Nous assistons actuellement à une étape décisive de l’institutionnalisation de ce concept, qui consiste notamment à élaborer un accord minimal sur l’utilité de cette notion. Loin de constituer un référentiel contraignant, le développement durable fait plutôt l’objet de compromis socio-politiques, qui témoignent de la capacité d’adaptation de cette notion aux contextes économiques, politiques et culturels qui voient son adoption. En témoigne la multiplication des politiques publiques, de stratégies économiques, de mobilisations d’acteurs -au niveau local comme international- labellisées « développement durable ». Mais assiste-t-on pour autant à l’élaboration d’une culture « durable » similaire pour l’ensemble de ces acteurs ? Ces politiques dites de développement durable sont-elles réellement compatibles et supposent-elles le partage d’une finalité commune ? Tenter de répondre à ces questions suppose d’analyser les mécanismes d’inscription des principes théoriques du développement durable, dans les politiques publiques, les formations professionnelles et scolaires, dans les procédures juridiques, dans le cadre des représentations des acteurs et dans les instruments d’action publique censés les rendre opératoires... afin de comprendre ce qu’est, en application, le développement durable. Autrement dit, il s’agit d’étudier comment la mise en pratique du développement durable (à travers notamment une codification juridique, une professionnalisation et une instrumentation spécifique) aboutit à son institutionnalisation, c’est-à-dire à son inscription dans les procédures décisionnelles contraignantes collectives.
Le colloque se propose d’interroger les mécanismes d’institutionnalisation du développement durable. En tenant compte de l’articulation des échelles géographiques (internationales, nationales et locales), des interactions entre divers réseaux d’acteurs (notamment d’expertise), et de l’instauration de compromis institutionnels entre acteurs concernés, il s’agira de questionner :
- 1) les mécanismes d’appropriation de cette notion par les acteurs (principalement à l’échelle locale) : comment les acteurs se dotent d’une culture (administrative, professionnelle, citoyenne...) se référant aux concepts clés du développement durable et comment cette appropriation (transformations des comportements collectifs et individuels) s’articule-t-elle avec les cultures professionnelles, militantes et administratives préexistantes de ces acteurs ?
- 2) les processus de professionnalisation des usages de cette notion de développement durable ; comment les acteurs parviennent-ils à concilier les objectifs à long terme du développement durable, avec les dispositifs techniques actuels (contraintes temporelles, conciliations des intérêts, résolution des conflits symboliques, etc.) ?
- 3) l’institutionnalisation du développement durable ne conduit-elle pas de fait à une standardisation fonctionnelle du développement durable ? Un tel cadre -qui répond aux exigences techniques de l’efficacité économique par exemple- peut-il faire face aux enjeux originels de cette notion (qui suppose de valoriser une approche interactionniste entre les différents « piliers » du développement durable) ? Les procédures de codification (cognitives et légales) qui résultent de la professionnalisation de cette notion n’induisent-elles pas une vision spécifique dans les utilisations à venir de ce concept ? Comment le travail de mise en cohérence institutionnelle participe-t-il à la re-définition opérationnelle du cadre théorique du développement durable, afin de le rendre conforme, adapté, admissible et donc utilisable au sein des cultures politiques et professionnelles des acteurs concernés ?
Le colloque sera donc l’occasion de confronter les analyses empiriques et théoriques des formes de diffusion, de traduction et d’appropriation du développement durable. L’accent sera mis sur l’étude des stratégies d’intégration de cette notion et des re-formulations nécessaires et opératoires, qui opèrent particulièrement auprès des acteurs locaux (responsables politiques, dirigeants d’institutions, réseaux d’entreprises, secteurs militants, etc.). Le colloque se propose de faire une évaluation des mécanismes utilisés par les acteurs pour gérer des tensions entre la constitution d’un savoir commun basé sur une appropriation du principe de développement durable et la continuité des pratiques professionnelles (dimensions cognitives et organisationnelles). Dans ce but le colloque valorise une approche méthodologique comparative et pluridisciplinaire (science politique, sociologie des professions, de la mobilisation, sociologie de la décision et de l’action publique, droit, économie, géographie...), prenant appui sur des études empiriques.Contact :
Bruno Villalba (coordinateur du colloque)
bruno.villalba@iep.univ-lille2.fr
Tél. : 33(0)3 20 90 42 79claudia Capecchi
claudia.capecchi@voila.fr
Tél. : 33(0)3 20 90 74 57