12/05/2011
Dans le cadre de "ça ne mange pas de pain", mai 2011.

A.O.C : Appellation d’Origine...chinoise (chronique originale)

D’abord les faits et les chiffres. Depuis les années 80, les médias nous alertent régulièrement sur les contrefaçons qui représentent aujourd’hui pas moins de 10% des ventes mondiales de biens. On a d’emblée en tête les articles de luxe et les médicaments, mais les produits alimentaires sont aussi concernés. Deux millions d’entre eux ont ainsi été contrefaits dans le Monde en 2006.
En tête des faussaires, la Chine est à elle seule à l’origine de 70% de ces produits piratés. Tout sur les enjeux et la contre-offensive des Occidentaux, dans le cadre de l’émission "Ça ne mange pas de pain" - Quand les cuisines asiatiques se débrident du mois de mai.
Une émission conçue et animée par la Mission Agrobiosciences, diffusée sur Radio Mon Païs (90.1 et par le Web) les mardi 17 (19h-20h) et mercredi 18 mai 2011 (13h-14h).

Une usurpation inacceptable aux yeux des Etats, de l’Europe et de l’OMC. Normal : quand une entreprise ou une filière investit durant des années pour mettre au point la qualité, la spécificité et la réputation d’une marque ou d’un label, elles n’apprécient guère de voir le marché inondé de faux souvent grossiers qui cassent les prix du marché. Une tromperie sur la marchandise qui ébrèche la confiance du consommateur, et peut poser des problèmes de sécurité sanitaire dès lors qu’on ignore tout de la composition, la transformation et les moyens de conservation de ces produits.

Et puis, il y a la dimension symbolique, culturelle, patriotique, presque. Songez, la Chine a le mauvais goût de détourner non seulement nos grandes marques de l’industrie alimentaire, mais elle piétine aussi nos terroirs, le creuset de notre identité, foulant aux pieds ce qui fait l’orgueil de nos régions et les exportations de la nation. Foie gras, vins, alcools, fromages, charcuteries …Ces mécréants osent tout, usant de grosses ficelles pour contourner les réglementations. Aussi, lisez bien les étiquettes, car vous pourriez tomber par exemple sur un foie gras du Péhigord, avec un « h ». Une simple lettre qui change, et vous dégustez en fait un pâté taïwanais. Du côté des grands crus, des piquettes se planquent sous l’étiquette de grands Bordeaux ou de Bourgogne, que l’on retrouve parfois dans des hypermarchés et des restaurants. De même, l’eau minérale Vicvic n’a guère de chances de venir de nos volcans auvergnats. Pour les fromages, il existe un étrange comté dont l’origine est plus proche du Yunnan que du Jura. Et j’en passe, car les autres pays ne sont pas épargnés, huile d’olive, feta grecque, jambons espagnols, et même des denrées moins prestigieuses, comme ces pâtes, ces pâtes, oui mais des Pandori. …

Péché originel

Bref, on ne plaisante plus, la guerre économique est déclarée. Sus aux usurpateurs. C’est que la Chine serait responsable, chaque année, de 6 milliards d’euros de pertes pour les entreprises françaises, et de la destruction de 30 000 emplois. Enjeu crucial, le secteur des vins et des alcools. Car même si la Chine ne consomme que 0,5 litres par an et par individu en âge de boire, - contre 50 litres en France- cela ferait quand même à l’horizon 2013, 1,26 milliards de bouteilles. Et la progression de ce marché est faramineuse. 8ème consommateur dans le Monde, ses importations de vins ont augmenté de plus de 300%simplement de 2004 à 2008. Or qui est le premier fournisseur ? La France…
D’où la stratégie précoce du Bureau national interprofessionnel du Cognac, le BNIC. Protégé depuis 1992 au niveau européen par une Indication géographique de provenance, l’IGP, le Cognac est fort apprécié des Chinois, qui n’ont pas manqué, sur leur marché, de se servir du nom et du flacon, souvent rempli d’un simple alcool de riz légèrement teinté… Du coup, le BNIC a lancé dès 1995 une coopération avec la Chine. L’originalité : les sensibiliser à la valorisation de leurs propres produits de qualité pour faire évoluer leurs pratiques et leur législation. Résultat : après 14 ans d’efforts, le Cognac est la première IG étrangère à être reconnue officiellement dans l’Empire du Soleil Levant.
De même, au plan mondial, lorsque la Chine a demandé à adhérer à l’OMC en 2001, il lui fut répondu qu’il lui fallait pour cela reconnaître et respecter le fameux accord sur les droits de la propriété intellectuelle, l’ADPIC, dont relèvent les marques et les signes de qualité. Sauf que cela lui a pris là encore plusieurs années pour intégrer réellement cette donne, faute de cadre juridique et de dispositif adéquats.
Enfin, du côté de l’Europe, le Commissaire à l’agriculture, Dacian Ciolos, a concrétisé en mars dernier l’initiative 10+10. L’idée : reconnaître au sein de l’espace communautaire dix produits agricoles ou alimentaires chinois, bénéficiant du coup d’une indication géographique - thés, fruits, asperge, ail, vermicelle ou écrevisses - et faire respecter par la Chine une dizaine de spécialités européennes protégées, dont le pruneau d’Agen, le comté et le roquefort. L’enjeu de cette protection mutuelle est énorme : l’UE bénéficie de 3200 produits alimentaires, vins et spiritueux protégés, sachant que la France et l’Italie sont largement en tête pour le nombre de spécialités sous indications géographiques.

