Peut-on manger des clones ?
Chronique de Joël Gellin
C’est quoi déjà, le clonage ?
"Rappelons tout d’abord brièvement les étapes de la reproduction sexuée normale chez les mammifères.
Le père et la mère donnent chacun la moitié du matériel génétique. Un gamète mâle, le spermatozoïde, et un gamète femelle, un ovocyte, se mettent ensemble pour donner, par fécondation, la première cellule qui a un patrimoine génétique complet. Cette cellule se multiplie, se différencie pour donner un embryon puis un nouvel individu.
Dans le clonage, par exemple Dolly, on a isolé une cellule d’un individu. Il s’agit d’une cellule quelconque du corps. Dans le cas de Dolly, on a pris une cellule de glande mammaire. On récupère le noyau de cette cellule qui contient un patrimoine génétique complet puis on l’implante,
on le ré-injecte, dans un ovocyte - notre gamète femelle de toute à l’heure -, que l’on a, au préalable, énucléée (on a enlevé le noyau). Cette cellule reconstituée, une fois implantée dans un utérus, est capable, dans certain cas, de
reproduire un individu complet, un clone.
Ce sont des manipulations cellulaires compliquées qui nécessitent des laboratoires bien équipés. Chez les porcs et les bovins, le taux de réussite est de moins de 10%. De plus, de nombreux animaux naissent avec des anomalies souvent mortelles à court terme. Il y a donc, pour le moment, une souffrance animale importante. A travers le monde, il y a très peu d’animaux clonés : moins de 4000 bovins et de 1500 porcs. On a donc peu de recul.
Pourquoi faire des clones ?
Il y a un intérêt important en recherche fondamentale pour mieux comprendre les phases précoces du développement embryonnaire et la différenciation des cellules.
En élevage, on reproduirait de cette façon quelques individus génétiquement intéressants, par exemple, en production laitière, pour leurs qualités de croissance. Ces animaux pourraient ensuite être utilisés comme reproducteurs - géniteurs - dans le cadre d’une reproduction sexuée normale.
Il est difficile d’imaginer que l’on mangera un jour des clones. Les animaux que nous mangerions seraient issus de croisements classiques. Simplement, un des parents serait un clone. D’autres, enfin, vont plus loin et pensent aux
méthodes de clonage pour sauvegarder des espèces
en voie de disparition.
Le clone n’est pas vraiment une copie carbone...
Ce n’est pas si simple et c’est un point fondamental. Les individus clonés ne peuvent pas être considérés comme des répliques, des copies. Il y a un certain nombre de modifications dans l’expression du génome. On commence à comprendre que le clonage perturbe certaines régulations complexes pendant le développement d’un individu. Il n’est pas non plus exclu que les clones en bonne santé soient
en fait porteurs d’anomalies génétiques, des mutations qui, dans un premier temps, passent inaperçues.
Que penser du rapport de l’EFSA ?
Après une lecture attentive des conclusions de ce rapport, on a le sentiment qu’on autoriserait, de cette façon, le commerce de la semence de ces animaux dans le cadre du marché international. A l’Inra, nous avons fait savoir que ce rapport, semblable à celui de la FDA ne nous convenait pas. Il faut d’une part, plus de recherche et de recul avant d’utiliser ces animaux dans les croisements pour l’amélioration génétique classique. Il y a des risques génétiques que nous ne pouvons apprécier pour le moment. D’autre part, accepter l’utilisation "en élevage " et donc en dehors d’une recherche fondamentale concernant un nombre
limité de clones, c’est, de facto, considérer comme résolu le problème de la souffrance animale associée à ces technologies nouvelles. Nous pensons qu’il y a encore tout à discuter sur ces deux points".
Télécharger l’Intégrale de cette émission spéciale, "Les malheurs du mangeur : consommateur ou citoyen, faut-il choisir ?".
Lire aussi, "Etats-Unis, Europe : des clones en conserve ! La consommation de produits issus d’animaux clonés fera-t-elle un jour recette ?" (entretien original), un entretien réalisé en octobre 2008 pour mieux saisir toutes les dimensions de cette histoire de clonage à des fins alimentaires
Lire sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences (publications originales) :
- "Le silence des clones", Avec Joël Gellin, généticien (Inra) et Emmanuelle Rial-Sebbag, juriste, membres de la plateforme Génétique et Société de la génopole Toulouse Midi-Pyrénées.
- "Les débuts du clonage récréatif", Par Bertrand Jordan. Généticien, Directeur de recherche Cnrs.
- "Le bien-être des Animaux d’élevage", Par Robert Dantzer, Docteur Vétérinaire. Directeur de recherche à l’Inra.
"Ça ne mange pas de pain !" (anciennement le Plateau du J’Go) est une émission mensuelle organisée par la Mission Agrobiosciences pour ré-éclairer les nouveaux enjeux Alimentation-Société. Enregistrée dans le studio de Radio Mon Païs (90.1), elle est diffusée sur ses ondes les 3ème mardi (17h30-18h30) et mercredi (13h-14h) de chaque mois. L’émission peut aussi être écoutée par podcast à ces mêmes dates et heures. Pour En savoir plus....
A l’issue de chaque émission, le magazine Web de la Mission Agrobiosciences édite l’Intégrale, une publication d’une dizaine de pages, téléchargeable gratuitement. Retrouvez Toutes les Intégrales de "Ça ne mange pas de pain !" mais aussi toutes les chroniques et tables rondes.