07/06/2007
Dans le cadre du Plateau du J’GO co-organisé par la Mission Agrobiosciences, le Restaurant le J’GO et Radio Mon Païs.
Mots-clés: Santé

Comment le foie gras de nos grands-mères est-il passé, en moins de 30 ans, des cours des fermes à une production industrielle de masse ?

Copyright www.ensat.fr

Un entretien conduit par François Delpla, Mission Agrobiosciences avec René Babilé, professeur des universités à l’Ecole nationale supérieure agronomique de Toulouse et Daniel Gestas, Président de l’Association Gersoise de promotion du foie gras. Réalisée le 4 décembre 2006.

L’introduction

D’abord, une histoire : le foie gras, produit emblématique de notre région s’il en est, vient pourtant de l’autre côté de la Méditerranée. En effet, il y a 4500 ans, les Égyptiens maîtrisaient déjà la technique du gavage. Importée dans notre pays par les Romains, la tradition s’est perpétuée dans nos campagnes, notamment en Alsace et dans le Sud-Ouest.
Ensuite, des questions technologiques et économiques : comment le foie gras de nos grands-mères est-il passé, en moins de 30 ans, des cours des fermes à une production industrielle de masse ? Est-ce uniquement une spécialité française, puisque 80% de la production mondiale se fait chez nous ?
Et puis, il soulève aussi des questions éthiques, notamment en terme de bien-être animal, comme la presse vient de le rappeler encore récemment ? Pour répondre à ces interrogations, nous allons aujourd’hui nous entretenir avec.

L’Entretien Avec René Babilé, professeur des universités à l’Ecole nationale supérieure Agronomique de Toulouse et Daniel Gestas, Président de l’Association Gersoise de Promotion du Foie Gras

François Delpla René Babilé, quel a été l’apport de la recherche publique dans le formidable boom de la production de foie gras qui, rappelons-le, a été multipliée par 10, depuis 1980 ?

René Babilé. Déjà, pour relativiser les choses, la recherche publique sur le foie gras n’est pas très importante. Peu de chercheurs s’intéressent à cette filière. Ce qui a accompagné son développement, ce sont les apports qui sont venus autour de la reproduction des animaux, la maîtrise de la reproduction, car le canard utilisé pour la production d’un foie gras est un hybride entre deux genres

différents, car en reproduction naturelle les taux de fertilité sont très faibles. Il a fallu passer par un inséminateur artificiel pour améliorer la productivité et, parallèlement, la sélection a amélioré les performances en matière de production et de reproduction des animaux. Les travaux qui ont été réalisés en matière de physiologie ont permis de décrypter le système de la stéatose hépatique et donc la production de foie gras, et d’entrevoir ensuite des pistes en recherche génétique sur des gènes marqueurs spécifiques, qui permettraient éventuellement d’améliorer ses performances.

Nous venons de voir les grandes mutations qu’a connues la production de foie gras. Comment les agriculteurs y ont-ils fait face ? Comment se sont-ils adaptés et organisés pour augmenter les quantités tout en préservant la qualité ?

Daniel Gestas. Tout d’abord il y a eu une tradition de production de foie gras. Ma grand-mère produisait des oies, des canards et il a fallu ce boom économique, puis le fait que le foie gras soit rentré dans la grande distribution, dans un marché beaucoup plus large pour que des organisations se mettent en place et, entre autres, une organisation interprofessionnelle du foie gras, le Cifog, qui a permis à l’ensemble de la filière de s’organiser pour répondre, d’une part, à la demande et, d’autre part, aux améliorations technologiques et biologiques dont a parlé le professeur Babilé, ce qui a permis globalement d’améliorer la productivité de chaque gaveur, par rapport au nombre de canards ou d’oies gavés par personne. Mais le gavage reste une production manuelle, où le gaveur doit nourrir matin et soir l’animal et procéder à ce que le foie se développe.

La presse s’est récemment faite écho de nombreuses tentatives d’interdiction du gavage au nom du bien-être animal, notamment au USA. Le foie gras est-il un organe malade que nous mangeons ? Qu’en est-il exactement ?

