Ce n’est pas pour rien que la Méditerranée est considérée comme le berceau de la civilisation occidentale. Déjà, le nom signifie en latin « au milieu des terres ». Mais la Méditerranée est également située au milieu d’autres étendues aquatiques : océan Atlantique, mer Noire et mer Rouge via le canal de Suez ; sans compter les innombrables fleuves provenant des continents africain, asiatique et européen.
« Comment fait-elle pour ne pas déborder ? » se demanda un jour Alphonse Allais. La réponse lui vint presque automatiquement : les éponges l’en empêchent ! Et il faut croire qu’il avait raison : le Figaro rapporte qu’elles existent depuis 600 millions d’années, et qu’une seule d’entre elles peut en vivre plusieurs milliers. Ces « animaux » (car ce ne sont pas des plantes) ont été exploités la première fois par les habitants de l’île de Crête, deux siècles avant Jésus Christ. On passe l’éponge et on revient plus en arrière à l’époque des égyptiens, du temps des pyramides.
Dans l’empire pharaonique était consommée la poutargue, des œufs de mulet séchés. Aujourd’hui la poutargue est présentée comme substitut au caviar. D’où son nom, rapporte L’Express, de « caviar de la méditerranée ». Mais le mulet, tout comme le thon rouge, est victime de la surpêche en méditerranée et menacé de disparaître. Pourtant il existe des quotas, régulièrement revus à la baisse par la Commission internationale pour la conservation des thonidés. On peut lire dans le journal Développement Durable qu’en 2008, 28 500 tonnes de thon rouge était le maximum autorisé pour l’ensemble du bassin méditerranéen, et tombera en 2009 de 22 000 tonnes. Loin de là, au Japon, le thon rouge monte. 75 000 € pour un seul spécimen de 128 Kg, record historique selon l’AFP.
La Méditerranée, ce n’est pas que de l’eau et ce qu’elle contient, mais également de l’huile d’olive... et ce qu’elle contient aussi. C’est dans La Presse, quotidien montréalais, que l’on détricote les études menées sur la contenance de ce produit typique du bassin. C’est la diversité culturelle qui est à pied d’œuvre dans cette industrie. Michèle Ricard, importatrice d’huile d’olive grecque, explique ainsi que de l’huile africaine peut devenir italienne en un tour d’étiquette. « On a même déjà trouvé de l’huile à moteur dans de l’huile d’olive, dit-elle. On recycle aussi de l’huile rance avec de la plus fraîche. Pour changer la couleur, [on] ajoute parfois de la chlorophylle ». Souhaitons donc bonne chance à Charles Aznavour qui a déclaré à la Provence n’avoir aucun autre projet que celui de produire son huile d’olive « Reste à lui trouver un nom dit-il, je cherche quelque chose en provençal, un terme qui sente le soleil ».
Soleil que va rechercher le touriste, seule espèce en voie d’augmentation dans le bassin méditerranéen. Selon TV5 Monde, 300 millions de touristes ont visité les rivages côtiers de la méditerranée en 2008, soit un tiers des touristes du monde.
Pourtant certains produits typiquement méditerranéens font le chemin inverse et s’expatrient très bien. Le pain pita est par exemple un des produits méditerranéens les plus répandus sur le globe. Son mode de consommation le plus courant ? Le traditionnel kebab ! Essaimé à travers le monde, et même si selon Libération « il fait figure de spécialité allemande aux Etats-Unis », le Döner Kebab reste une invention turque, dont le créateur, Mehmet Aygun, vient de décéder le 22 janvier dernier, à l’âge de 87 ans. Le pain pita, lui, aurait déjà plusieurs siècles au compteur dans le bassin. Attention tout de même : un kebab contiendrait à lui seul plus de 1000 calories en moyenne, selon un rapport d’une agence gouvernementale anglaise. Graisses saturées, sel... On est bien loin du « très à la mode » régime méditerranéen. Pour finir, même si la Méditerranée « ça ne mange pas de pain », il en reste quand même un peu sur la planche...
Revue de presse "Mise en bouche" de Marc Roze, dans le cadre de "Ça ne mange pas de pain !" de février 2009 : "Alimentations méditerranéennes, entre désirs et dérives, d’une rive à l’autre".
Sources :
- Pourquoi les éponges épongent-elles ?, Jean-Luc Nothias, Le Figaro, 14 janvier 2009.
- Les nouveaux œufs de poisson, Elvira Masson, L’Express, 13 janvier 2009.
- Pêche : 2009 sous de nouveaux quotas], Jacques Moulin, Développement Durable le journal, 6 janvier 2009.
- Japon : un thon de 128 kg vendu 75.000 euros malgré la récession, AFP, 5 janvier 2009.
- Le cas de l’huile d’olive, Stéphanie Bérubé, La Presse, 25 janvier 2009.
- Charles Aznavour : "Je n’ai pas de projet, sauf produire mon huile d’olive", Philippe Thuru, La Provence, 4 janvier 2009.
- Le soleil radieux du tourisme méditerranéen, communiqué de presse de Mediterranean Travel Association relayé par TV5 Monde, 30 janvier 2009.
- Le monde du kebab est en deuil, Carole Boinet, Libération, 29 janvier 2009.
- Les kebabs, ces déchets gastronomiques, Al Kanz, 30 janvier 2009.
Lire sur le magazine web de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement) :
- L’alimentation méditerranéenne, une et plurielle, par Martine Padilla, administrateur scientifique au Ciheam / Iam de Montpellier, dans le cadre du Café des Sciences et de la Société du Sicoval.
- L’agriculture des pays méditerranéens du Sud, entre conquête des marchés européens et réponse aux besoins de subsistance, intégrale de la conférence-débat de Marciac, par Gérard Ghersi, directeur de l’Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier (IAMM) et Omar Bessaoud, enseignant-chercheur à l’IAMM.
- Sécurité des aliments : les enjeux de la demande sociale, intégrale du colloque dans le cadre de la Semaine Internationale de la Sécurité et la Qualité Alimentaires (SISQA), organisée par le Conseil régional Midi-Pyrénées et la Mission Agrobiosciences.
- Agriculture : neuf paradoxes et quatre pistes pour avancer Une conférence de Bertrand Hervieu, dans le cadre de la 9ème Université d’Eté de Marciac.
- L’agriculture française, vue depuis les Pays du Sud !, avec Avec Omar Bessaoud, enseignant-chercheur à l’institut agronomique méditerranéen de Montpellier dans le domaine des sociétés rurales et de l’ingénierie du développement et Alexis Krycève, directeur marketing d’Alter Eco, société d’importation et de distribution de produits issus du commerce équitable, dans le cadre d’une table ronde de la 10e université d’été de Marciac, animée par Gilles de Mirbeck, sociologue, chercheur associé à l’UMR Dynamiques rurales, Toulouse Le Mirail.