01/07/2013
Contribution aux 19èmes Controverses européennes de Marciac (30-31 Juillet 2013)

Des agriculteurs au service de l’environnement et du territoire

« Agriculture et Environnement sont intrinsèquement liés et dépendants des mêmes facteurs : l’eau, le sol, l’air ou le climat, les organismes vivants qui constituent les écosystèmes et l’homme qui interagit avec. Dès lors ,
que construisent les normes environnementales dans le champ de l’agriculture ? »
Une contribution dialectique de Solène Dumont, qui relaie le point de vue d’agriculteurs sur les normes, avant de plaider pour une formation active et continue aux normes de ceux qui doivent les appliquer, afin de favoriser les pratiques vertueuses.
Que l’on soit agriculteur, chercheur, formateur, étudiant, responsable de structures associatives, professionnelles ou administratives... voire "simple" citoyen, tout le monde est invité à apporter sa contribution aux prochaines Controverses européennes de Marciac, "Agriculture, environnement et société : quels mondes construisent les normes ?", qui se dérouleront les 30 et 31 juillet prochains à Marciac (Gers). L’ensemble des textes sera non seulement publié sur le site, mais également diffusé lors des Controverses en version papier.

La nécessaire existence des normes

Le monde agricole ne peut plus aujourd’hui fonctionner tout seul, il doit s’intégrer à son environnement et tenir compte des besoins et des préoccupations de la société civile, notamment en terme de question environnementale. Fruits d’une demande sociétale, les normes et la réglementation sont nécessaires pour rassurer, réguler et éviter que d’autres scandales alimentaires, sanitaires ou environnementaux ne se reproduisent.
Cependant, une distinction doit être faite entre :

  • les normes « obligatoires » issues des directives ou des Lois Grenelle et s’appliquant en droit,
  • et les normes « facultatives » fondées sur un engagement volontaire.
    La directive nitrates, les règlements phytosanitaire et sanitaire ou la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement, définissent des contraintes environnementales, fixent des règles d’implantation et de fonctionnement à respecter, et dictent les choix pratiques des agriculteurs.
    Alors que les normes ISO 14001 et 26000 offrent un système de qualification et des outils de management instaurant un processus d’amélioration continue et favorisant l’efficience environnementale de l’entreprise agricole.

Un cadre imposant restrictions et exigences pour l’activité agricole

Une nouvelle norme est souvent vécue par l’agriculteur comme un obstacle supplémentaire, source de complication, d’incompréhension et parfois de découragement. En effet, respecter la réglementation en vigueur et ses évolutions implique généralement la mise en place de mesures contraignantes et restrictives, ajoute des démarches administratives souvent lourdes et complexes, et crée des charges supplémentaires en terme de temps et de coût qui masquent, dans un premier temps, les avantages de la démarche.

Transparence, réactivité et amélioration des pratiques

Réduire l’utilisation des engrais et des produits phytosanitaires, limiter les impacts sur l’environnement et la production des gaz à effet de serre, « produire mieux avec moins » sont des approches « vertueuses » qui répondent toutes aux normes environnementales. A l’échelle nationale, voire européenne, les normes permettent de se situer, d’abord dans ses pratiques, par rapport aux autres structures ou activités. Mais la comparaison prend bien plus son sens avec la prise en compte globale du système d’exploitation dans son environnement, avec ses composantes économiques, écologiques et sociales.

La normalisation tend vers une amélioration et une homogénéisation des pratiques. Gage de sécurité, elle impose rigueur, transparence et réactivité et met en place une sélection « par le résultat » afin de tirer vers le haut la qualité des impacts et des services environnementaux mis en place par l’agriculture. C’est alors un véritable outil de progression, permettant d’atteindre une qualité « ++ » en terme de pratiques environnementales et de pérenniser l’entreprise agricole.

Décalage et incompréhension entre les instances décisionnaires et le monde agricole

Force est de constater la difficile lecture et compréhension des textes réglementaires, témoignant quelquefois d’une déconnexion entre la théorie et la pratique. Les normes peuvent sembler parfois dictées par des personnes manquant de connaissance et de maîtrise du terrain ce qui entraîne une inadéquation entre les exigences environnementales et la bonne réalisation de l’activité agricole. Cela crée souvent un sentiment de solitude voire de détresse chez l’agriculteur. Perdu et manquant de pratique de la normalisation, il a alors besoin de s’entourer de pairs et de conseillers pour satisfaire ces nouvelles exigences le plus sereinement possible. Ce décalage pourrait aussi s’expliquer par la faible représentation du monde agricole dans les institutions de la République (de moins en moins de maires sont agriculteurs) et par un manque de communication de masse vis-à-vis du reste de la société.

Un nouveau terrain d’actions pour agir et orienter les décisions de demain

Si la normalisation est une démarche descendante, elle constitue pourtant une opportunité à saisir par les agriculteurs pour rester aux commandes de leur avenir. Des actions de sensibilisation et de lobbying sont possibles et même nécessaires pour faire entendre la voix agricole, prendre part aux réflexions, orienter voire participer aux prises de décisions réglementaires. Ainsi les liens avec les représentants de la profession ou la participation à des groupes de travail normatifs sont des leviers d’actions à privilégier pour modifier l’impact des normes dans le champ de l’agriculture.

Une entreprise qui ne dégage pas de revenu ne peut pas s’occuper d’environnement !
Pour considérer la question environnementale l’agriculteur doit d’abord raisonner sur le long terme, seule façon de relativiser les contraintes et d’apprécier les nombreux avantages du système normatif. Définissant un cadre rigoureux pour améliorer les pratiques et optimiser l’efficience environnementale de l’entreprise, les normes nécessitent de se projeter dans l’avenir, d’anticiper les demandes de la société, et d’être toujours plus performant. L’aspect obligatoire est vite oublié derrière l’engagement nécessaire de l’agriculteur puis la tranquillité et la satisfaction d’une pratique « vertueuse », respectueuse de la réglementation.
Celle-ci ne saurait atteindre le maximum de son potentiel sans une formation active et continue de l’agriculteur.


Solène Dumont, chargée de mission Biomasse et Environnement, avec la collaboration de Ludovic Dufour et Emmanuel Laureau, administrateurs des Agriculteurs Composteurs de France

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