Dans quel cadre à été rédigé cet ouvrage ?
Au cours des années 1990, des universitaires français de Marseille puis de Toulouse se sont mobilisés pour faire revivre l’enseignement pharmaceutique au Cambodge, qui avait été complètement abandonné dans les années terribles que le pays a connues pendant la période des « Khmers rouges ». Puis la Fondation Pierre Fabre, reconnue d’utilité publique depuis 1999, la Fondation Mérieux ont financé la construction de la Faculté de Pharmacie et se sont engagées à développer la formation des meilleurs étudiants par la recherche. L’Institut de recherche Pierre Fabre (IRPF) a créé en 2005 un laboratoire de phytochimie, dédié à l’étude de la biodiversité végétale cambodgienne. Depuis, son engagement pour le fonctionnement et l’animation de ce laboratoire unique au Cambodge est constant. Le travail de prospection botanique est le préalable indispensable aux études phytochimiques. De fait, un important herbier et une riche photothèque, nécessaires aux identifications botaniques par les meilleurs spécialistes internationaux, ont été constitués.
Cette somme d’informations accumulées au cours de nombreuses missions effectuées sur l’ensemble du territoire cambodgien représente une expertise unique désormais à disposition des étudiants, chercheurs et touristes grâce à la réalisation de l’ouvrage.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la question de la biodiversité ?
Je suis persuadé de l’importance de préserver la biodiversité notamment végétale.
Il faut savoir que dans le monde, 7 plantes sur 10 sont menacées de disparition. En France métropolitaine, 2 à 3 espèces de plantes disparaissent annuellement et près d’un cinquième des espèces végétales est menacé. Rien qu’en France, tous les 8 ans la superficie d’un Département comme la Savoie (600 000 ha) disparaît sous les aménagements de type parkings, zones commerciales, lotissements…
Préserver la biodiversité est un enjeu majeur : elle joue en effet un rôle primordial dans le maintien des équilibres naturels et apporte de nombreux bienfaits et services à l’humanité. Convaincu des bienfaits des plantes pour la santé et la beauté, Pierre Fabre fait des substances végétales un axe majeur de sa recherche depuis plus de 50 ans.
Parlez nous des réglementations d’accès à la biodiversité.
L’appauvrissement rapide de la biodiversité et la reconnaissance croissante de son importance pour le bien-être de l’humanité ont conduit les dirigeants mondiaux, dans le cadre du sommet de la Terre de 1992, à adopter la Convention sur la diversité biologique, traité international, communément appelée Convention de Rio. Cette convention définit la biodiversité comme : « La variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. »
La Convention de Rio vise trois objectifs : conserver la biodiversité, utiliser durablement les espèces et les milieux naturels et partager de façon juste et équitable les bénéfices issus de l’utilisation des ressources génétiques. D’autres engagements, comme les Objectifs du Millénaire pour le développement en 2000, ont aussi affirmé de nouveau la nécessité de réduire l’appauvrissement de la biodiversité et de gérer durablement l’utilisation des ressources naturelles. Le dernier accord, celui de Nagoya en 2010 va permettre la mise en place effective de l’APA : l’Accès et le partage des avantages. Toute industrie ou organisme de recherche devra désormais déposer une demande d’accès au pays fournisseur, obtenir un consentement éclairé des populations autochtones, respecter les savoirs traditionnels et rédiger un contrat qui stipule le partage des bénéfices éventuels.
Que faites-vous dans le sens de la préservation de la biodiversité ?
Pour contribuer à la préservation des ressources végétales tout en répondant à des objectifs d’innovation et de qualité, notre Groupe a formalisé une démarche labellisée (label européen EFQM) pour le développement responsable d’actifs végétaux innovants, sûrs et efficaces : Botanical Expertise Pierre Fabre. Ce développement s’inscrit dans un cercle vertueux visant à développer l’innovation, à préserver la biodiversité, à garantir l’efficacité et la qualité de nos actifs végétaux et à respecter nos partenaires tout au long de la chaîne d’extraction et de fabrication.
A Madagascar, nous cultivons la pervenche tropicale et nous travaillons avec les producteurs locaux. Ce travail constitue l’activité économique de plus de 4000 familles. Par ailleurs, nous participons à des actions d’accompagnement social sur la région.
Pour donner plus de lisibilité à ces engagements qui nous animent depuis la création de l’entreprise, nous avons formalisé notre politique en matière de développement durable. Elle se décline autour de 5 grands enjeux : éthique, hommes et territoires, cycle de vie, innovation, solidarité.
