Il faut dire que la situation est plus que préoccupante. D’une part, on dénombre toujours 862 millions de personnes souffrant de sous-alimentation chronique dans le monde et ce, malgré « l’engagement solennel du Sommet mondial de l’alimentation de 1996 de réduire de moitié, à l’horizon 2015, le nombre de personnes qui ont faim ». Ensuite, « les ressources pour financer les programmes agricoles dans les pays en développement, au lieu d’augmenter, ont nettement baissé depuis lors (...). De 1980 à 2005, l’aide à l’agriculture est passée de 8 milliards de dollars en 1984 à 3,4 milliards de dollars en 2004 » rappelle Jacques Diouf (propos rapportés par le communiqué de presse de la FAO).
Autant dire que le Sommet s’annonce "tendu". Au cœur de ces discussions, la défense des modèles de politiques agricoles mises en œuvre par chaque pays. Comme le rapporte Laeticia Clavreul, « les points d’achoppement sont nombreux : les subventions des pays riches à leur agriculture, les mesures de limitation des exportations prises récemment par des pays producteurs de riz ou de blé pour garantir une alimentation bon marché à leur population, la libéralisation des échanges commerciaux, le recours aux organismes génétiquement modifiés ou encore l’impact des biocarburants sur l’offre alimentaire. » Sur ce dernier point, le Brésil compte bien défendre « bec et ongles son éthanol ». Ouest France, dans son édition du 2 juin, se fait le relais de cette position : « Pour le conseiller du gouvernement brésilien Renato Maluf, les causes de l’augmentation des prix sont à rechercher dans le prix du pétrole, la baisse des récoltes et les spéculations sur les produits alimentaires. »
Dès lors, que peut-on attendre ? « Le meilleur serait bien entendu l’annonce d’une hausse sensible des fonds internationaux pour lutter contre la flambée des prix alimentaires », soulignent Les Echos. Le quotidien précise par ailleurs que le Président Nicolas Sarkozy devrait « proposer la création d’un "groupe international sur la sécurité alimentaire mondiale" qui réunirait institutions compétentes (agences de l’ONU, Banque mondiale, FMI, banques régionales, OMC), Etats, entreprises, ONG, scientifiques etc ». Ce n’est pas tout, car le chef de l’Etat français, en collaboration avec son homologue égyptien soutient, de même qu’il en existe un sur le climat et peut-être bientôt un autre sur la biodiversité, la création « d’un "groupe international de scientifiques sur la sécurité alimentaire" un peu sur le modèle du GIEC ».
De son côté, la journaliste du Monde relaie également les propositions de la FAO et de l’ONU . Elles recommandent deux types de mesures : « à court terme, elles veulent faciliter l’accès des plus vulnérables à la nourriture et aider à augmenter la production, grâce à la distribution de semences et d’engrais. A plus long terme, elles préconisent la mise en place de moyens de garantir le développement agricole des pays pauvres, en incitant à investir dans le secteur et la recherche. » La FAO et l’ONU ne s’y trompent pas. Au-delà de la situation actuelle, un autre enjeu se profile : celui de nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050. Il faudra produire deux à trois fois plus alors que les surfaces disponibles pour les cultures ne sont pas extensibles. Une perspective qu’il faut envisager dès à présent.
Revue de presse de la Mission Agrobiosciences du 3 juin 2008. Le Monde, les Echos, FAO du 3 juin ; Ouest France du 2 juin 2008.
Pour mieux comprendre la raison de la hausse du prix des denrées alimentaires et les enjeux qui se profilent à l’horizon 2050, lire sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences (publications originales) :
- "Au XXIè siècle, l’agriculture réapparaît comme la clé des équilibres du monde", par Marcel Mazoyer, économiste, dans le cadre de la 10è Université d’Eté de l’Innovation Rurale de Marciac "Dans le champ des agricultures du monde, quel destin pour les agricultures d’ici ?"
- "Evolutions des échanges agricoles et alimentaires mondiaux : quels problèmes en perspective ?", par Michel Griffon, ingénieur agronome et économiste.
- "Le point commun des agricultures du monde : l’existence d’un secteur de pauvreté", par Michel Griffon, dans le cadre de la 10è Université d’Eté de l’Innovation Rurale de Marciac "Dans le champ des agricultures du monde, quel destin pour les agricultures d’ici ?"
- "Le prix du riz et la paix dans le monde", par Lucien Bourgeois, économiste.
- "La baguette à tout prix ? Retour sur les émeutes liées au prix du pain", par Steven Laurence Kaplan, historien, spécialiste du pain et des révoltes frumentaires
- "Comment nourrir 9 milliards d’hommes en 2050 ?, par Sylvie Berthier et Jean-Louis Rastoin, agronome et économiste à Sup-Agro Montpellier, dans le cadre de Ça ne mange pas de pain !
Notre sélection d’ouvrages : - La fracture agricole et alimentaire mondiale, par Marcel Mazoyer et Laurence Roudart, Ed. Universalis
- Nourrir la planète, par Michel Griffon, ingénieur agronome et économiste.
Ed. Odile Jacob 2006. - Nourrir 9 milliards d’hommes, ouvrage collectif sous la direction de Gérard Ghersi, Ed. ADPF-Cultures, 2005. Lire aussi l’intervention de Gérard Ghersi dans le cadre des cafés-débats de Marciac, "L’agriculture des pays méditerranéens, entre conquête des marchés européens et réponse aux besoins de subsistance".
- "Ils vous nourriront tous les paysans du monde si...", de Louis Malassis, ingénieur agronome et fondateur d’Agropolis Montpellier, Ed Quae, Inra, 2006.
- "Nourrir l’humanité, les grands problèmes de l’agriculture mondiale au 21ème siècle", de Bruno Parmentier, ingénieur des mines et économiste aujourd’hui directeur de l’Ecole Supérieure d’Agriculture d’Angers, Ed. La découverte, 2007.