de poulets de chair aux Pays-Bas et 13 cas chez des oiseaux sauvages en Allemagne ont été déclarés. Le 3 novembre, le Royaume-Uni déclare également un premier foyer, dans le nord-ouest de l’Angleterre ». L’étau se resserre et, face à cette menace désormais bien réelle, le ministère décide dans la foulée de renforcer son dispositif de lutte préventive contre l’introduction du virus sur le sol français. Avec, à compter du 6 novembre, la mise sous cloche des élevages avicoles de 46 départements, de la Moselle, jusqu’aux Landes, en passant le Rhône, l’Ain, l’Ardèche ou la Savoie, renseignent une foule de médias régionaux.

En plus des mesures traditionnelles de biosécurité - un protocole sanitaire à respecter tout au long de l’année, justement pour éviter l’avènement d’épizooties - le passage de ces territoires à un niveau de risque « élevé » soumet donc les professionnels de la filière avicole à un ensemble de mesures plus strictes. Dans le détail : claustration ou protection des élevages de volailles par un filet avec réduction des parcours extérieurs pour les animaux, interdiction des rassemblements d’oiseaux (concours, foires ou expositions) ou encore, interdiction des transports et lâchers du gibier à plumes [1]. L’objectif ? Étouffer dans l’œuf la propagation du virus dans ces espaces susceptibles d’être survolés par des oiseaux migrateurs qui pourraient en être porteurs. Et il y a urgence car, comme le prévient l’Office national de biodiversité auprès de la Plateforme ESA (Épidémiologie Santé Animale), «  le territoire français est concerné par ces migrations qui battent leur plein actuellement ; le pic d’arrivées migratoires en France [ayant] souvent lieu en novembre  ».

Concrètement, comment oiseaux migrateurs et ceux d’élevages se contaminent-ils ? D’après l’Anses, la transmission du virus est de deux sortes : tantôt « directe, par des contacts rapprochés entre individus - sécrétions respiratoires, matières fécales », tantôt « indirecte par l’exposition à des matières contaminées - nourriture, eau, matériel ou vêtements ». Avant d’ajouter que l’agent pathogène « se propage très rapidement chez les oiseaux et entraîne une mortalité très forte ». Le cas échant, l’« abattage et la destruction de toutes les volailles et des œufs d’exploitation ou de la basse-cour » reste l’une des mesures phares prescrite par le gouvernement.

L’occasion, peut-être, de remettre au goût du jour une question laissée en suspens mais qui ressurgit à la faveur de chaque recrudescence de cas de grippe aviaire (Le Parisien) : celle de l’abattage préventif des animaux, même sains, dès lors qu’un foyer de contamination est identifié. Sujet sur lequel la Mission Agrobiosciences s’était d’ailleurs penchée lors de la précédente épizootie avec deux entretiens-fleuve, avec le vétérinaire et consultant en stratégie Philippe Baralon (« Grippe aviaire : la survenue de ce nouvel épisode ne doit pas masquer les efforts réalisés ») et l’anthropologue Frédéric Keck (« Qu’elle soit aviaire ou humaine, la grippe cristallise tout ce qui nous effraie »).

Main basse sur les cours

Si aucun cas n’est à ce jour enregistré sur le sol français, signalons tout de même que le retour de la grippe aviaire aurait des conséquences désastreuses pour l’ensemble de la filière avicole, qui «  reste traumatisée par ce qu’on appelle l’« Ebola du poulet » et les dégâts économiques qu’il a engendrés lors des hivers 2015-2016 et 2016-2017 », comme le rappelle Le Parisien.

A ce titre, on se souvient que ces vagues successives, de H1N5 puis de H5N8, avaient occasionné la mort prématurée de plusieurs millions de palmipèdes en France (Le Monde, 07/11/2020). Rien qu’en Italie, où 83 foyers d’infection au H5N8 avaient été identifiés, « 2,7 millions d’oiseaux avaient été abattus et les coûts d’éradication s’étaient élevés à quelques 40 millions d’euro. En France, la production de foie gras avait diminué de 30% » (Le Parisien). Coup fatal porté à l’ensemble des acteurs de la filière, à la veille des fêtes de fin d’année.

Le risque, aujourd’hui ? Que l’épisode funeste se répète et vienne se greffer à celui du Covid-19 dont les conséquences – au rang desquelles, la fermeture des restaurants - pèsent déjà lourdement sur le secteur. « Une seconde lame, voici ce que redoutent les exploitants », résume ce journaliste du Parisien. Comme l’indique Birthe Steenburg, secrétaire général de l’Association des centres d’abattage de volailles et du commerce d’importation et d’exportation de volailles des pays de l’Union européenne, interrogée pour l’occasion, la menace plane en effet d’un verrouillage de débouchés à l’exportation : « Lorsque la grippe aviaire hautement pathogène est détectée dans un pays, de nombreux marchés de pays tiers ferment leurs portes à la viande de volaille ». Ce, malgré le fait que la consommation de viande, foie gras et œufs ne présente aucun danger pour l’homme.

A ce jour, en effet, aucun cas humain pour les souches détectées en 2015/2016 et 2016/2017 sur le sol français, H5N1 et H5N8, n’a été identifié [2]. Même si, de ce côté-là, l’Institut Pasteur invite à la prudence, indiquant sur son site Internet que « si la plupart des virus aviaires n’infectent pas l’homme, certains sous-types parviennent parfois à franchir la barrière des espèces : c’est le cas du virus H5N1, pathogène pour l’homme et présent en Asie. A l’heure actuelle, la transmission du virus ne se fait que de l’animal à l’homme, mais les autorités sanitaires redoutent une évolution du virus vers une forme transmissible d’homme à homme, porte ouverte à une pandémie. » Le scénario, désormais bien connu, est celui qui avait fait le terreau de la pandémie de Covid-19 (voir l’enquête « Santés humaine et animale : destins liés » réalisée pour la revue Sesame). Enfin, là n’est que l’hypothèse du pire, qui requiert donc qu’on la manie avec pincettes.

[1] https://agriculture.gouv.fr/influenza-aviaire-hautement-pathogene-la-france-eleve-le-niveau-de-risque-eleve
[2] https://agriculture.gouv.fr/linfluenza-aviaire-en-quelques-mots

France 3, Ouest France, Le Monde, Le Figaro...

Sources :


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