14/05/2024
Revue de presse du lundi 14 mai 2024
Nature du document: Revue de presse
Mots-clés: Consommation , Eau , Gouvernance , Plantes , Sol

« Bassines » partout, irrigation nulle part ?

Un an après l’appel national des Soulèvements de la Terre contre la « bassine » de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), une nouvelle manifestation était organisée samedi 11 mai par la Confédération Paysanne et un collectif associatif contre deux projets de réserve de substitution destinés à l’irrigation dans le Puy-de-Dôme.

Entre 4.000 et 6.500 personnes ont marché « dans une bonne ambiance » dans le secteur de Clermont-Ferrand, rapporte La Montagne. Le tribunal administratif a même suspendu à la dernière minute l’arrêté préfectoral qui prévoyait l’usage de drones pour surveiller le cortège, considérant qu’aucun élément ne tendait à corroborer « la participation d’éléments radicaux à la manifestation », rapporte le quotidien régional dans sa couverture en « live » de la journée. « C’est la preuve que quand Gérald Darmanin ne s’en mêle pas, tout se passe bien ! », raille dans Médiapart la tête de liste écologiste Marine Tondelier, déjà présente à Sainte-Soline l’an dernier. Centre-Presse, quotidien régional qui a suivi de près la polémique locale sur les réserves de substitution dans l’ex-région Poitou-Charentes, souligne d’autres différences de taille : les deux « giga-bassines » visées dans l’Allier sont plus « vastes » encore que les « méga-bassines » du Poitou... et elles n’existent encore que sur le papier. « On ne compte pas attendre le premier coup de pelle pour se montrer », dit une militante du Collectif Bassines non merci du Puy de Dôme à la télévision régionale.

Les Turlurons et Limagrain

Contrairement à Sainte-Soline et aux bassines de l’ex-Poitou-Charentes, les deux retenues auvergnates ne seraient pas alimentées par pompage dans la nappe phréatique, mais directement dans la rivière Allier pendant l’hiver en période de « hautes eaux », explique à l’antenne régionale de France 3 l’Association Syndicale Libre (ASL) des Turlurons qui porte le projet. La communication de l’ASL indique notamment une intention de « redynamiser les cultures historiques comme l’ail rose de Billom, et développer de nouvelles cultures [telles que] les plantes aromatiques et médicinales ainsi que les légumes » et « maintenir un tissu dense d’exploitations familiales », relève Marie-Pierre Demarty dans Tikographie, qui se décrit comme « un média local engagé dans la transition » à Clermont-Ferrand.
Les deux réserves, de 14 hectares et 18 hectares, sont destinées à irriguer 800 hectares dans la plaine de la Limagne, où est implanté Limagrain, 4ème semencier mondial, résume Le Figaro. « Limagrain cultive essentiellement du blé et du maïs, transformés localement mais tournés vers l’export », résume Sophie Chapelle dans Basta. Le groupe coopératif, deuxième employeur privé de l’ex-région Auvergne, affirme cependant ne pas participer au financement des bassines des Turlurons, estimé entre 16 et 18 millions, précise le media en ligne. Limagrain indique toutefois qu’il « cautionne pleinement la démarche des agriculteurs engagés dans des créations de retenues d’eau ». Dans Reporterre, Fabien Benoît raconte que la coopérative du Puy-de-Dôme est devenue un géant mondial dans les années 70 grâce à son partenariat avec l’INRA sur les hybrides de maïs, puis avec les OGM, avant de se transformer en « holding » maîtrisant la filière depuis les semences (Vilmorin) jusqu’aux produits transformés pour le grand public (Brossard).

Des centrales photovoltaïques flottantes en prime

« Nous sommes bien loin de l’image, véhiculée par certains, de grands producteurs de maïs – encore moins OGM ! – cultivé pour être envoyé en Argentine. Nous défendons une agriculture à taille humaine, principalement pour l’alimentation et transformée localement », assure Philippe Planche, éleveur de vaches laitières et producteur de blé vendu à Limagrain pour Jacquet, à Tikographie. Dans Le Monde, le vice-président de la chambre d’agriculture affirme que l’eau stockée ne sera pas réservée à l’irrigation du maïs semence pour Limagrain, dont il est adhérent, mais ira à l’ensemble de ses productions, y compris maraîchères. « Il faut distinguer l’agriculteur qui vit de son métier et celui qui vit d’amour et d’eau fraîche et va dans les manifestations », déclare Baptiste Arnaud à Martine Valo. « Nous ne sommes pas des anti-irrigants. Ce que l’on souhaite, c’est plutôt flécher l’usage de l’eau pour moins d’exportations, diversifier ce qui est cultivé dans la plaine de la Limagne », assure de son côté Ludovic Landais, porte-parole de la Confédération paysanne locale, à la correspondante locale de Libération qui a suivi la manifestation. « Nous serions prêts à reconnaître l’utilité de certaines retenues à condition qu’on laisse se développer une expérimentation d’autres modes de culture de façon à opérer une véritable transition, confie un opposant au projet des Turlurons à Tikographie. Mais le constat est qu’il est très difficile pour des personnes qui voudraient s’installer de trouver des terres ».
Le média local, qui a consacré trois articles pour instruire la controverse de façon aussi complète que possible, relève un dernier point technique peu souligné par d’autres. « Il est envisagé d’installer des panneaux photovoltaïques flottants sur la surface de ces bassins, une technique encore très peu développée en France mais davantage aux Etats-Unis, souligne Marie Pierre Demarty. Ce projet complémentaire aurait pour fonction de limiter l’évaporation, tout en générant un revenu contribuant au financement du projet et en participant à la production d’une énergie renouvelable locale ».

Revue de presse du lundi 14 mai 2024.

Par Stéphane Thépot, journaliste

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