Pour Développement Durable, le constat est là : « Touchés au cœur (du porte-monnaie !), les Français consomment moins, jettent moins ». Et, du coup, il y a moins de travail pour les industriels du recyclage. Ajoutez-y le fait que la baisse de la consommation diminue les besoins des producteurs en matières recyclables pour emballer leurs produits, et vous obtiendrez une recette parfaite pour un effondrement des prix. Le cours du plastique a été divisé par deux depuis août 2008, tandis que le prix de la tonne de papier a dégringolé de 100 € en février 2008 à 57-60 € aujourd’hui. Mais c’est le marché des métaux dont la descente reste la plus spectaculaire. Comme on peut le lire dans Le Monde : « Le cours des ferrailles était monté à 480 € la tonne en juillet 2008. Il est passé sous la barre des 100 € fin 2008 ». Que faire face à cela ?
Développement Durable voit pourtant un « dénouement heureux » pour ce secteur économique : « Probable signe d’une reprise économique, les Chinois achètent des milliers de tonnes de matières recyclées ». De plus, le site internet indique que « la consommation des ménages est repartie à la hausse » au mois de janvier. Le recyclage vers une sortie de crise ? Pour Philippe Chalmin, professeur à l’université Paris-Dauphine et interviewé par Le Monde, cette crise « pourrait conduire à une remise à plat [du secteur, car] le recyclage n’est pas la seule solution : l’incinération avec récupération d’énergie peut être une alternative intelligente du point de vue économique ».
Dans le même quotidien, on peut également lire la préoccupation de l’Union Européenne pour l’avenir de cette industrie. « Pour soutenir la filière, elle suggère de "maintenir les objectifs existants en matière de recyclage", d’appeler les citoyens à ne pas se démobiliser et à continuer de trier, et d’étudier la possibilité d’une réduction de la TVA pour certains produits à base de matériaux recyclés ». En France, suite au projet de loi Grenelle 1, le recyclage des emballages ménagers devra passer de 63,1 % (2007) à 75 % en 2012, note Actu-Environnement. « Cet objectif ne sera atteint que si tous les maillons de la chaîne du tri s’activent, producteurs, citoyens, collectivités et recycleurs », explique Jacques Pélissard, Président de l’Association des Maires de France.
Il existe cependant un certain flou organisationnel dans certains secteurs de l’industrie du recyclage, diminuant son efficacité globale. Le Journal de l’Environnement note ainsi que la filière des déchets d’équipement électriques et électroniques (DEEE) « peine à trouver ses marques » en raison de la confusion fréquente entre déchets ménagers et professionnels. Du coup des entreprises échappent à l’éco-contribution (taxe à l’achat sur les DEEE, finançant leur recyclage) et de plus, la collecte des DEEE professionnels a du mal à s’organiser : « aucun éco-organisme n’ayant reçu d’agrément pour s’en charger » précise le journal. La directive européenne concernant les DEEE devant toutefois être révisée prochainement, on peut espérer une amélioration pour la filière.
Autre matière première qui, elle, n’est que très peu recyclée : l’eau. L’AFP publie un article sur le « facteur beurk », véritable frein au recyclage d’une eau « qui passe des toilettes au robinet » selon ses détracteurs. C’est pourtant une eau « parfaitement potable », « moins coûteuse et moins polluante que le dessalement » d’après Antoine Frérot, directeur général de Veolia Eau. En Australie mais surtout à Singapour (1% de l’eau potable consommée), le système commence néanmoins à se mettre en place. Soulignons quand même que la NASA a mis au point ces derniers mois une machine qui ne devrait pas faire couler que de l’encre : le premier recycleur d’urine. Eh oui, approvisionner les spationautes en eau n’est pas toujours chose aisée et il faut donc innover. L’urine future nouvelle matière première ? Un sujet qu’il ne faudrait pas laisser rouiller...
Revue de presse de la Mission Agrobiosciences. 26 mars 2009.
Sources :
- Le recyclage paie un lourd tribut à la crise économique, Albane Wurtz, Développement Durable, 18 mars 2009.
- Grenelle : une optimisation de la collecte sélective sera nécessaire, F. Roussel, Actu-Environnement, 18 mars 2009.
- DEEE professionnels, le flou demeure, Victor Roux-Goeken, Journal de l’environnement, 19 mars 2009.
- Le "facteur beurk", obstacle de taille au recyclage des eaux usées, AFP, 19 mars 2009.
- La logique du recyclage est fragilisée par la crise que traverse le secteur, Gilles van Kote, Le Monde, 24 mars 2009.
Lire sur le magazine web de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement) :
- Sur l’eau et ses enjeux, sélections d’articles et d’ouvrages pour mieux comprendre les enjeux locaux et mondiaux et les turbulences qui agitent les acteurs de l’eau.
- Agromatériaux et biocarburants : quand l’agriculture nourrit un nouveau secteur industriel, conférence lors de l’Université des Lycéens à l’IUT de Tarbes, avec Antoine Gaset, conseiller scientifique du Laboratoire de Chimie Agro-industrielle, Ensiacet-INPToulouse, et Philippe Mathaly, directeur général de Bio Attitude.
- Agriculture, alimentation et société : "Le marché n’est qu’un dispositif. Son efficacité n’est pas une qualité immanente.", entretien avec Gilles Allaire, économiste, directeur de recherche Inra, à propos du livre « Le Monde a faim de Philippe Chalmin.
- Pesticides, plastifiants et polluants environnementaux : une menace pour l’homme ? Le cas des perturbateurs endocriniens, interview de Daniel Zalko, biologiste à l’INRA, par Sylvie Berthier dans le cadre de "Ça ne mange pas de pain !" l’émission radiophonique de la Mission Agrobiosciences.