Le dindon de la farce
Chronique de Valérie Péan, Mission Agrobiosciences
"A la base, la dinde, c’est une succession d’erreurs. Suivez-bien. A l’origine, a priori, tout part des conquistadores qui découvrent au Mexique un drôle de volatile de la famille du faisan que les autochtones plument et mangent en abondance. Se croyant en Inde, nos espagnols le baptisèrent donc poule d’Inde et le décrivent ainsi : "des poules grosses comme des paons, avec des plumes comme une sorte laine". Voilà donc notre dinde qui débarque en Espagne où elle remplace le paon à la table des rois et de là, séduit la France et les autres pays européens, où elle rivalise avec l’oie. En France, elle devient coq d’Inde, en Espagne, le paon d’Inde, et en Italie, la poule d’Inde. De fait, il s’agit bien du dindon sauvage, que les Aztèques avaient domestiqué il y a de cela 2000 ans.
Reste que dans des écrits du Moyen Age, au 14 et 15è siècle on trouve trace déjà de recettes à base de poule, de géline ou de coq d’Inde. La dinde nous serait-elle parvenue avant ? Jusqu’au 18è siècle, la polémique enfle. Sur son origine, sa date d’arrivée et son espèce. La confusion la plus grande régnait. A y regarder de plus près, on découvre la cause de ce méli-mélo et de tous ces noms d’oiseaux. Car sous une même dénomination, se cachent deux volatiles bien différents... Quand, au Moyen Age, on parlait de poule d’Inde, du latin médiéval Gallina de India, l’Inde ne désignait ni la péninsule actuelle, ni l’amérique latine, mais l’Abyssinie, au nord-est de l’Afrique où vivait un gros oiseau sauvage, largement représenté dans l’iconographie comme un oiseau de paradis.
Bref, se côtoient deux poules d’"Inde" : notre gallinacé ramené du Mexique par les espagnols et l’oiseau africain.
L’un chassant l’autre, c’est notre dindon sauvage qui finit par emporter la palme et la dénomination de Dinde. Notre volatile africain prend alors le nom de pintada, oiseau peint, au vu des jolies taches qui décorent son plumage.
Tout ça est enfin clair, mais alors pourquoi les Anglais l’appellent-ils Turkey ? N’auraient-ils vraiment rien compris ? Pour les uns, c’est qu’ils ont mangé de la pintade ramenée de Turquie par un commerçant, pour d’autres, de la dinde en espagne à Cadix en revenant de Turquie. Ils auraient donc fait là une sorte d’amalgame. Pour d’autres encore, une onomatopée car l’animal gloutgloutant faisait "turk turk turk"...
Chez les Turcs, d’ailleurs, on appelle la dinde Hindi. Et en hindi, on l’appelle peru... !
Vous me suivez toujours ?
Dernière mise au point : la dinde que vous vous apprêtez à manger n’est pas forcément une femelle. Quand vous mangez une dinde, ce peut être tout aussi bien un dindon. Dindon qui, d’ailleurs au départ, désignait le petit de la dinde, sachant que le mâle était nommé Dindart.
Si vous n’avez pas tout compris, je vous recommande d’opter définitivement pour l’oie ou... le hareng.
Chronique de Valérie Péan, Mission Agrobiosciences, dans le cadre de "Ça ne mange pas de pain" de décembre 2008, "Manger, c’est pas sorcier, mais..."
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"Ça ne mange pas de pain !" (anciennement le Plateau du J’Go) est une émission mensuelle organisée par la Mission Agrobiosciences pour ré-éclairer les nouveaux enjeux Alimentation-Société. Enregistrée dans le studio de Radio Mon Païs (90.1), elle est diffusée sur ses ondes les 3ème mardi (17h30-18h30) et mercredi (13h-14h) de chaque mois. L’émission peut aussi être écoutée par podcast à ces mêmes dates et heures. Pour En savoir plus....
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- Les produits de terroir entre cultures et réglements, la cahier du café-débat avec Laurence Bérard, Unité mixte de recherche en Eco-anthropologie et ethnobiologie (Cnrs-Muséum national d’histoire naturelle)
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