14/11/2008
Les recettes de Fernand Cousteaux
Mots-clés: Santé

A l’intérieur d’une noix.

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Connaître la noix. Les origines de la noix.
Quelques botanistes éminents estiment sans trop pouvoir le prouver que le noyer serait dans nos régions une sorte de « relique » de l’époque tertiaire, avant les glaciations qui, pendant quelques centaines de milliers d’années, refroidirent l’Europe. Ça fait loin ! On se rangerait aisément à l’avis de ceux qui considèrent qu’après avoir totalement disparu de nos terroirs, le noyer nous est revenu porté par Alexandre le Grand, depuis le Moyen-Orient ou les Balkans ? Pourquoi pas ?
Une chronique initialement publiée en 1993 dans la Dépêche du Midi et que la Mission Agrobiosciences vous invite à (re)découvrir.

L’arche de Lune et d’amour
Il en va de la noix comme de multiples produits. Quand on est dans l’indécision, on consulte Gaius Plinius Secundus, plus communément appelé « Pline l’ancien ». Cet écrivain latin, qui était aussi l’un des plus grands naturalistes de son temps, nous rapporte dans sa gigantesque « Histoire naturelle » en trente-sept volumes, que lors des mariages, c’étaient des noix et non des dragées que l’on jetait aux enfants du cortège à la sortie des époux. Des noix issues de ce qu’on appelait alors « l’arbre de Diane et de Jupiter ». On dit aussi que chez les Grecs (où l’on mangeait des noix quatre siècles avant notre ère), la douce amie de Dionysos, Artémis Charybdes, fut changée en noyer. Et la légende de Sainte Agathe nous raconte le voyage de Catane à Gelidium, effectué dans une coquille de noix, ce qui rejoint la « barque de Poucettes », conte d’enfant ravissant.
On a prêté bien des « pouvoirs » aux noyers et à la noix. Dans les traités d’ésotérisme, l’arbre fut mis en parallèle avec la planète Lune, le froid, l’humidité et la féminité. Il fut un symbole de confiance dans la providence et de fidélité dans l’amour. Il n’y a pas si longtemps, l’on assurait dans nos campagnes qu’il ne fallait pas dormir sous l’ombre dense d’un noyer sous peine « de ne pas se réveiller ». Quant à la noix, son emploi comme aphrodisiaque fut tenté. Sans grand effet, semble-t-il.
Plus concrètement, le bois de noyer, le plus précieux des bois européens, est admirable. Il se sculpte, se polit parfaitement, et fournit non seulement des meubles splendides, mais aussi de superbes crosses de fusil.

Vulgarisée par les Romains, utilisée par... la NASA
Les Romains, au 4ème siècle, vulgarisèrent la culture de la noix qui ensuite figura dans le patrimoine du Sud-Ouest. Elle permettait de s’éclairer (grâce à l’huile), de se nourrir et entretenait un commerce florissant. Des documents du 11ème siècle nous indiquent que des baux étaient payés en setiers d’huile de noix aux moines d’une abbaye cistercienne périgourdine, et Jean Rougié nous rappelle qu’au 14ème siècle Sarlat était « la capitale » de la noix du Sud-Ouest et exportait vers la Hollande et l’Angleterre.
Aujourd’hui - oh surprise ! - l’enveloppe en bois de noix, la coquille, matériau rebelle à la carbonisation, est utilisée aux USA, premier producteur au monde de noix, par... la NASA.
Il faut savoir que les noix « écalées » sont cueillies ou ramassées avant complète maturité, leur brou est séparé de la coque par action mécanique. Pour les noix « fraîches », la coque s »’est naturellement séparée du brou. Les noix « demi-sèches » présentent au taux d’humidité compris entre 12 et 20%, moins de 12% pour les « sèches ».

Méfiez-vous du réfrigérateur
Les noix éclatées ou fraîches, disponibles jusqu’à la Toussaint environ, doivent être consommée dans les deux ou trois semaines suivant leur récolte et conservées dans un endroit frais. Il faut éviter le congélateur car la température trop froide leur fait perdre leur saveur. Plus tard, dans saison, les noix se gardent beaucoup plus longtemps. Un risque : elles sont susceptibles de rancir surtout chez certaines variétés mal « soudées » ; ce qui est détestable surtout en pâtisserie mais aussi dans une salade).

