Commençons par le tissu adipeux, celui qui est dit « blanc » (1), ce fameux gras que certain(e)s cherchent désespérément à réduire, alors même qu’il joue un rôle métabolique vital. On sait en effet depuis longtemps qu’il s’agit là d’une réserve d’énergie en cas de jours maigres, et d’un écran protecteur pour bon nombre d’organes. De même, il est établi depuis belle lurette qu’il joue un rôle endocrinien, abritant quelques dizaines d’hormones (comme la leptine, qui contrôle la prise alimentaire, ou l’adiponectine, qui augmente la sensibilité à l’insuline) dont certaines agissent non seulement localement mais à distance.
Plus récemment, il a été montré qu’il hébergeait également des cellules présentes dans le sang, comme les macrophages et les lymphocytes qui participent à l’immunité, par exemple en détruisant des cellules infectées. Ces cellules, qui forment 20% des cellules du tissu adipeux blanc, sont dites « hématopoïetiques », ce qui signifie littéralement qu’elles produisent des globules sanguins (le grec poiein, dont est issu le terme « poésie », signifiant « agir », « produire », « créer »). Et jusqu’ici, on pensait qu’elles étaient toutes issues de la moelle osseuse, via des cellules souches.
C’est là qu’intervient la « découverte » de l’équipe toulousaine, dont les conclusions ont été publiées dans la revue Stem Cells, le 22 novembre dernier. Ces chercheurs sont en effet parvenus à isoler, chez les souris, un certain type de cellules souches hématopoïétiques. En clair : la masse grasse partage cette capacité avec la moelle osseuse. A cette différence près : les cellules souches du tissu adipeux se différencient majoritairement en mastocytes, dont l’intérêt est de contribuer, de façon majeure, au fonctionnement de notre système immunitaire. Injectées dans le sang des souris et mises en compétition avec les cellules souche de moelle osseuse, elles produisent en plus grand nombre des mastocytes matures et fonctionnels. Mieux, ces cellules souches colonisent d’autres organes que la moelle osseuse, comme l’intestin ou la peau, pour ensuite s’y différencier en mastocytes. Bref, en la matière, le tissu adipeux est une véritable « fabrique » de mastocytes, plus efficace et plus accessible.
Certes, il s’agit là de recherches fondamentales, ainsi que le précise l’un des membres de l’équipe, Béatrice Cousin qui insiste à raison : « Nous sommes encore très loin des applications thérapeutiques. C’est un sujet tout nouveau et il nous faut d’abord démontrer qu’il se passe la même chose chez l’homme. Notre objectif reste avant tout de mieux comprendre le rôle de ces cellules dans le tissu adipeux. » Reste qu’à l’horizon, se profilent peut-être de nouvelles réponses thérapeutiques à des maladies immunitaires, dont certaines sont au cœur des enjeux de santé publique comme l’obésité et le diabète, où les mastocytes joueraient un rôle prépondérant en terme de réponse inflammatoire (dans le cas de l’obésité, par exemple, l’inflammation est produite par la flore intestinale et donne lieu à une réponse immunitaire). Même chose pour l’athérosclérose et l’ostéoarthrite. Sans oublier les allergies, lors desquelles les mastocytes sont les premières cellules activées.
Pour caricaturer, selon que le mastocyte fonctionne correctement ou qu’il se dérègle, il y a là de quoi redonner tout son sens à la distinction populaire entre se faire une bonne ou une mauvaise graisse.
L’actualité Sciences et société. Mission Agrobiosciences. 23 novembre 2010