02/08/2006
Latour

Bruno Latour

Une présentation réalisée par la Mission d’Animation des Agrobiosciences, lors de la venue de Bruno Latour, le 5 avril 2006, à la librairie Ombres Blanches (Toulouse), pour son dernier ouvrage :Changer de société. refaire de la sociologie, édition La Découverte. Un portrait qui, sous des allures quelque peu irrévérencieuses, jugeront certains, cherchait à faire entendre la singularité de l’oeuvre de Bruno Latour dans sa capacité à bousculer les codes et les conforts.

Bruno Latour est un homme facétieux...

Prenez son titre : « Changer de société »... Si certains d’entre vous attendent l’exposé d’un projet radicalement alternatif , d’un modèle inédit de notre organisation sociale, ils en seront pour leurs frais.... Pas de système révolutionnaire donc. Et pourtant... il y a bien quelque chose de la révolution dans ce livre. Une révolution au sens de l’achèvement d’un cycle de pensée.

Et puis il y a ce « Refaire de la sociologie ». Et là, on se dit que Bruno Latour exagère. Car s’il est une discipline qu’on ne cesse de convoquer aujourd’hui, c’est bien la sociologie... Et de la solliciter pour un oui ou pour un non. Ou plutôt, pour les peut-être et les je-se-sais-pas. Comme Bruno Latour l’écrit lui-même : la sociologie est devenue la configuration par défaut de notre logiciel mental... Pas un débat, pas une crise, pas un phénomène sans "son" sociologue. La sociologie est devenue la danseuse des pouvoirs publics et des colloques scientifiques. Elle est notre cellule de soutien psychologique.

Justement, c’est bien là le signe qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Qui ne va plus. Comment la sortir de là ? Refaire de la sociologie, c’est cela : repenser son objet, sa méthode, sa place, son discours.

Bruno Latour n’est pas Pénélope...

Refaire de la sociologie, donc, ce n’est pas détricoter les théories, pour dessiner le même motif sur l’ouvrage. Dans l’ouvrage.
S’il déconstruit, c’est à chaque fois pour tisser autre chose, dépasser les lignes de ruptures, les frontières entre disciplines, combiner les théories adverses. Assembler ce qu’on oppose.
Lui qui a le sens de la formule privilégie la figure de l’oxymore. Sciences des sociétés. Sociologie des sciences. Une maille à l’endroit, une maille à l’envers, il instaure de nouveaux points de vue.

Bruno Latour est un fauteur de troubles. Ses livres un rappel au désordre.

Ce n’est pas nouveau, cela fait trente ans. Il avait commencé à mettre un sacré bazar du côté des sciences, un bazar très fécond. Les Anglo-saxons avaient ouvert la brèche, avec Merton puis les relativistes, en s’opposant au déterminisme de la science, un système de production des connaissances ni autonome, ni neutre, ni imperméable à ce qui agite le monde environnant.
Mais il est allé plus loin que les courants de pensée qui se divisaient alors sur la question de savoir s’il fallait ou non s’attaquer aussi au contenu de la science et pas seulement à la science en train de se faire. D’abord dans La vie de laboratoire en 1979, traité ethnographique d’un laboratoire californien, puis, entre autres dans La science en action, en 1987.

Bruno Latour est un asocial

De la même façon qu’il avait fait disparaître la notion de Nature, dans Nous n’avons jamais été modernes (1991) mais surtout dans Politiques de la nature - comment faire entrer les sciences en démocratie (99), le voilà qui supprime ici la société. Comme dans le poème de Jean Tardieu, la société est cette "môme néant" : "A’xiste pas".
A priori, les sociologues y perdent leur objet et leur latin. Sauf que, comme toujours, si B. Latour fait s’évanouir ce « champ social » si bien installé, c’est pour mieux dépasser les impasses et en revenir aux sens originels, à ce qui nous fait tenir ensemble : une histoire d’assemblages, de connexions inattendues et de ré-association. Bruno Latour est un asocial avec un s, mais, comme il l’écrit, un associologue, avec deux S. Un sociologue des associations.

Ce livre est ainsi à la fois une réponse à ceux qui reprochaient à l’auteur de tenir la sociologie à l’écart de son approche décapante et une voie plus féconde pour faire de nouveau de la soicologie...

Bruno Latour est illisible

C’est ce qu’on dit de lui. Eh bien il faut lire Latour. C’est difficile. Complexe, Compliqué. Parfois drôle aussi et ce peut même être très agréable.
Il faut le lire ne serait-ce que pour soumettre ce militant de la démocratisation des sciences à la question, au débat, à la controverse. Une manière de faire entrer Bruno Latour en démocratie.

Ultimes précisions : Notons que Bruno Latour est aussi et enfin philosophe, sociologue des sciences, professeur à l’Ecole des Mines de Paris, professeur associé à la London School Economics, responsable de la formation doctorale du Centre de Sociologie de l’Innovation, traduit dans une quinzaine de langues et mondialement connu.

Pour accéder à la présentation de cette soirée à la libraire Ombres blanches, mais aussi au site de Bruno Latour : Rencontre avec Bruno Latour autour de son dernier ouvrage "Changer de société"

Philosophe et sociologue

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