L’entreprise s’est engagée dans une démarche volontaire d’évaluation AFAQ 26000, traduction opérationnelle de la norme internationale ISO 26000 sur la responsabilité sociétale des organisations. L’entreprise vient de recevoir les résultats de son audit : elle atteint, dès la première évaluation en 2012, un niveau confirmé (3ème niveau sur 4). C’est ainsi le premier laboratoire pharmaceutique et dermo-cosmétique évalué AFAQ 26000 en France et la première entreprise de plus de 10 000 salariés à obtenir un « niveau confirmé » dès sa première évaluation.
Quelles recherches réalisez-vous sur les plantes en France et à Toulouse ?
Une recherche de pointe sur les plantes, croisant les expertises complémentaires de botanistes, agronomes, biologistes et pharmaciens passionnés par les bienfaits du monde végétal
- Plus de 18 000 échantillons de plantes sont utilisés dans nos programmes de recherche, soit la plus importante collection privée mondiale
- 3 à 5 nouveaux extraits sont développés par an
- Des actifs végétaux issus de plus de 230 plantes
- Nous publions de nombreux articles scientifiques dans des revues spécialisées
- Nos connaissances scientifiques sont partagées au travers de cours et conférences dans l’enseignement supérieur, de conférences grande public comme celles organisées par Naturactive sur les plantes médicinales au Muséum d’histoire naturelle de Paris.
Au Cambodge, assiste-t-on à une érosion de la biodiversité ?
Le Cambodge, situé dans une zone qui est classée comme une des trente "hot spots"mondiaux de biodiversité, subit une pression anthropique très forte sur ses écosystèmes en particulier forestiers. Si le couvert forestier a énormément régressé au cours des 30 dernières années (-25%), les provinces du Nord-Est, le massif des Cardamones, la zone de Koh Kong, le massif du Bokor sont encore riches, mais pour combien de temps ? Les forêts primaires perdent 2% de leur surface par an. Il y a donc urgence à préserver et valoriser ce potentiel végétal sans doute condamné à moyen terme, ainsi que les connaissances principalement orales des tradipraticiens.
Outre l’agriculture, la surexploitation des ressources forestières menace très sérieusement les écosystèmes du royaume. Parce qu’elles sont collectées de façon excessive à l’état sauvage ou du fait de la dégradation de leur biotope, certaines espèces se raréfient de manière inquiétante, comme en témoigne le nombre croissant de plantes inscrites sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Recherchées pour leur qualité ornementale, la grande majorité des Orchidaceae du royaume sont aujourd’hui menacées. Il en va de même pour plusieurs espèces de Dipterocarpaceae, grands arbres dont le bois est estimé en construction (Dipterocarpus alatus, Hopea odorata, H. pierrei), ou pour Aquilaria crassna(Thymelaeaceae), dont on va chercher le précieux « bois d’aigle » toujours plus profond dans la forêt.
Pouvez-vous nous parler un peu de l’activité des Laboratoires Pierre Fabre ?
Les Laboratoires Pierre Fabre, second groupe pharmaceutique indépendant français, ont réalisé un chiffre d’affaires de 1,98 milliard d’euros en 2012, les ventes à l’international représentant 54% du total. Pierre Fabre est présent dans 42 pays et ses produits sont distribués dans plus de 130 pays.
A travers la société holding Pierre Fabre Participations, les Laboratoires Pierre Fabre sont détenus à 65% par la Fondation Pierre Fabre, reconnue d’utilité publique depuis 1999. Par ailleurs, grâce au programme d’actionnariat salarié mis en place depuis 2005, les collaborateurs de l’entreprise en sont collectivement actionnaires à hauteur de 7%. Cette gouvernance originale est garante de l’indépendance et de la pérennité de l’entreprise.
Les activités de Pierre Fabre couvrent l’ensemble des segments de la santé : des médicaments éthiques aux soins dermo-cosmétiques en passant par la médication officinale (OTC). Pierre Fabre emploie 10 000 collaborateurs dans le monde, dont 1400 en R&D. Chaque année, le groupe consacre près de 20 % du chiffre d’affaires réalisé dans le médicament à la R&D, autour de trois axes de recherche prioritaires : oncologie, dermatologie et neuropsychiatrie.
