Rien de bien croustillant
La publication de ce rapport s’inscrit dans le cadre du Programme National Nutrition Santé 1 (PNNS 1) , dont le travail avait déjà débouché sur un rapport en 2003. Aux dires de Dominique Maraninchi, président de l’Inca, le rapport présenté le 17 février 2009 n’est qu’« une actualisation de l’édition précédente », basée sur les nouvelles données « du réseau National Alimentation Cancer Recherche, de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, de l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé et de l’Institut de Veille Sanitaire », lit-on sur le site web Agoravox. Alors, quoi d’neuf docteur ? Pas grand-chose, puisque selon LaNutrition.fr, le rapport de l’Inca « reprend les résultats d’une étude publiée en décembre 2007 par le même organisme sur le thème "alcool et risque de cancers" ».
Que l’on se rassure, il n’est toujours pas question de se mettre au pain sec et à l’eau donc. « Cinq fruits et légumes variés par jour » sont encore recommandés, de même qu’une activité physique régulière (équivalent à trente minutes journalières, cinq jours par semaine) et plus spécifiquement pour la femme, l’allaitement maternel est de mise afin de se prémunir contre le cancer du sein. Afin de diminuer les risques de développer un cancer, il est conseillé de se « limiter à moins de 500 grammes par semaine la consommation de viandes rouges », de ne pas forcer sur le sel et la charcuterie (et encore moins la charcuterie salée), et de ne pas croire que les compléments alimentaires soient anti-cancéreux. Rien de nouveau hormis l’alcool donc : « il n’est plus question de tolérer deux verres par jour pour les femmes et trois pour les hommes » indique Le Monde. C’était effectivement le discours en vigueur auparavant.
Une tempête dans un verre d’eau ?
Quelles sont donc les raisons qui mènent à cette drastique conclusion ? On peut lire dans le rapport que « l’augmentation de risque de cancers de la bouche, du pharynx, et du larynx est estimée à 168 % par verre d’alcool consommé par jour ». Une statistique pour le moins élevée. Des chiffres en tout cas difficiles à avaler pour les viticulteurs... et les consommateurs. Le Nouvel Observateur rapporte les propos de l’Association générale de la production viticole, qui dénonce un « acharnement contre le vin », indiquant qu’« une contre-expertise a d’ores et déjà montré les limites de ce rapport, et notamment le fait que de nombreuses études internationales (et plus particulièrement celle du Fonds mondial de recherche contre le cancer) concluent que le risque est réel pour une consommation excessive ». Et entre excessive et modérée, il y a un vrai tonnelet d’écart.
LaNutrition.fr a recueilli l’avis de Michel de Lorgeril, cardiologue et nutrionniste, chercheur au CNRS à Grenoble : « il n’existe pas à ce jour de démonstrations scientifiques absolument intangibles dans un sens positif ou négatif car il manque un argumentaire décisif en recherche médicale humaine, l’essai clinique, qui seul peut montrer des relations de causalité indéniables ». Manque d’étude ou divergences de points de vue ? Les parties en opposition devraient peut-être régler leurs différends autour d’un verre...
Revue de presse de la Mission Agrobiosciences. 20 février 2009.
Sources :
- Alcool et cancer : faut-il croire l’Institut National du Cancer ?, LaNutrition.fr, 18 février 2009.
- Lien entre vin et cancer : les viticulteurs dénoncent un acharnement, Le Nouvel Observateur, 19 février 2009.
- Bannir l’alcool pour prévenir le risque de cancer, Paul Benkimoun, Le Monde, 17 février 2009.
- Brochure "Nutrition et prévention des cancers : des connaissances scientifiques aux recommandations
Lire sur le magazine web de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement) :
- Le Vin. Entre hygiénisme et snobisme, l’ivresse oubliée, chronique conduite par Jean-Marie Guilloux, Mission Agrobiosciences, suivie de deux entretiens avec Christian Escafre, psychiatre et alcoologue et Jean-Pierre Rozon, oenologue (Inra), dans le cadre du Plateau du J’GO co-organisé par la Mission Agrobiosciences, le Restaurant le J’GO et Radio Mon Païs.
- Peut-on vraiment prévenir le cancer par l’alimentation ?, interview de Denis Corpet, ingénieur agronome, directeur de l’équipe Aliments et Cancers de l’Unité mixte de recherche Inra-École vétérinaire de Toulouse, dans le cadre du Plateau du J’GO co-organisé par la Mission Agrobiosciences, le Restaurant le J’GO et Radio Mon Païs.
- Hygiénisme, c’est du propre..., chronique Le Sens des Mots, par Valérie Péan de la Mission Agrobiosciences.
- Alimentation et prévention du cancer : quelle vérité ?, par Denis Corpet, directeur de l’équipe "Aliment et Cancer" de l’UMR Inra-Envt, dans le cadre des quatrièmes Rencontres Alimentation, Agriculture & Société.
- Alimentation et Cancer : qui croire ? Que savoir ?, compte-rendu du débat organisé par le groupe ESC Toulouse, la Mission Agrobiosciences et Assosciences Midi-Pyrénées.