14/10/2011
Revue de presse de la Mission Agrobiosciences. 14 octobre 2011
Nature du document: Revue de presse
Mots-clés: Politiques , Risque , Santé

Suppression du bisphénol A. "BPA, hors-la-loi" (article revue de presse)

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Ce mercredi 12 octobre 2011, les députés de l’Assemblée nationale ont voté « l’interdiction du bisphénol A [BPA] dans les contenants alimentaires ». Dès 2013 pour les contenants destinés aux bambins, les industriels devront se passer du BPA, composant présent dans une foule de produits : des canettes aux boîtes de conserve, en passant par les bouteilles en plastique rigide… Reste ceci : trouver un remplaçant qui satisfasse à la fois les exigences techniques et sanitaires ne sera pas une mince affaire. Explications dans cette revue de presse de la Mission Agrobiosciences.

Un dossier aux multiples rebondissements
En mai 2008, lorsque le gouvernement canadien décide d’interdire « la commercialisation de biberons constitués de plastique contenant du bisphénol A », cela fait déjà plusieurs années que ce composant est suspecté d’être un perturbateur endocrinien. Ce qui motive alors la décision du gouvernement canadien, ce sont les résultats d’une étude qui indique que le BPA migre vers les aliments lorsqu’il est exposé à une forte chaleur, par exemple celle générée par le micro-ondes.
En France, la Direction Générale de la Santé saisit l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (Afssa) sur cette question [1]. Dans le rapport qu’elle rend quelques mois plus tard, l’agence conclut qu’«  il n’y a pas de précaution d’emploi particulière au regard des normes définies par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) ». En clair, comme le détaille alors une revue de presse de la Mission Agrobiosciences du 9 avril 2009, la dose journalière admissible fixée depuis 2002 à 0.05mg/kg de poids corporel reste valide.
Mais cette conclusion n’est pas du goût de tous à l’image du Réseau Environnement Santé (RES), un regroupement de scientifiques, d’associations et d’ONG. S’appuyant sur plusieurs études scientifiques, ils plaident pour une ré-évaluation de la DJA, à leurs yeux trop élevée. Problème : les études en question, parce qu’elles ne répondent pas toujours à l’ensemble des critères des protocoles internationaux d’évaluation toxicologique, ne sont pas prises en compte par les comités d’experts.
Interpellée, à l’époque, sur la nécessité de faire appliquer dans ce cadre le principe de précaution, la ministre de la santé Roselyne Bachelot rétorque que ce dernier ne s’applique qu’en l’absence d’études fiables ce qui n’est pas le cas ici.

Changement de ton
Nouveau rebondissement le mardi 27 septembre 2011 avec la publication, par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), de deux rapports sur le BPA. Les conclusions ? Le BPA engendre « des effets sanitaires, avérés chez l’animal et suspectés chez l’homme » et, ce « même à de faibles doses d’exposition ».
Comme le rapporte Cécile Dumas dans Sciences et Avenir, l’ANSES reconnaît que le BPA peut avoir des effets à des doses « notablement inférieures aux doses de références utilisées à des fins réglementaires ». En clair, la fameuse DJA. Là où l’EFSA reste sur ses positions, « s’accroche à ses limites réglementaires » écrit la journaliste, l’ANSES va plus loin et se démarque de son homologue européenne comme de l’OMS. C’est que le BPA aurait, « selon Dominique Gombert [directeur de l’évaluation des risques à l’ANSE], (…) des effets "non linéaires", c’est-à-dire "plus importants à très faible niveau qu’à exposition plus importante » précise Libération.
Des éléments qui ont conduit l’Anses à appliquer le principe de précaution, lequel, nous dit le Quotidien du médecin, « impose de réduire l’exposition au BPA auprès des populations identifiées comme à risque » : les nourrissons, les jeunes enfants et les femmes enceintes et allaitantes. Pour ce faire, l’agence préconise le remplacement du BPA dans les matières plastiques, notamment les emballages alimentaires, les denrées alimentaires constituant la source principale d’exposition. Remplacer « sans tarder » ajoute Libération qui insiste sur le caractère « urgent » et « prioritaire » de la situation.

Remplacer, oui, mais par quoi ?
Réponse quasi immédiate de l’Union des industries chimiques : « La substitution du BPA n’est pas une démarche simple dans la mesure où son remplacement par une seule substance n’est techniquement pas envisageable aujourd’hui, en particulier dans les résines au contact des aliments » (Le Monde, 29/09/2011). Des difficultés techniques auxquelles s’ajoutent, selon les industriels, des raisons sanitaires, l’organisation refusant de « le principe de remplacement d’une substance bien évaluée par une substance moins bien évaluée ».
Alors, « quels substituts au BPA ? » se demande Pierre Le Hir, pour le journal Le Monde (07/10/2011). La réponse n’est pas des plus évidentes. Citant Jean-Pierre Cravedi, chercheur Inra et l’un des membres du groupe de travail de l’Anses, l’article souligne « qu’il n’existe pas de candidat idéal pour remplacer le BPA ». D’autant que, poursuit l’auteur, « parmi les substituts envisagés, figurent d’autres types de bisphénol sur lesquels les connaissances scientifiques sont très réduites ». Dans le détail, on comprend que si, pour certains objets comme les biberons [2], la solution est toute trouvée, pour les boîtes métalliques, les choses se compliquent. Et chacun campe sur ses positions : pour les industriels, il est « impossible » de trouver un composé aussi polyvalent que le BPA ; pour RES, il existe « des alternatives ».

Exit le BPA
Ce mercredi 12 octobre, les députés de l’Assemblée nationale ont voté à l’unanimité l’interdiction du bisphénol A dans les contenants alimentaires. « La mesure s’appliquera à compter de 2014, mais dès 2013 pour les contenants alimentaires de produits destinés aux enfants de moins de trois ans », nous append Libération. Parmi les multiples déclarations qui ont accompagné cette décision, Romandie.fr se fait l’écho des propos du RES qui considère que cette décision doit interpeller l’EFSA, et que sa « crédibilité […] est remise en question ».
Le sort en est-il pour autant jeté pour le BPA ? Rien n’est moins sûr. Ainsi, toujours dans Libération, on peut lire qu’« un rapport d’étape sur les substituts au BPA et leur innocuité sera transmis au Parlement au plus tard le 31 octobre 2012 ». Reste que, comme le remarque la députée Michèle Delaunay, « aucune étude scientifique probante n’aura le temps d’être menée à bien. Des résultats incomplets pourront être avancés par les industriels pour démontrer qu’ils ne disposent pas de substituts définitivement innocentés et demander la prorogation de la mesure ».
Bref… On n’a pas fini d’entendre parler du BPA…

Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 14 octobre 2011.

Sources :

Revue de presse de la MAA, Sciences et Avenir, Libération, Le quotidien du médecin, Le Monde, Romandie.fr

[1Devenue depuis sa fusion avec l’Afsset, l’Agence de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’Anses : l’Agence nationale de sécurité sanitaire alimentation, environnement, travail

[2Précisons, comme le rappelle cet article, que le BPA entre dans la composition du polycarbonate, un plastique très résistant qui est interdit en France depuis le 1er janvier 2011. La même mesure est entrée en vigueur en Europe, le 1er mars pour la fabrication des biberons et le 1er juin pour leur vente


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