Revoir sa copie

Mais pourquoi la Chine accepte-t-elle aujourd’hui ce qu’elle a jusque là toujours contourné ?
Pour le comprendre, il faut d’abord s’intéresser de plus près à la logique du pays de Confucius. Et en l’occurrence, il nous faut revoir nos copies.
Car pour les Chinois, qui, comme chacun sait, ont la tête en bas, copier n’est pas tricher, ce n’est en rien dévalorisant et ce n’est surtout pas faire œuvre de faussaire. Loin de notre obsession de l’origine, de l’authentique et de l’unique, l’art chinois prône en effet l’imitation sans cesse recommencée des plus grandes œuvres du passé. La reproduction est production à part entière. Aussi, copier la toile d’un maître, ce n’est pas produire un faux, c’est contribuer au culte des ancêtres, faire œuvre de partage et renouveler l’original. La calligraphie participe d’ailleurs de cette philosophie. Faite de dessins, l’écriture chinoise a elle aussi ses maitres, et tout enfant, voire plus tard les adultes, s’échinent à être de bons copistes, comme l’étaient nos moines médiévaux. D’ailleurs, en latin, copia signifie l’abondance, la transcription en quantité.
A ce terreau culturel, s’ajoute un humus politique : le régime fondé sur le collectivisme n’autorise en effet aucune singularité, aucune créativité et certainement pas la reconnaissance et la protection d’un droit de propriété, fût-elle intellectuelle.
Enfin, il y a la justification économique. Le bond en avant et la modernisation du pays se sont en effet opéré grâce à un fort encouragement, par Deng Xiao Ping, à copier les technologies et savoir-faire occidentaux dans tous les domaines pour rattraper le retard. Résultat : la contrefaçon alimente aujourd’hui 10% du PIB chinois, permet de salarier entre deux et six millions de chinois, principalement dans les zones rurales, et représente 15 à 30% de l’activité industrielle, sachant que ces ateliers du factice ont pignon sur rue.

Mais alors, que s’est-il passé pour que la Chine, au vu de l’importance de ce secteur à part entière, opère un virage ? Eh bien, cela s’explique en partie par l’histoire de l’arroseur arrosé. Car aujourd’hui, les contrefaçons s’attaquent à ses propres produits, alors même qu’elle s’est mise aux marques et autres labels. Comme elle ne fait jamais les choses à moitié, elle compte déjà un millier de produits estampillées Indications géographiques protégées de la République de Chine, et s’est doté d’un système de protection juridique de ces certifications.
Reste que nous ne sommes pas prêts d’en avoir fini avec les appellations fallacieuses et autres pratiques frauduleuses made in China. Car les stratégies elles aussi s’adaptent et s’affinent. Derniers exemples en date : le dépôt de la marque Nicolas, notre célèbre caviste, par une entrepreneuse chinoise, qui du coup ouvre dans tout le pays des échoppes sous ce nom. Ou encore la construction d’un château renaissance non loin de Pékin, avec jardin à la française et des hectares de vigne. Son nom : château Lafitte…

Chronique Grain de sel, de Valérie Péan, Mission Agrobiosciences. Emission de mai 2011 de "Ça ne mange pas de pain !" : Quand les cuisines asiatiques se débrident.
Cette émission pourra être écoutée sur Radio Mon Païs (90.1 et par le Web) les mardi 17 (19h-20h) et mercredi 18 mai 2011 (13h-14h).

Lire sur le magazine web de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement) :

"Ça ne mange pas de pain !" (anciennement le Plateau du J’Go) est une émission mensuelle organisée par la Mission Agrobiosciences pour ré-éclairer les nouveaux enjeux Alimentation-Société. Enregistrée dans le studio de Radio Mon Païs (90.1), elle est diffusée sur ses ondes les 3ème mardi (19h00-20h00) et mercredi (13h-14h) de chaque mois. L’émission peut aussi être écoutée par podcast à ces mêmes dates et heures. Pour En savoir plus....

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Chronique grain de sel de Valerie Péan de la Mission Agrobiosciences

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