15/07/2013
Contribution aux 19èmes Controverses européennes de Marciac (30-31 Juillet 2013)

Diplômes et formations agricoles , vecteurs ou producteurs de normes environnementales ?

Une des dernières contributions aux 19èmes Controverses européennes de Marciac, où Patricia Andriot montre en quoi la certification est largement conditionnée par les normes environnementales, pour à son tour en générer, afin d’impacter les pratiques professionnelles. Mais cela ne suffit pas à massivement réorienter les systèmes de production…

Certification, formation et production de normes sont liées.
La norme désigne en général une règle à suivre, un texte de référence, voire une performance à atteindre. En agriculture, au-delà des règlements qui instituent la règle à suivre, il est d’autres textes de référence qui jouent un rôle fondateur dans la construction de repères, références ou normes : ce sont les certifications (diplômes ou titres).
Pour répondre à la demande sociale sur le plan environnemental, le diplôme qui est à la fois outil de validation des connaissances et de capacités acquises, outil de reconnaissance professionnelle par les pairs et outil de dialogue entre une profession donnée et la société est un vecteur clef qui agit davantage comme une norme construite qu’imposée.
Il est donc intéressant de se poser la question du rôle des certifications et par conséquent des formations en tant que production de normes en matière de pratique environnementale agricole.

La prise en compte de l’environnement repose autant sur une évolution des pratiques agronomiques, des gestes professionnels, que sur une organisation du modèle économique et du système de production.

Notre propos sera donc de tenter de comprendre en quoi l’évolution des formations et certifications sur le plan environnemental, en tant que normes, sont freins ou moteurs d’une meilleure prise en compte de l’environnement tant dans les gestes professionnels que dans l’organisation du système de production.

La certification, largement conditionnée par les normes environnementales.
Une analyse parue en 2012 précise (étude IAE/POFE/CGAER) que l’ensemble des contenus des référentiels montre une réelle intégration de la dimension développement durable, une prise en compte de la perspective environnementale et une forte référence à la règlementation tant dans la description du métier (référentiel professionnel) que dans les capacités à atteindre (référentiel de certification) ou même dans les programmes (référentiels de formation). Ces évolutions sont notamment issues de la récente rénovation de la voie professionnelle (passage au bac pro en 3 ans, toilettage des référentiels).
Au-delà de l’outil référentiel, l’utilisation des exploitations agricoles, la redéfinition des projets d’établissements, les outils spécifiques à l’EA (Enseignement Agricole) comme la pluridisciplinarité, les modules d’initiatives locales, etc. sont nettement mobilisés pour prendre en compte la question environnementale, au moins dans les préconisations.

L’analyse des thématiques de stages de formation continue montre que l’offre de formation est nettement conditionnée par la réglementation environnementale : la multiplication de titres de formations qualifiantes courtes (certiphyto par exemple) et enfin de l’offre de formations courtes proposées par les OPCA (Organismes Paritaires Collecteurs Agréés) qui visent à répondre à des exigences réglementaires environnementales est nette.

La certification génère de la norme environnementale et impacte les pratiques professionnelles.
Mais l’offre de formation initiale et continue n’est pas seulement conditionnée par les normes environnementales ; c’est aussi une source de normes intégrées, de références nouvelles, de pratiques nouvelles.
Les données issues d’évaluations fines de l’impact de ce cadre renouvelé manquent - et c’est une nécessité que de produire des données plus objectivées sur la question- mais des signes convergents (étude auprès d’étudiants, enquêtes de professionnels, évolution desdits cadres de recrutement, etc.) montrent que les cadres ont évolué et que cela se traduit par une sensibilisation des publics et par une remise de l’agronomie au coeur des préoccupations. Des enquêtes menées par des experts et des professionnels montrent que la prise en compte des exigences réglementaires se traduit par une évolution des gestes professionnels et des raisonnements agronomiques.

Un impact qui ne va pas jusqu’à réorienter massivement les systèmes de production.
Par contre, il semble bien que cette évolution des contenus comme de l’offre de formation se fasse au détriment d’une prise en compte plus globale des systèmes d’exploitation.
Dans un cadre d’offre contraint, la réponse aux exigences réglementaires se fait au détriment des stages de formation continue qui proposent une approche globale et une réorientation d’un système de production, tout comme l’évolution fine du contenu des référentiels ne permet pas forcément une réorientation vers des projets professionnels privilégiant les modes de production alternatifs.

Aussi au vue des ces quelques éléments, issus de l’observation de pratiques, on peut avancer que l’impact des normes face à ces enjeux offre un paysage en mi-teinte.

Les avancées sont réelles, et les pratiques bougent : on retiendra ainsi
- un changement perceptible de l’offre de formation et des contenus
- une évolution de pratiques qui renouvelle l’approche agronomique
- un dialogue qui commence à se renouveler avec la société

Il semble donc que les normes – au sens de la certification et de la formation dans notre cas – agissent comme un vecteur de sensibilisation et un levier d’évolution du geste professionnel, sans aller jusqu’à agir comme levier de transformation des systèmes de production ou de projets professionnels ; ce qui explique peut être une faible évolution de l’identité de l’enseignement agricole par rapport à ces questions.

Il faut cependant noter que notre propos s’est principalement focalisé sur l’offre de formation institutionnalisée, ne prenant pas en compte des nouvelles modalités plus informelles d’évolution des pratiques : les pratiques de formation en réseau, les systèmes d’échanges de savoirs, les répertoires de savoirs faire… sont autant d’initiatives porteuses d’innovations systémiques ; et nul doute que bien que quelque peu hors norme, leur impact est significatif sur l’évolution des systèmes.


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par Patricia Andriot, chargée de mission auprès de la DGER sur les emplois verts et la formation, et vice présidente du Conseil Régional de Champagne-Ardenne

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