Dans le journal Le Monde, Marie-Morgane Le Moel, nous raconte qu’à l’instar des îles Kiribati, l’archipel de Tuvalu est menacé. Selon le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat)"le niveau moyen des océans devrait monter de 18 à 59 centimètres d’ici 2100." Ainsi après des raisons économiques, la situation climatique est devenue la deuxième raison d’exil pour les habitants des petits pays du Pacifique. Les grandes marées sont plus fréquentes et John Hunter, océanographe à l’Université de Tasmanie estime "que, de 1950 à 2001, la mer est montée de 2 millimètres par an en moyenne. Mais, à cause de l’accélération de l’élévation du niveau de la mer observée désormais, le phénomène pourrait s’aggraver à Tuvalu". Pour Greenpeace Nouvelle Zélande : "Les populations des petites nations du Pacifique vont être confrontées à un changement de leur écosystème avant même d’être inondées, avec la salinisation de leur système d’eau et de leurs aires de cultures." Cette situation vient s’ajouter à de mauvaises pratiques d’aménagement des îles. Notre consoeur du Monde citant Chris de Freitas, professeur à l’école de géographie de l’Université d’Auckland écrit : "Il y a des inondations évidentes sur les îles de Tuvalu, mais le réchauffement climatique causé par l’homme n’est pas en cause. C’est le résultat de l’érosion et de projets immobiliers qui provoquent un afflux d’eau de mer." Cependant les habitants déplacés des archipels demandent le statut de réfugiés climatiques et, ajoute Marie-Morgane Le Moël, "il y a quelques années, le gouvernement de Tuvalu avait même menacé de poursuivre en justice l’Australie et les Etats-Unis pour n’avoir pas ratifié le protocole de Kyoto." A ce jour, la Nouvelle Zélande autorise chaque année 75 installations d’immigrants sur son territoire. Apic, Agence de presse internationale catholique, rapporte qu’à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, Caritas Suisse a décidé de prendre position sur le problème des réfugiés climatiques. Rappelant la situation des habitants des îles du pacifique, l’article précise que "la fuite ou la migration est souvent la seule option. Il faut partir du principe que, suite à la montée du niveau des mers, une partie de ces îles ou Etats seront rayés de la carte à moyen ou à long terme." L’article précise que "la Convention de Genève de 1951 ne reconnaît pas la destruction de l’environnement comme un motif de fuite [mais] depuis peu, le HCR (Agence des Nations Unies pour les réfugiés) fait aussi valoir la destruction de l’environnement et les modifications climatiques comme causes de la fuite." Pour Caritas il est temps d’opérer un changement d’attitude. Le changement climatique devient un enjeu social et éthique. Et quand la mer monte le monde a un peu honte.
Les réactions d’Anny Cazenave, docteur ès sciences, ingénieur du Centre national d’études spatiales (CNES), est actuellement directrice-adjointe du Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS) à l’Observatoire Midi-Pyrénées à Toulouse.
Jacques Rochefort : Avec le réchauffement climatique, apparaît le spectre de la disparition d’atolls dans le Pacifique, une montée rapide des eaux en zone côtière et un afflux de réfugiés « climatiques », qu’en pensez-vous ?
Anny Cazenave : Je crois qu’il ne faut pas généraliser. Il faut envisager ces questions au cas par cas. Et bien souvent les phénomènes que nous observons sont liés aux activités humaines plus qu’au réchauffement climatique. C’est souvent le pompage de l’eau par les populations afin de satisfaire leur alimentation qui fait baisser le niveau des sols. Nous avons l’exemple de Venise dans les années 50 qui a vu la lagune s’affaisser suite à un pompage important.
Il est bien évident qu’il existe une élévation graduelle du niveau des mers que l’on peut chiffrer à quelques décimètres depuis le siècle dernier. L’on assiste aussi à des tempêtes plus intenses et des grandes marées qui entraînent des inondations dans des régions déjà fragilisées comme les îles du Pacifique où les deltas.
JR : Comment appréhender la réalité d’aujourd’hui ?
AC : Nous devons prendre en compte le facteur temps et raisonner sur le très long terme. De nombreux phénomènes se dérouleront mais nous ne savons pas toujours quand ni comment. Il faut envisager les évènements à l’échelle de quelques siècles et comme je le disais c’est souvent l’activité humaine qui est déterminante. Dans le Golfe du Mexique, dans la région de Houston, le sol s’enfonce d’environ un centimètre par an du fait des activités pétrolières. Le réchauffement climatique ne vient qu’amplifier le phénomène et ce, de manière modeste.
Dans les deltas du Bengale, du Nil ou de l’Indus, l’accumulation et le poids des sédiments fait que la côte recule. Dans le cas du Mississipi, les constructions de barrages empêchent les sédiments de s’accumuler en entraînent des déséquilibres entre les sols et le niveau des eaux.
JR : Que peut-on imaginer pour les années qui viennent ?
AC : On le voit tous ces phénomènes sont très complexes et il y a parfois peu d’études qui nous permettraient de mieux envisager l’avenir. Dans le futur, nous devons nous attendre à une hausse du niveau des mers. Sur le très long terme, le réchauffement des océans entraînera une accumulation de chaleur. Par contre nous ne savons pas très bien si la perte de masse de glace des pôles induira une hausse du niveau des mers. A quelle échelle ? L’irréversibilité n’est pas automatique. Les observations du GIEC sont des mesures minimales. Effectivement, les atolls, les deltas, les côtes les plus vulnérables sont menacées. Mais c’est à l’échelle de plusieurs siècles. Nous devons avoir à l’esprit l’échelle du temps.
Propos recueillis par Jacques Rochefort, Mission Agrobiosciences.
Lire les dernières revues de presse et billets de la Mission Agrobiosciences sur le changement climatique :
- "Quelle élévation du niveau des mers dans le cadre du réchauffement climatique ?", le cahier de l’Université des Lycéens, avec Anny Cazenave, océanographe.
- "Changement climatique : le débat se réchauffe, le consensus se fissure", Par Jean-Marie Guilloux, Mission Agrobiosciences, 24 juin 2008
- "Le projet de loi Grenelle de l’environnement fait réagir Monsieur Hulot, le climat échauffe quelques esprits, les français ont des progrès à faire en matière de développement durable", 13 juin 2008
- "Le changement climatique, à la fois inéluctable et incertain ?", le billet de la Mission Agrobiosciences, mars 2008, par Jean-Claude Flamant