03/05/2013
Le Monde, L’Humanité, L’Alsace, la Croix.

Le projet de loi sur les « class actions » à la française : à consommer avec modération ?

Les unes se réjouissent – telle l’UFC-Que Choisir ou Coop de France -, les autres s’étranglent, que ce soient le Medef ou les entreprises du CAC 40. Normal, le nouveau projet de loi dont il est ici question vise à renforcer entre autres la protection des consommateurs et à mieux réguler les relations entre fournisseurs et acteurs de la distribution. Adopté le 2 mai dernier en conseil des ministres, il sera présenté à l’Assemblée nationale courant juin. Au cœur du texte, la possibilité, pour des citoyens, de poursuivre collectivement une entreprise via l’une des 16 associations de consommateurs agréées par l’Etat dès lors qu’ils estiment avoir subi un préjudice matériel ou économique. « Une mini-révolution dans le paysage juridique français », selon l’Humanité.
Si certains craignent d’ores et déjà une dérive à l’américaine, entre procès fleuve et business procédurier, d’autres pointent les manques du projet qui exclut de son champ le droit de la santé et celui de l’environnement. Le point dans cette revue de presse de la Mission Agrobiosciences.

«  Une réforme en profondeur », titre La Croix qui, à l’instar d’autres médias, met en avant la possibilité nouvelle pour les consommateurs de se défendre collectivement devant la justice.
Un projet attendu depuis des années, après plusieurs tentatives avortées à partir de 2005. En ligne de mire de ces « actions de groupe » : les ententes illicites, clauses abusives et autres vices cachés. On s’en doute, les secteurs de la téléphonie, de la banque et de l’assurance, entre autres, sont particulièrement visés. « Une mini-révolution dans le paysage juridique français », insiste L’Humanité, qui ne cache pas sa surprise que le gouvernement résiste à la «  virulente campagne de lobbying » exercée par le Medef et les grandes entreprises tant auprès de l’Elysée que du ministère de la consommation.

Oubliez Erin Brockovitch

Pour autant, taxer ces recours collectif de « class action » à la française est quelque peu exagéré. Pas question en effet de s’imaginer jouer les Erin Brockovich (1) « seule contre tous ». D’abord, oubliez les effets de manche des robes d’avocats : dans l’hexagone, impossible pour eux de porter une telle action. Ce sont les associations de consommateurs et elles seules qui pourront engager la procédure. Elles sont seize à ce jour, toutes agréées par l’État. Ensuite, seuls les préjudices matériels relevant du droit de la consommation et les préjudices économiques dus au non respect du droit de la concurrence sont concernés. Il ne sera question ni de poursuites contre des laboratoires pharmaceutiques indélicats ou des cargos responsables de marées noires. Exit en effet les cas de santé publique, encadrés par des procédures complexes et donnant lieu à des expertises individuelles pour les réparations éventuelles, ainsi que les atteintes à l’environnement, qui relèvent elles aussi d’un corpus spécifique. Sans oublier le droit boursier et financier, que les élus communistes souhaiteraient également voir inclus dans le projet.
Enfin, n’espérez pas toucher le pactol. Car même si les montants des pénalités peuvent être élevés, jusqu’à 300 000 euros et 10% du chiffre d’affaires de l’entreprise, les indemnisations des particuliers restent en général modestes. D’autant plus que la menace de l’action en justice est, selon Benoit Hamon, dans le Monde, une « arme de dissuasion massive ». Comprenez : les firmes ont tout autant intérêt à régler les litiges à l’amiable. Cela dit, la question des amendes risque bel et bien de donner lieu à d’âpres luttes au moment où sera discuté le texte au Parlement… Et auparavant, il y a encore une autre étape à franchir : le conseil d’État a en effet fait part d’objections juridiques, obligeant le ministère à retravailler sa copie.

Amendes... et amendements

Voilà pour la mesure phare du projet, qui vise, selon le gouvernement « à relever le pouvoir d’achat des ménages », en leur faisant faire des économies sur des postes contraints, tels que les crédits ou les contrats d’assurance.
Mais le projet, qui fait quelque 80 pages, contient bien d’autres mesures, ainsi que le mentionne L’Alsace, dont celle concernant l’origine des produits, en étendant l’"indication géographique protégée" aux produits manufacturés, et non plus aux seuls alcools et biens naturels ou alimentaires. Sans oublier tout un volet visant à rétablir l’équilibre des négociations commerciales entre les fournisseurs – PME et agriculteurs - et les acteurs de la distribution, prévoyant entre autres une clause de renégociation en cas de fluctuation du prix des matières premières, ce que salue Coop de France dans un communiqué. De nouvelles règles de transparence, auxquelles s’ajoutent le renforcement de la législation sur les fameux délais de paiement. Ce projet constitue donc bien une première étape. A suivre pas à pas, ou plutôt, amendements après amendements. En la matière, précise La Croix, « les sénateurs ne manqueront pas de "faire des propositions" pour défendre les agriculteurs, a prévenu Alain Fauconnier, rapporteur du projet de loi au Sénat ».

1- Du nom d’une jeune californienne autodidacte ayant obtenu, après un long combat, l’indemnisation de centaines de victimes de pollution des eaux potables par une firme. Dans un film de Soderbergh, en 1999, elle est incarnée par Julia Roberts.

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Revue de presse du 3 mai 2013

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