René Babilé Le principal reproche, qui est fait à cette production, par les gens qui écrivent sur ces sites, c’est que le foie gras est un phénomène pathologique. Ce qui est absolument faux, puisque j’ai dit tout à l’heure qu’on avait décrypté le mécanisme. Il faut savoir que chez les palmipèdes, notamment chez les canards et les oies, 80% de la synthèse des graisses est fabriquée au niveau du foie. Quand vous leur donnez des aliments comme le maïs, qui est riche en amidon et qui se transforme en glucose au niveau intestinal, vous amenez de quoi fabriquer des graisses au niveau du foie. Donc ce foie va synthétiser des graisses et ensuite il a pour rôle de les évacuer vers la périphérie, c’est-à-dire vers le tissu musculaire, vers le tissu adipeux sous forme de réserve ou sous forme d’énergie. Ainsi l’apport et la synthèse deviennent supérieurs à la capacité d’évacuation. Le foie stocke le surplus, et dès que l’on arrête le gavage, le transport reprend le dessus. SI l’on arrête le gavage en fin de gavage, en deux jours, on perd 50% du poids du foie.

Le foie gras est très identifié dans le Sud-Ouest, avec ses nombreuses chapelles, que sont par exemples le Gers ou les Landes. En revanche, de nouvelles régions comme l’Ouest de la France ou d’autres pays dEurope de l’Est, notamment, arrivent sur le marché. Comment vivez-vous ces mouvements et comment continuerez-vous à identifier le Sud-Ouest au foie gras, produit à l’origine venant d’Égypte ?

Daniel Gestas. D’abord, pour compléter ce qu’a dit le professeur Babilé, avez-vous déjà vu une personne malade engraisser ? Ça n’existe pas. Pour que le canard puisse engraisser, il faut qu’il soit bien. Nous faisons donc tout pur qu’il soit dans de bonnes conditions pour engraisser et produire un foie gras de qualité. Pour ce qui est de l’identification, nous considérons que le Sud-Ouest est le berceau du foie gras, même s’il est arrivé d’Égypte via les Romains Nous ne combattons pas les autres producteurs. Ce que nous avons voulu, c’est nous donner un cahier des charges strict de façon à ce que notre foie gras soit identifié comme étant produit avec un certain nombre de jours de gavage, avec du maïs ; un cahier des charges qui permette de conserver la qualité de ce produit traditionnel, que nous avons toujours produit dans nos régions. C’est comme cela que nous démarquons notre foie gras identifié Sud-Ouest, Gers, Landes ou Gascogne.

Commentaire de Denis Mélié. Restaurateur (Le J’Go)
Comme dit Daniel Gestas, je ne sais pas je suis atteint de la maladie de nos palmipèdes, mais j’ai été élevé dans le Gers... Il y a quarante ans, le foie gras était un produit de fête. Aujourd’hui, les choses se sont un peu popularisées. Les gens viennent boire du vin rouge, du vin blanc, passer une bonne soirée... On le mange au comptoir, alors qu’il y a quelques années on le mangeait de façon un peu plus formelle sur une table. C’est l’évolution, l’industrialisation, mais cela reste un grand plaisir pour l’ensemble des consommateurs. Je voudrais juste rajouter que le J’Go est une « terre » où les producteurs et les consommateurs se retrouvent. Ici et à Paris l’ensemble de nos paysans régionaux ont tribune. Rapprocher les producteurs régionaux et les consommateurs demeurera notre rôle

Cette Chronique « Comment le foie gras de nos grands-mères est-il passé, en moins de 30 ans, des cours des fermes à une production industrielle de masse ? » est une des séquences de l’émission du 8 décembre 2006. Accéder à l’Intégrale de cette émission-. Le Plateau du J’GO est co-organisé par la Mission Agrobiosciences, le Restaurant du J’GO et Radio Mon Païs.

Accéder à toutes les publications « Alimentation en Débats du Plateau du J’GO-.Un Télescopage de points de vue de scientifiques, producteurs et cuisiniers sur l’actualité de l’Alimentation et de la Société organisé par la Mission Agrobiosciences. En collaboration avec le bistrot du J’Go à Toulouse. Rencontres enregistrées et diffusées le troisième mardi de chaque mois de 17h30 à 18h30 et le troisième mercredi de chaque mois de 13h à 14h sur Radio Mon Païs (90.1).

Alimentation en débat : les Chroniques « Les Petits Plats dans les Grands » de la Mission Agrobiosciences.

