13/09/2018
Revue de presse
Nature du document: Revue de presse

Sangliers : le groin de la discorde

Ils retournent les jardins, transforment les terrains de sports et les golfs en champ de mines, constituent un vrai danger public pour la circulation routière, dévorent fruits et bulbes et ont une manière toute particulière de labourer les cultures. Depuis plusieurs années, les sangliers sont la bête noire des agriculteurs comme des autorités locales, se voyant classer comme nuisibles dans un nombre grandissant de départements et non plus comme simple gibier. Il faut dire qu’ils pullulent en Europe et seraient environ 4 millions rien qu’en France métropolitaine. Une prolifération qui perdure, malgré des abattages croissants : 700 000 sangliers abattus en 2016-2017, contre 150 000 en 1990-1991, rappelle Sciences et Avenir (21.08.2018). Au point qu’un comité de lutte contre les dégâts de gibier aurait été mis en place, ainsi que l’annonçait le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, et le secrétaire d’Etat à la Transition écologique, Sébastien Lecornu, dans un communiqué conjoint le 3 septembre dernier. Une manière de tenter d’apaiser le conflit qui sévit actuellement entre agriculteurs et chasseurs avec un récent cri d’alarme de Christiane Lambert, que relaye entre autres Le Parisien (11.09.2018) : selon la présidente de la FNSEA, ce type de grand gibier causerait 30 millions de dégâts par an dans les cultures. Et d’y ajouter un argument sanitaire pour appuyer l’urgence d’une décision : le risque de maladies animales véhiculées par les sangliers, à l’instar de la peste porcine africaine. La cible de la patronne du syndicat ? Les fédérations de chasse, qui seraient en la matière un peu molles de la gâchette.

Mais d’autres agriculteurs ici et là dénoncent aussi certaines pratiques comme le nourrissage des sangliers au maïs, pour les attirer sur les terrains de chasse. Tout au long de l’été, la presse locale s’est fait l’écho de cet « agrainage », censé dissuader les hardes de dévaster les cultures et qui serait ainsi détourné de ses fonctions par les fédérations de chasse. Une accusation avec effet de boomerang. Ainsi que le relatait La Nouvelle République en juin, le patron de la fédération de l’Indre pointe à son tour la malhonnêteté de certains agriculteurs, qui « laissent des maïs dans les plaines pour attirer des sangliers et faire payer ensuite à la Fédération des chasseurs les dégâts occasionnés. Nous fournissons des clôtures électrifiées aux agriculteurs mais parfois, elles ne sont pas posées. Parfois, elles servent de piège. » Le but ? Louer aux chasseurs un territoire et demander dans le même temps une indemnisation à la Fédération pour les dégâts causés par les bêtes. Au-delà de ce soupçon, à la décharge des chasseurs qui ne cessent d’augmenter ce qu’on nomme pudiquement les prélèvements, les facteurs de prolifération sont divers : changement de comportement d’un animal jugé intelligent et opportuniste qui a de moins en moins peur de l’homme et conquiert de nouveaux territoires. Absence de prédateur, hivers moins rigoureux, habitat forestier transformé en espaces de loisirs, augmentation des surfaces cultivées en maïs, colza et autres céréales dont les sangliers sont friands.
Pas si simple, donc. Et il est à parier que l’interdiction du nourrissage au maïs, les battues administratives ou les tirs de nuit ne suffisent pas à ramener le calme. Quant au Comité de lutte, censé « réduire de moitié les dégâts d’ici 3 ans », ainsi que s’y est engagé Sébastien Lecornu, secrétaire d’Etat à la transition écologique, il devra d’abord réussir à mettre autour de la même table chasseurs et agriculteurs. Plus précisément les présidents de l’APCA (chambre de l’agriculture), de la FNSEA, de la FNC, de la fédération française des forestiers privés, de l’ONF, du CNPF, des communes forestières, ainsi que de l’ONCFS. « Officiellement, il sera en charge de définir les modalités opérationnelles et de faire des propositions complémentaires », précise le magazine Chasse Passion début septembre.
Avant d’ajouter : « Parmi les mesures soi-disant déjà annoncées, la gestion des plans de chasse par les FDC et le déclenchement de battues administratives par le préfet. Cela étant déjà en place depuis belle lurette en vérité, nous attendons de voir quelles autres mesures concrètes vont émaner de ce comité. » Dans le viseur, le financement de l’indemnisation des dégâts de gibier… Qui va payer ?

13 septembre 2018

Mot-clé Nature du document
A la une
SESAME Sciences et société, alimentation, mondes agricole et environnement
BORDERLINE, LE PODCAST Une coproduction de la MAA-INRAE et du Quai des Savoirs

Écoutez les derniers épisodes de la série de podcasts BorderLine :
Générations futures : pourquoi s’en remettre à demain ?
Humains et animaux sauvages : éviter les lieux communs ?
Le chercheur-militant, un nouveau citoyen ?

Voir le site
FIL TWITTER Des mots et des actes
FIL FACEBOOK Des mots et des actes
Top