Retour sur 10 ans d’Université d’été de l’Innovation rurale à Marciac
Marie-Thérèse Lacombe, Martine Dubos, Alice Monier : « Les Femmes de l’agriculture : histoire d’une révolution silencieuse... »
Pour beaucoup, cette conférence à trois voix de femmes, reste l’événement de cette journée consacrée au thème « Être de son temps à la campagne » de l’Université d’été de Marciac en août 2000. Cette fresque historique, depuis l’après-guerre jusqu’à aujourd’hui, patiemment énoncée par plusieurs générations de femmes agricultrices avait pour intitulé « Les femmes , ferment de la modernité en milieu rural ». La modernité pouvant s’entendre là dans son acception la plus profonde : les femmes comme actrices par leurs actes, leurs réflexions et surtout leurs paroles, d’un basculement culturel, économique et social d’une campagne trop longtemps imprégnée, et encore aujourd’hui dans sa représentation, d’une tradition (le jour du cochon était une horreur pour les femmes), d’une morale (le devoir de faire des enfants mais pas de les élever), dans le conformisme d’une « phallocratie » envahissante (pas de contraception, pas le droit de parole, pas le choix de son métier dans un régime exclusivement patriarcal)... Reste qu’à Marciac, ces femmes l’ont rappelé avec précision : leur rôle dans cette révolution qui a permis à l’agriculture de réussir ses avancées technologiques et économique, sa nécessaire diversification et son inscription dans un monde plus ouvert a été passé sous silence. Une révolution silencieuse donc
réalisée par des « sans professions ». L’exposé s’il a été exemplaire de cette réalité, n’a pas manqué d’exemples concrets à même de renforcer les propos. Ainsi, Marie Thérèse Lacombe, agricultrice aveyronnaise, ne manquera pas de rappeler la problématique propre à la famille agricole : une cohabitation de plusieurs générations sous le même toit. La jeune fille qui se mariait avec un agriculteur, devenant automatiquement agricultrice, arrivant dans une maison où, silencieuse, elle devait se plier aux règles. Rappelant que les femmes auraient pu tout envoyer balader, elle précise que, au contraire, en se soutenant, en rompant leur isolement, elles ont « gagné leur place » comme le confirme Martine Dubos, agricultrice gersoise... Aujourd’hui, à la fois gestionnaires, DRH, formatrices et animatrices, signale Alice Monier, agricultrice aveyronnaise, les femmes ont fait naître toutes les idées neuves de la profession agricole : la réorganisation du travail, la modernisation de la gestion et des installations ainsi que la naissance de nouveaux débouchés tels que le tourisme à la ferme. Pour ces trois agricultrices, sans les femmes, il n’y aurait déjà plus de milieu rural. Les nombreux responsables agricoles et agriculteurs présents à Marciac, bouches bées, n’ont « pas pipé mots ». Silencieux. A lire absolument.
(Publication Mission Agrobiosciences. Retour sur 10 ans d’Université d’Eté de Marciac co-organisé par la Communauté de Communes Bastides et Vallons du Gers. Mars 2005)
Écoutez les derniers épisodes de la série de podcasts BorderLine : Où sont passés les experts ? Précarité alimentaire : vers une carte vitale de l’alimentation ?
Rejoignez-nous lors du prochain débat, le mardi 23 avril 2024.