06/10/2006
Actes de l’Université d’été de Marciac - août 2006

Pour des questions culturales ou culturelles, le maïs a toujours suscité des controverses

Copyright Conseil Général du Gers

Du 9 au 11 août 2006, la 12ème Université de l’innovation rurale de Marciac, organisée par la Mission d’Animation des Agrobiosciences et la Communauté de Communes Bastides et Vallons du Gers, cherchait à répondre à la question : "Comment peut-on débattre des sujets qui fâchent ? " Au programme, une table ronde sur les Ogm, sujet éminemment conflictuel, suivie d’une intervention de l’anthropologue Maryse Carrareto, Membre associé au Centre d’Anthropologie de Toulouse, UMR 8555 - École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) et auteur de « Histoire de maïs : d’une divinité amérindienne à ses avatars transgéniques » (Editions Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 2005) qui a rappelé (ou révélé) au public que le maïs a, de tout temps, était sujet à controverse. Avant la parution complète des actes, voici la contribution de Maryse Carrareto à Marciac.
La diffusion des contenus des Actes de la 12ème Université d’été de l’innovation rurale, conçus et réalisés par la Mission Agrobiosciences, a bénéficié du soutien financier du Conseil Général du Gers.

« Dans les années 90, quand j’ai démarré mon travail de recherche en anthropologie sur l’histoire du maïs depuis son arrivée en Europe, on commençait tout juste à parler du maïs génétiquement modifié. Il était intéressant de voir ce que la presse et les journaux télévisés en disaient, mais aussi de repérer les représentations qu’on s’en faisait : on voyait alors apparaître, par exemple, des images de maïs en forme de grenade. Autre « curiosité » : dans le débat sur les Ogm, c’était surtout le maïs qui était sur la sellette, alors que d’autres plantes étaient déjà génétiquement modifiées.
Chemin faisant et afin de mieux connaître l’histoire de l’introduction du maïs hybride après la Deuxième Guerre mondiale, j’ai réalisé, en interrogeant des agriculteurs du Gers, et du Sud-Ouest de la France en général, du Nord du Portugal et de l’Italie - qui ont aujourd’hui entre 70 et 80 ans-, j’ai réalisé, donc, qu’il y avait déjà eu, à l’époque, un débat et des résistances. Au début, tous les agriculteurs n’avaient pas accepté ces nouvelles variétés. D’abord, parce qu’ils devaient désormais acheter les semences et qu’ils ne pouvaient donc plus les transmettre d’une génération à l’autre génération, comme cela c’était fait pendant des siècles. Ensuite, parce que pour cultiver correctement ces plantes, ils devaient utiliser de nouveaux produits et une mécanisation adaptée.
Donc, effectivement, j’ai retrouvé des antécédents de ce débat sur les Ogm en écoutant de vieilles histoires d’après-guerre. Mais, plus surprenant, en consultant les archives - des traités d’agronomes, de botanistes des 15ème, 16ème, 17ème siècles et au-delà, en lisant des récits de voyages -, j’ai découvert que le maïs avait toujours suscité des controverses, pour des questions de cultures et des questions culturelles.

Entre oeuvre de Dieu et part du Diable

En fait, dès son arrivée sur le sol européen à la fin du XV° siècle et surtout dès le début du XVI° siècle, le maïs a été considéré comme une céréale étrange et « étrangère » face à cette céréale première qu’était le blé, céréale chrétienne par excellence. Fait aggravant, dans certaines régions, le maïs est devenu la céréale la plus cultivée et la plus consommée, mais sa mono consommation a entraîné, en Italie du Nord notamment, une maladie très grave, la pellagre (1). Entre œuvre de Dieu et part du Diable... c’est ainsi que s’écrit l’histoire du maïs au fil des siècles. On retrouve d’ailleurs cet aspect maléfique dans la tradition populaire, qui assimile par endroits le maïs à une plante diabolique.
Alors, finalement, comment s’est fait l’acceptation de cette nouvelle plante, de ce nouveau maïs dit « hybride » ?
Après la Deuxième Guerre mondiale, l’acceptation de la culture de ces maïs hybrides a été relativement rapide dans la mesure où l’on connaissait déjà le maïs, bien implanté culturalement et culturellement. Second point à retenir de cette période : ceux, à cette époque, qui se sont lancés dans cette culture se sont enrichis. Mes enquêtes auprès des agriculteurs du Gers montrent comment la zone des vignobles de Saint Mont a pu être replantée grâce à l’argent des agriculteurs qui s’étaient lancés dans la production de semences de maïs, au lendemain de la deuxième guerre mondiale.
Après, bien sûr, comme pour toute nouveauté, le temps a joué en sa faveur. De gros moyens de communication ont également été mobilisés. M. Brisebois, un ancien ingénieur des services agricoles de la Haute-Garonne, m’a raconté cette période de vulgarisation des maïs hybrides et des techniques associées. Il avait ramené une caméra et des films couleur des Etats-Unis et avait réalisé, avec un ingénieur agronome, un film sur le maïs hybride, qu’ils diffusaient dans les villages. Le maire, le curé, les notables et les agriculteurs étaient conviés à la projection, qui leur vantait les mérites de la plante. Et, pour être sûrs que l’assemblée fût nombreuse, pour être sûrs de faire passer leur message et que tous y adhérent, ils diffusaient, avant ce film promotionnel, un, voire deux courts films de Chaplin... Voici, à titre d’exemple, l’une des méthodes qui furent employées pour que les agriculteurs se lancent définitivement et durablement dans la culture du maïs... »

(1) Maladie carentielle due à un déficit en vitamine PP ou niacine.

Contribution de Maryse Carrareto, anthropologue, membre associé au Centre d’anthropologie de Toulouse

Lire la note de lecture autour de l’ouvrage de Maryse Carraretto Histoire du maïs : d’une divinité amérindienne à ses avatars transgéniques » (Editions Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 2005) sur le site du Magazine web de la Mission Agrobiosciences

Accéder à l’ensemble des actes de l’Université d’été de Marciac édités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences

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