Accéder à toutes les Publications : Alimentation et Société- Des conférences-débats, tables rondes, points de vue et analyses afin de mieux cerner les problématiques sociétales liées au devenir de l’alimentation. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.

Accéder à toutes les publications : Agriculture et Société Des conférences-débats, tables rondes, points de vue et analyses afin de mieux cerner les problématiques sociétales liées au devenir de l’agriculture. Edité par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.

Accéder à tous les Entretiens et Publications : OGM et Progrès en Débat » - Des Points de vue transdisciplinaires... pour contribuer au débat démocratique. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences

Accéder à toutes les publications : Sur le bien-être animal et les relations entre l’homme et l’animal- Pour mieux comprendre le sens du terme bien-être animal et décrypter les nouveaux enjeux des relations entre l’homme et l’animal. Au cours de forums, de tables rondes, d’entretiens et de restitutions de colloques, la Mission Agrobiosciences cherche, au-delà du décryptage du terme bien-être animal, sujet à controverse, à déceler les enjeux et les nouvelles relations qui lient l’homme et l’animal et à en mesurer les conséquences pour le devenir de l’élevage, de l’alimentation et de la recherche médicale. Un débat complexe mêlant des notions de souffrance et de plaisir, d’éthique, de statut de l’animal, de modèles alimentaires...

Accéder à toutes les Publications : L’agriculture et les bioénergies.
Depuis 2005, la Mission Agrobiosciences a participé à plusieurs manifestations (et a organisé des débats) sur le thème des bioénergies et de ses enjeux pour le futur de l’agriculture. Le magazine Web « Agrobiosciences » permet d’accéder à leurs contenus et de disposer d’éléments d’éclairage sur les possibilités, les limites, les solutions alternatives. L’ensemble réunit les analyses d’acteurs des filières industrielles et agricoles ainsi que des chercheurs tant dans le domaine de l’économie que de la chimie. (Septembre 2006)

Accéder à toutes les publications. Sur l’eau et ses enjeux Pour mieux comprendre les enjeux locaux et mondiaux et les turbulences qui agitent les acteurs de l’eau
Au cours de forums, de tables rondes et de conférences, de revues de presse et de sélections d’ouvrages, la Mission Agrobiosciences cherche à décrypter les enjeux mondiaux et locaux qui agitent le monde de l’eau : de la simple goutte perlant au robinet aux projets de grands barrages, d’irrigations en terres sèches... les turbulences scientifiques, techniques, médiatiques et politiques du précieux liquide.

Accéder à toutes publications Histoires de... »- Des conférences-débats, articles et chroniques. Ces publications « Histoire de... » de la Mission Agrobiosciences concernent la science, l’agriculture, l’alimentation et leurs rapports avec la société. Des regards sur l’histoire, pour mieux saisir les objets dont on parle et l’origine technique et humaine des « produits » contemporains. Editées par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.

Accéder à toutes les Publications : Sciences-Société-Décision Publique- Une « expérience pilote » d’échanges transdisciplinaires pour éclairer les enjeux, mieux raisonner, par l’échange, les situations de blocages en « Science et Société », instruire les débats en cours, clarifier des enjeux scientifiques et sociétaux des avancées de la recherche, participer à l’éclairage de la décision publique et proposer des réflexions et des objets de recherche à la science. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.

Accéder à toutes les Publications : Science et Lycéens- Des conférences de scientifiques de haut niveau et des débats avec les lycéens exprimées dans le cadre « L’Université des Lycéens » une expérience pilote pour lutter contre la désaffection des jeunes pour les carrières scientifiques. Ces publications constituent un outil pédagogique « vivant » qui favorise une lecture agréable et une approche « culturelle » de la complexité de la science. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences

ACCEDER A LA TOTALITE DE LA REVUE DE PRESSE DE LA MISSION AGROBIOSCIENCES-

Mot-clé Nature du document
A la une
SESAME Sciences et société, alimentation, mondes agricole et environnement
BORDERLINE, LE PODCAST Une coproduction de la MAA-INRAE et du Quai des Savoirs

Écoutez les derniers épisodes de la série de podcasts BorderLine :
Où sont passés les experts ?
Précarité alimentaire : vers une carte vitale de l’alimentation ?

Rejoignez-nous lors du prochain débat, le mardi 23 avril 2024.

Voir le site
FIL TWITTER Des mots et des actes
FIL FACEBOOK Des mots et des actes
Top