Placée sous la tutelle du Ministère de la Santé, mais également de deux Sous-secrétariats d’État (Écologie et Développement de l’économie numérique), la première table ronde de ce Grenelle n’a pour l’instant pas satisfait ses participants. Si les associations et le monde politique sont représentés, il reste des absents comme le souligne Philippe Goirand, porte-parole toulousain du parti Verts, dans la Dépêche du Midi : « Ces discussions ne sont pas alimentées par des éléments scientifiques puisqu’aucun n’a été invité à ces débats ». En tout cas, tout procédure de type pose, semble-t-il, la question de la légitimité et de la représentativité des personnes qui y sont conviées, comme de celles qui restent sur le pas de la porte. 20 Minutes relève que les associations Agir pour l’Environnement et Priartem estiment que l’organisation du Grenelle s’est faite « dans la précipitation et l’improvisation », tandis que pour Philippe Goirand : « Tout cela ne semble pas très préparé et relève plus du coup marketing ». Le Grenelle serait-il déjà court-circuité ? En tout cas, il ne freine pas les débats autour de l’impact sanitaire des antennes-relais.
L’association Robin des Toits s’est ainsi érigée en porte-drapeau de mesures visant à réduire le taux d’exposition maximal aux ondes. Actuellement, et selon un décret datant de 2002, les antennes françaises peuvent émettre jusqu’entre 41 et 61 Volts/mètre « conformément aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé et de la Commission Européenne », rappelle 20 Minutes. Un seuil beaucoup trop élevé et qui devrait être ramené à 0,6 V/m qui « correspond à la position consensuelle de tous les scientifiques indépendants » selon Robin des Toits. 20 Minutes note également que Nathalie Kosciusko-Morizet, actuelle sous-secrétaire d’État à l’Economie numérique et donc impliquée dans le Grenelle, avait déjà proposé en 2005 « une proposition de loi relative à la réduction des risques pour la santé publique des installations et des appareils de téléphonie mobile dont le premier article fixait cette même limite ». Des tests "grandeur nature" de ce nouveau seuil d’exposition seront par ailleurs réalisés dans quatre communes française, rurales et urbaines, qui se sont portées volontaires.
Pour, autant la question est-elle réglée ? Dans un interview au Journal de l’Environnement, Danielle Salomon - chercheur associé au Centre de sociologie des organisations et fondatrice du bureau d’études Risques & Intelligence - explique que « la question du seuil d’exposition est une fausse question qui ne résoudra probablement pas la controverse ». Elle explique ainsi que le seuil d’exposition de 0,6 V/m est déjà en vigueur dans certains pays de l’Union Européenne, ce qui n’apaise pas la contestation pour autant. A l’origine, c’est un « besoin d’information non satisfait [qui] a nourri la contestation » explique Mme Salomon. Le succès du Grenelle dépendrait ainsi en premier lieu de la capacité à informer sur le sujet afin de rassurer les personnes préoccupées de l’impact de ces ondes. Implantation en lieux scolaires, effets selon l’âge, distance par rapport à l’antenne, nocivité du téléphone portable... Autant de questions sur lesquelles sont attendues des explications, préalables à une législation, et sur lesquelles le Grenelle des ondes devrait se pencher dans les jours à venir. Et puis, plus fondamentalement, n’est-ce pas le lien entre évaluation du risque et gestion du risque qu’il faut réinterroger ? Restez branchés !
Revue de presse de la Mission Agrobiosciences. 12 mai 2009.
Sources :
- Grenelle des ondes : Les Robin des Toits ne lâchent pas leur 0.6, Julien Ménielle, 20 Minutes, 6 mai 2009.
- Tensions sur toute la ligne, S. Grasso, La Dépêche du Midi, 9 mai 2009.
- Antenne-relais : « la question du seuil ne résoudra probablement pas la controverse », interview de Danielle Salomon par Sabine Casalonga, Le Journal de l’Environnement, 11 mai 2009.
Lire sur le magazine web de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement) :
- Cet obscur objet du débat public. La restitution (PDF) de la Conversation avec Daniel Boy, Directeur de recherches au Cevipof et Jean-Michel Eymeri-Douzans, Professeur des Université à l’IEP Toulouse
- La revanche de Prométhée, quelques réflexions sur l’idée de progrès, par Jean-Michel Ducomte, avocat et enseignant, déans le cadre du café des sciences et de la société du Sicoval.
- Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, note de lecture de l’ouvrage de Hans Jonas par Jean-Claude Flamant, président de la Mission Agrobiosciences.
- Le principe de précaution : en a-t-on vraiment pris la mesure ?, restitution de la Conversation Midi-Pyrénées, introduite par Jean-Michel Ducomte, avocat et professeur à l’IEP de Toulouse, et Nicolas Treich, économiste à l’INRA.
- Peut-il y avoir un apprentissage collectif du risque ?, restitution de la Conversation Midi-Pyrénées, introduite par Olivier Moch, ancien directeur adjoint de Météo-France et Patrick Denoux, professeur de psychologie interculturelle.
- Comment contenir les peurs pour une meilleure prise de conscience du risque ?, par Patrick Denoux,
professeur de psychologie interculturelle, Université de Picardie Jules Verne Amiens.