La sous-alimentation recule… sauf en Afrique
Sous la plume de Pierre Gasquet, les Echos passent au crible les différents enseignements de ce rapport. D’abord les chiffres : « 870 millions de personnes sont encore sous-alimentées dans le monde (12,5% de la population mondiale), dont l’immense majorité (852 millions de personnes) vit dans les pays en développement (soit 14,9% de leur population) ».
Ensuite, ce constat : globalement, la situation s’améliore à l’échelle de la planète puisque, en 1990, le nombre de personnes en situation de sous-nutrition était d’un milliard. Mieux, selon la FAO, « la lutte contre la faim menée ces vingt dernières années a donné de meilleurs résultats que ce que l’on [FAO] pensait. »(site de la FAO).
Pour autant, des disparités se font jour : si la faim recule en Amérique du Sud et Asie, qui reste le continent le plus touché, elle progresse en Afrique.
Deuxième point saillant de cette étude, la faim sous-jacente, ou "faim cachée", liée non pas au nombre de calories ingérées, mais à l’apport en micronutriments, c’est-à-dire en minéraux et en vitamines essentiels, demeure un problème préoccupant. Les Echos indiquent que les carences en micronutriments affectent « près de 30% de la population mondiale, contribuant à des taux de maladie et de mortalité importants dans certaines régions ».
L’impact de la crise de 2007-2008 relativisé
Le troisième élément des conclusions de cette étude concerne l’impact de la crise de 2007-2008. Fait surprenant, selon les auteurs, la crise de 2007 et la « grande récession » n’ont pas aggravé la sous-nutrition comme on le pensait jusqu’alors… Comme le relève le quotidien Le Monde, « le haut niveau des prix agricoles, ainsi que leur volatilité depuis la crise alimentaire de 2007-2008 n’auraient donc pas aggravé la sous-alimentation dans le monde, mais "provoqué un ralentissement considérable des progrès accomplis en matière de réduction de la sous-alimentation" ».
Une nuance dont on pourra trouver quelques pistes d’explications à la lecture de La Croix et du Nouvel Observateur. Alors que le premier s’interroge sur la finesse des nouvelles méthodes employées pour calculer « l’indicateur de sous-nutrition », le second affirme qu’en 2009, la FAO aurait largement sur-estimé le nombre d’individus en état de sous-nutrition.
L’agriculture urbaine et familiale, deux pistes de poids
Au-delà des chiffres, sur quelles stratégies les auteurs de l’étude et les experts misent-ils pour lutter contre la faim ? Deux entretiens, l’un publié par Le Figaro, l’autre par le Monde, donnent du grain à moudre.
Dans son édition de ce mercredi 10 octobre, le Figaro a sollicité l’analyse de Pierre Jacquemot, chercheur à l’Iris [1], pour tenter de comprendre pourquoi l’insécurité alimentaire progressait en Afrique. Détaillant les phénomènes à l’œuvre, de l’exode vers les villes qui a généré un manque de main d’œuvre dans les campagnes, à l’échec des politiques agricoles, ce spécialiste des questions économiques et politiques africaines identifie trois leviers d’action : l’agriculture urbaine qui se développe depuis quelques temps dans les villes et qui est, principalement, le fait des « jeunes et des femmes » ; le « développement de l’agro-écologie » et la promotion de l’agriculture familiale.
Cette dernière est également au cœur des solutions proposées par le président du FIDA [2], Kanayo F. Nwanze. Dans un entretien au Monde, celui-ci explique que la lutte contre la faim et la pauvreté passe par un développement de l’agriculture paysanne et familiale. Dans le détail, cela se traduit notamment par le recours aux engrais et aux semences améliorées pour accroître les rendements, sans pour autant « reproduire les excès de la "révolution verte" ou du modèle occidental d’agriculture intensive », l’accès des producteurs au crédit et aux marchés, et un véritable engagement politique des Etats.
Des pistes que l’on espère fertiles.
Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 10 octobre 2012.
Sources :
- La sous-alimentation touche encore 870 millions de personnes dans le monde Les Echos, Pierre Gasquet, 9 octobre 2012.
- La croissance économique est nécessaire mais elle n’est pas suffisante pour accélérer la réduction de la faim et de la malnutrition site de la FAO.
- Près de 870 millions d’humains souffrent de la faim. Le Monde, 9 octobre 2012.
- Selon la FAO, le monde compte 870 millions d’« affamés ». La Croix, Olivier Tallès, 10 octobre 2012.
- L’ONU reconnaît avoir surestimé le nombre de victimes de la famine. Nouvel observateur, 9 octobre 2012.
- La malnutrition en Afrique est un « problème structurel » Une interview de Pierre Jacquemot par Caroline Piquet. Le Figaro, 10 octobre 2012.
- "L’Afrique peut se nourrir et nourrir le monde". Une interview de Kanayo F. Nwanze par Gilles van Kote. Le Monde 9 octobre 2012.
Lire sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement) : - « La souveraineté alimentaire sous le régime de nouveaux scénarios ». Les Actes (cahier de 32 pages) de la table ronde avec Martine Padilla, Directrice de recherches en économie alimentaire (IAMM), Philippe Chalmin, professeur d’histoire économique (Univ. Paris Dauphine), Michel Merlet, directeur d’Agter.
- Malnutrition dans le monde : un mal aux multiples facettes Par Yves Martin-Prével, épidémiologiste et nutritionniste, Institut de recherche pour le développement (IRD), août 2009.
- Un siècle de lutte conte la faim dans le monde. Alertes, révoltes, désillusions et doutes. Une relecture, de Jean-Claude Flamant, des ouvrages qui, d’hier à aujourd’hui, permettent de jalonner l’évolution de la prise de conscience à l’échelle internationale de la nécessité de lutter contre la faim, la recherche de moyens d’actions et la transformation des conceptions... Avril 2009.
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