Des goûts et des saveurs
Les noix sont soit consommées telles, utilisées en pâtisserie (pulvérisées ou hachées ou entières selon l’usage, ou encore dans des sauces (pour accommoder les pâtes), des farces ou des accompagnements de volailles, viandes blanches, poissons et de plus en plus de salades de légumes ou de fruits.
Les variétés de noix les plus prisées sont actuellement la « franquette », la « marbot » que l’on cultive dans le Lot, ainsi que les variétés « come », « grandjean » et « grovert » dans la région de Sarlat. Une nouvelle variété est sur le marché : la « lara », plus grosse, plus précoce, plus productive, plus attirante donc, mais dont les cerneaux sont goûteux que les variétés traditionnelles à Gourdon.
Il y a les inconditionnels de la noix fraîche (et du pain frais) qui se digère mieux et va si bien avec le vin nouveau et même le « bourrut » . Inconvénient : un risque de moisissure. Il y a aussi les gourmands de noix sèches - dont je suis - auxquelles on peut d’ailleurs redonner l’aspect et le goût de noix fraîche en les trempant une nuit entière dans le lait chaud. Avec un fromage de chèvre ou de brebis, les noix sèches flattent des vins rouges gouleyants, jeunes (1-2 ans) tels que les Buzet des « Vignerons réunis », les Gaillac de la cave de Tecou, les Fronton de Bellevue-la-Forêt ou de Château Joliet. Et essayez donc quelques « blancs » charpentés de Corbières, Jurançon, Pacherenc ou les admirables Gaillac de Robert Plageolles.
Quel que soit votre goût, je ne saurais trop vous inciter à organiser avec quelques amis « sûrs », c’est-à-dire sachant se « tenir » à table, une soirée noix-fromages, assortis de quelques bouteilles amusantes qui ne vous ruineront pas mais apporteront à votre joie de vivre un surcroît de convivialité simple, bienvenue en ces temps de grisaille économique et d’individualisme forcené.

Halte au cholestérol !
La noix, comme les autres fruits secs à coques : amandes, noisettes, pistaches, pignons, cacahuètes, noix de cajou, etc. ne contiennent pratiquement pas d’eau, très peu de sucre. Ils sont, pour la plupart, énergétiques et nutritifs. C’est ainsi que la noix recèle de multiples vitamines, glucides, protides, sels minéraux.
Une autre caractéristique précieuse de la noix et de l’huile de noix, longtemps peu connue, mais aujourd’hui prouvée, en font un allié précieux de l’homme moderne soucieux de sa santé. Riches en acides gras poly-insaturés et en vitamine E, ils sont particulièrement conseillés dans le cadre de régimes « hypocholestérolémiants ». Ce mot savant, pratiquement imprononçable, indique tout simplement que utilisés dans l’alimentation quotidienne, la noix et l’huile de noix aident à la diminution du cholestérol et donc des risques cardiovasculaires.

La Recette de Fernand Cousteaux
Un croustillant de lapereau aux noix (« Le Redouillé » à Souillac, Lot)

A Souillac, en plein pays de la noix du Lot, J-P. Palech, patron et chef de cuisine au restaurant « Le Redouillé » nous a proposé un repas pratiquement « tout noix » avec une salade verte aux noix lardons, et un exquis cabécous chaud arrosé d’huile de noix ; un excellent « croustillant de lapereau au foie gras et noix hachées », les deux accompagnés d’un pain aux noix grillées fait « maison ». Pour dessert, une crème brûlée toujours aux noix. Et pour conclure évidemment une « eau de noix » produite par Roques à Souillac qui m’a rappelé ma jeunesse où, tout de même, cet excellent digestif fabriqué artisanalement par ma tante Adeline était nettement plus « raide ».
Le lapereau du Causse n’avait pas survécu à l’ouverture. Chair très goûteuse et de plus en plus améliorée par la farce. Composition : noix torréfiées et concassées ; foie, cœur de l’animal et lardons sautés et flambés à l’armagnac ; dés de foie gras ; ciboulette, cerfeuil hachés ; le tout collé au jaune d’œuf. Désossé et roulé, farci puis ficelé, le lapereau rôti au four. Après cuisson, déglaçage de la plaque, réduction du jus lié avec la crème, beurre noisette et, au dernier moment, « arrosé » d’une poignée de noix torréfiées et concassées. Quant à la crème brûlée, J-P. Palech ajoute à une base classique, une partie de confiture de noix (noix fraîches macérées au sucre, mixées et cuites). Sur la crème : pralines de noix torréfiées (sucre cuit à 160 degrés).
Un bel exemple de menu parfaitement adapté à un produit local - la noix - et réalisé par un cuisinier de talent qui a évidemment bien d’autres plats sur sa carte et nous a, en particulier, régalés le soir avec une poêlée de trompettes de la mort et de pieds bleus, tout frais cueillis par lui-même, simplement fris à l’huile d’olive, agrémentés d’une persillade et « poussés » par le Cahors 1990 que j’avais découvert la matin : la cuve prestige « Les Regalets » d’un vigneron de Trayssac, M. Boulome. Quel pays que ce Lot !

La Dépêche du Midi, 17 octobre 1993

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Lire aussi sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences (publications originales) :
La fraise gariguette, ton goût me fait tourner la tête, une chronique « Histoire de.... ».
Tâter un calendos, chronique Le Ventre du monde, par Bertil Sylvander, dans le cadre de Ça ne mange pas de pain
Alimentation : la naissance du goût, par Nathalie Rigal
Peurs alimentaires : Maïs attacks ?, entretien avec Maryse Carreretto, antthropologue, auteur de « Histoires de maïs. D’une divinité amérindienne à ses avatars ».

Par Fernand Cousteaux, écrivain et ancien chroniqueur à La Dépêche du Midi. 12/11/08

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