Forts de marques telles qu’Avène, A-Derma, Ducray, Galénic, Klorane, Naturactive, René Furterer ou Pierre Fabre Oral Care, les Laboratoires Pierre Fabre sont N°1 du marché français des produits dermo-cosmétiques, capillaires et bucco-dentaires vendus en pharmacie et parapharmacie. Commercialisée dans plus de 100 pays, Avène est la marque leader des soins dermo-cosmétiques en Europe, au Japon et en Chine. Dans le domaine du médicament, Pierre Fabre se concentre sur 4 franchises thérapeutiques prioritaires : oncologie, dermatologie, neuropsychiatrie et santé féminine. En oncologie, Pierre Fabre réalise près de 90% de son chiffre d’affaires à l’international.
En 2012, la démarche de responsabilité sociale et environnementale (RSE) des Laboratoires Pierre Fabre a été évaluée AFAQ 26000 par AFNOR Certification au niveau confirmé.
Fruit du travail de l’équipe du Laboratoire commun de phytochimie de la faculté de pharmacie de Phnom Penh (université des sciences de la santé du Cambodge), cet ouvrage permet pour la première fois aux botanistes, touristes et amoureux du monde végétal d’appréhender les trésors méconnus de la flore cambodgienne et d’en apprendre les usages locaux.
Au moyen de descriptions précises et de plus de 2 000 photographies prises sur le terrain, 524 espèces du royaume khmer sont présentées.
Deux sont nouvellement décrites et six sont signalées pour la première fois dans le pays.
De par son ampleur et la rigueur des identifications réalisées en collaboration avec les spécialistes des plus grands herbiers mondiaux, ce travail d’inventaire exceptionnel fait de la Flore Photographique du Cambodge un ouvrage de référence.
Le 17 janvier 2003, la nouvelle Faculté de Pharmacie de Phnom Penh a été inaugurée. Cette première réalisation de la Fondation Pierre Fabre a pour objectif de donner au Cambodge les moyens matériels et humains de former des spécialistes du médicament.
La Faculté de Pharmacie de Phnom Penh répond à plusieurs objectifs :
- Etre un lieu de Formation, de niveau international, pour que les pharmaciens cambodgiens, spécialistes du médicament, jouent un rôle moteur dans la Santé Publique du Cambodge.
- Etre un lieu de Rencontre dans lequel les acteurs de la Santé de ce pays sont informés des découvertes les plus récentes en matière de bon usage de la thérapeutique médicamenteuse.
- Etre enfin, désormais, un lieu de Recherche, où la spécificité cambodgienne s’affirmera pour les élites scientifiques formées ces dernières années.
Les auteurs
Mathieu LETI : responsable du Laboratoire
commun de phytochimie de Phnom Penh, puis
chercheur au sein de l’Institut de recherche Pierre
Fabre à Toulouse.
Sovanmoly HUL : botaniste spécialiste de la flore
de l’Asie du Sud-Est au Muséum national d’histoire
naturelle à Paris.
Jean-Gabriel FOUCHÉ : directeur du
Conservatoire botanique Pierre Fabre.
Sun Kaing CHENG : professeur de botanique et de
pharmacognosie à la faculté de pharmacie de
Phnom Penh.
Bruno DAVID : directeur de la botanique et des
approvisionnements végétaux à l’Institut de
recherche Pierre Fabre.
Lire sur le magazine Web de la Mission Agrobosciences (publications originales accessibles gratuitement) :
- Le marché au secours de la biodiversité ? Ou l’économie du gène n’est-elle qu’un mirage ?. L’Interview de Valérie Boisvert, économiste à l’Institut de Recherche pour le développement (IRD), par Sylvie Berthier, Mission Agrobiosciences. Suivie d’une table ronde avec Bruno David, des laboratoires Pierre Fabre et Joël Gellin, généticien. Dans le cadre de l’émission de "ça ne mange pas de pain !" de février 2008 "Biodiversité : petits arrangements avec le marché du vivant". (Télécharger l’Intégrale PDF)
- Biodiversité contre standardisation ? Ces graines qui sèment la discorde !. L’interview de Michel Chauvet, ethnobotaniste à Agropolis International (Montpellier). Emission de février 2007 de "ça ne mange pas de pain !". (Télécharger l’Intégrale PDF)
- "Faut-il réintroduire l’homme dans la nature ? Les risques d’une fracture écologique.". La restitution de la Conversation de Midi-Pyrénées. Séance introduite par le géographe Georges Rossi. (Télécharger la restitution)
- Biodiversité : la ville a l’an vert. La revue de presse de la Mission Agrobisociences, janvier 2009.
- La biodiversité ballottée entre intérêt vital et intérêts particuliers. Entretien avec Michel Chauvet. Ethnobotaniste
- Vous avez dit développement durable ?. Chronique "Mots valise..." par Sylvie Berthier, Mission Agrobiosciences.