03/07/2014
Propos épars le mardi 17 juin 2014 à la librairie Ombres Blanches à 18H00
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Retour sur la rencontre avec Damien Baldin autour de son ouvrage Histoire des animaux domestiques au XIXè-XXè siècle (Editions du Seuil)

« Les chiens sont des enfants qui ne grandissent pas et ne partent pas », écrivait la psychanalyste Marie Bonaparte en 1937 pour expliquer son attachement à son chien Topsy, un chow-chow. La romancière anglaise Virginia Woolf, elle, publia en 1933 Flush, la biographie de la poétesse Elizabeth Barrett Browning vue… par son cocker. En France, la Société protectrice des animaux voit le jour en 1845 ; cinq ans plus tard est adoptée la première loi, encore très timide, interdisant les traitements cruels envers les animaux. L’histoire sociale et culturelle montre que l’affection et le mouvement de protection à l’égard des animaux domestiques ne s’étendirent pas également à tous. De nouveaux rapports entre les humains et les animaux allaient se nouer dans les fermes et les appartements. Puis, la guerre vint à passer... ; et la vie repris son cours .
Le mardi 17 juin 2014, Damien Baldin, professeur agrégé d’histoire et chargé d’enseignement à l’EHESS était venu nous entretenir de tout ce pan de l’histoire culturelle et sociale. Une rencontre co-organisée par la Mission agrobiosciences et la librairie Ombres Blanches.

Du contact quasi quotidien avec l’animal en ville, chiens et chevaux d’attelage ; veaux, vaches, cochons à la campagne, ils n’ont jamais été aussi nombreux. Le chien et le cheval, mais pas uniquement, jouent un rôle considérable. Damien Baldin montre en quoi la maîtrise des animaux devient une nécessité sociale mais aussi un facteur d’amélioration des animaux eux-mêmes et des races animales au tournant de la fin du 18è siècle et aux siècles suivants. C’est l’arrivée sur la scène de la zootechnie, l’importance de la médecine vétérinaire.
L’intimité des sentiments qu’ils font naître s’exprime de plus en plus ouvertement dans la vie quotidienne, la littérature et la peinture. La sensibilité à leur souffrance se renforce et les mauvais traitements qu’ils peuvent subir commencent à être réprimés. La loi désormais les protège. Corollaire de cette amélioration, la protection des animaux au travers de la loi Grammont mais aussi une attention nouvelle au bien être du chien comme du cheval et une attention particulière à la question de la violence : notamment les combats de coqs mais aussi les paradoxes de la corrida qui demeurent encore aujourd’hui.

Cependant à l’amélioration de la condition animale l’on pourrait opposer l’élimination de tout ce qui erre un peu comme l’on stigmatisait les classes dangereuses qui perturbaient le repos du bourgeois. D’où une lutte contre la promiscuité à partir de préoccupations hygiénistes et l’apparition de la fourrière et de l’abattoir. Dans le même temps, la saleté, l’errance des animaux, la vue de leur sang sont de moins en moins tolérés. Fourrières et abattoirs font leur apparition. Un partage se dessine entre les élus du cercle familier, choyés et protégés, et les autres. Tout ceci afin d’améliorer la façon d’éliminer les animaux : de la pendaison nous sommes passé à la chambre à gaz ; et de la masse nous avons évolué vers le pistolet humanitaire dans les abattoirs. Un peu comme de la roue pour les suppliciés nous sommes passés pour des raisons de confort, bien sûr, à la guillotine. Alors peut-être que nous avons évolué à partir de la domestication animale vers une forme de contrôle social : cacher et tuer les animaux errants comme on cache ses pauvres ou en les éliminant en les éloignant toujours plus loin. Comme si la domestication animale est concomitante peut-être d’une forme de la domestication humaine et sociale. Ainsi Damien Baldin dépeint tout un univers anthropologique et social de notre histoire à la fois quotidienne et sociale.
La conclusion aborde la question du « tournant animaliste. » « Mon travail a été mené en dehors » nous dit l’auteur. « En histoire il n’existe pas d’animal mais des animaux. Trop de travaux animalistes parlent avec évidence de cet animal qui tient plus de la spéculation philosophique que d’une objectivité historique : les animaux n’existent en histoire qu’à travers ce que les hommes en pensent et en font. » peut-être peut-on se demander en quoi la domestication marque-t-elle un progrès de la civilisation ?

Trois questions à Damien Baldin

PROPOS EPARS avec Damien Baldin from AGROBIOSCIENCES TV on Vimeo.

Damien Baldin devait aborder lors du débat qui suivit l’origine de la domestication animale. Quelle est la différence entre domestication et élevage ? Peut-on aimer les animaux et être pour le gavage des oies ? Le monde paysan vit au milieu de ses « bêtes » et pourtant il les abat. Il fut souvent question de la souffrance animale et de la place de l’animal de compagnie. A partir de quelle époque se préoccupe-t-on de souffrance animale ? L’on s’interrogea sur la confrontation entre la sensibilité d’une nouvelle élite urbaine et la sensibilité paysanne. Comme si souhaiter améliorer le sort des animaux répondait à un besoin des hommes. Comme si édicter des lois qui protègent les animaux participait de la mise en ordre de la société.

Rappelons aussi que Damien Baldin est un historien des animaux dans la Grande Guerre. Si la Grande Guerre demeure dans les esprits comme une accélération foudroyante de la modernité guerrière, cette représentation cache toutefois de nombreux aspects plus "archaïques". Il en est ainsi de la présence massive et variée des animaux dans les armées et les imaginaires des sociétés en guerre. Car la Première Guerre mondiale ne mobilise pas seulement des millions d’hommes, elle utilise aussi à des fins diverses des millions d’animaux : chevaux, chiens, pigeons voyageurs, bétail... Ces animaux ont à la fois un rôle tactique, symbolique et alimentaire, mais ils ont aussi un impact plus néfaste sur la vie quotidienne (rats, poux, mouches...). Pour ses contemporains, la Grande Guerre est assurément une Grande Guerre des animaux.

Damien Baldin est professeur agrégé d’histoire et chargé d’enseignement l’EHESS. Il y termine sa thèse d’anthropologie et d’histoire consacrée à la police des chiens aux 19e et 20e siècles. Il est notamment l’auteur des livres Histoire du sein. Approche historique du corps des femmes au 19e siècle (Sandre, 2005), La guerre des animaux 1914-1918 (Artlys, 2007) et Charleroi, 21-23 août 1914 (Taillandier, 2012).

Renseignements : Jacques Rochefort, Mission Agrobiosciences

Pour aller plus loin, voir également sur le site de la Mission Agrobiosciences


En collaboration avec la librairie Ombres Blanches & la Mission Agrobiosciences

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