Développé par l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) en 2002, le Bilan Carbone (ou bilan CO2) permet d’évaluer les émissions, directes et indirectes, mesurées par activité ou à l’échelle d’un territoire. Tous les acteurs de la chaîne de vie d’un produit sont concernés, et pas seulement le producteur. Son application peut aussi bien concerner la chaîne de production d’un article de magasin, ou les activités d’une collectivité locale voire d’une unique personne. Précisons qu’il ne faut pas le confondre avec les bilans d’émission de Gaz à Effet de Serre (GES), dont le CO2 n’est qu’un gaz parmi d’autres. Le Bilan Carbone n’est en revanche ni très répandu ni très utilisé, et reste pour l’instant une spécificité européenne.
Les supermarchés affichent le bilan
Prenez l’Allemagne, par exemple : le projet "Product Carbon Footprints" a permis de réaliser le Bilan Carbone de 15 produits consommés régulièrement. Bulletins-électroniques.com (un service du Ministère des Affaires Etrangères) livre quelques résultats : entre 50 à 101g de CO2 pour une tasse de café (selon la préparation du café par le consommateur) ; 442g pour une barquette de fraises en provenance d’Espagne ou encore 2,5kg pour un paquet de dix rouleaux de papier toilette. Cherchez l’erreur...
Ces indications, les centres Leclerc commencent à les mentionner : en avril 2008, deux magasins tests du Nord de la France présentaient non seulement un double étiquetage prix/bilan carbone mais également l’indication du bilan carbone des achats des clients sur leurs tickets de caisse, selon Map News, qui ajoute que le groupe Casino s’engouffre à son tour dans la brèche. Sur plus de 300 articles, depuis la fin de l’année 2008, la quantité de CO2 nécessaire pour obtenir 100g dudit produit est désormais affichée. A terme, le groupe envisage d’appliquer cet étiquetage à 3000 de ses articles vendus en magasin. Si l’on perçoit l’intérêt à sensibiliser le consommateur pour que celui-ci participe - à terme - à l’endiguement du réchauffement climatique, il convient de ne pas être naïf : il y a là un moyen nouveau d’influencer le choix du client en valorisant certains produits (ou au contraire en les dénigrant). Gare à la récupération de la taxe carbone pour les stratégies marketing !
Un marché pour réguler le carbone ?
Aux Etats-Unis, le carbone pourrait de manière surprenante contribuer à financer l’aide sociale. Barack Obama vient en effet d’annoncer la création d’un marché du carbone, qui devrait être opérationnel d’ici 2012. Son organisation est assez simple. Les entreprises auront un seuil maximal d’émission de CO2, et lorsqu’elles pourront émettre en deçà de ce seuil, la différence sera vendue aux firmes qui émettront plus que prévu. Les seuils devant par ailleurs être ponctuellement revus à la baisse. La Maison Blanche estime ainsi que le marché « générera alors 80 milliards de dollars chaque année » lit-on dans Le Monde. Sur ces 80 milliards, 65 seront reversés sous forme d’aide sociale ou comme subvention aux entreprises « énergétiquement propres », et 15 milliards iront aux « technologies pour une énergie propre ». Le Monde indique toutefois que cette annonce intervient alors que le marché européen du carbone est au plus bas, avec une perte de valeur de plus de 60 % depuis juillet 2008. Une conjoncture économique qui mettrait à plat l’annonce faite par le président américain ? Pas si sûr, car les analystes estiment que la mise en vente en 2012 des quotas d’émission de CO2 accordés aux entreprises devrait, à moyen terme, relever le prix du marché.
Changement de coucou ?
Jusque là sous-utilisé en France, le Bilan Carbone pourrait être remis au goût du jour, notamment à l’issue de l’annonce, par Nicolas Sarkozy, du remplacement de la taxe professionnelle par une taxe carbone. Mais qu’est-ce que la taxe carbone ? Pour le site Développement Durable c’est une « fiscalité sur tous les combustibles fossiles : pétrole, charbon, gaz naturel... ». La taxe serait à « taux variable [dépendant] du contenu en carbone dudit combustible ». L’objectif étant bien sûr de réduire les émissions de CO2, ladite taxe devrait à terme ne plus avoir raison d’être (quoique, la CSG devait être elle aussi provisoire). A titre pédagogique, calculons donc avec le magazine Terra Eco, le Bilan Carbone des déplacements de Nicolas Sarkozy : avec 324 595 km parcourus en avion, représentant 7100 tonnes équivalent CO2, il se classe 3e derrière Angela Merkel et Gordon Brown. Terra Eco précise toutefois que « si Nicolas Sarkozy avait effectué tous ses déplacements à l’étranger à bord de son futur gros porteur, sa facture écologique aurait atteint plus de 12 500 tonnes, loin devant Gordon Brown ». La mise en place de la taxe carbone donnera-t-elle envie à l’Elysée de changer de coucou ?
Revue de presse de la Mission Agrobiosciences. 6 mars 2009.
Sources :
- Le bilan CO2 du papier toilette, Léna Prochnow, bulletins-électroniques.com, 11 février 2009.
- La taxe carbone va-t-elle remplacer la taxe professionnelle ?, Yann Cohignac, Développement Durable, 17 février 2009.
- Le bilan carbone au goût du jour, Map News, 24 février 2009.
- Etats-Unis : le marché du CO2 au secours du social, Hervé Kempf, Le Monde, 27 février 2009.
- Exclusif : Gordon Brown plus lourd en CO2 que Nicolas Sarkozy, Anne Daubrée , Antoine Heulard , Cécile Cazenave , Karine Le Loët , Raphael Baldos , Séverin Millet, Terra Economica, 2 mars 2009.
Lire sur le magazine web de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement) :
- Développement durable : une nouvelle manière d’acheter des indulgences ?, interview de la géographe Sylvie Brunel par Jacques Rochefort dans le cadre "Ça ne mange pas de pain !", l’émission radiophonique de la Mission Agrobiosciences.
- Changement climatique : le débat se réchauffe, le consensus se fissure, par Jean-Marie Guilloux de la Mission Agrobiosciences.
- Réchauffement climatique : "Nous en savons moins que vous ne l’espérez mais certainement plus que vous ne le croyez", entretien avec Olivier Moch, Secrétaire permanent du Conseil Supérieur de la Météorologie et ancien directeur adjoint de Météo-France.
- Le réchauffement climatique : une prise de conscience grandissante du grand public, intégrale de l’enquête analysée par Daniel Boy, chercheur au Cévipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po).