Les dernières données sur le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles
Un article issu du BE Etats Unis 333 en date du 31 mai 2013
Le Syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles (Colony Collapse Disorder - CCD), qui se caractérise par une soudaine disparition de toutes les abeilles adultes d’une colonie est observé aux Etats-Unis depuis 2006. Un rapport du Département américain de l’Agriculture (USDA), paru en 2010 (2010 Colony Collapse Disorder Progress Report), avait conclu, sur la base de travaux de recherche, que de multiples facteurs seraient à l’origine du CCD et agiraient individuellement ou en combinaison. En mai 2013, l’USDA et l’Agence de Protection de l’Environnement (EPA) ont publié un nouveau rapport scientifique sur l’état de santé des colonies d’abeilles aux Etats-Unis [1]. Ce rapport répertorie les facteurs qui seraient impliqués dans la diminution des colonies d’abeilles, parmi ceux-ci l’alimentation inadéquate, l’exposition aux pesticides, les parasites et les maladies, ainsi que les facteurs génétiques.
Comme le souligne la secrétaire adjointe à l’Agriculture Kathleen Merrigan, ce sont d’une part la population (densité) et d’autre part la bonne santé des abeilles qui permettent d’assurer la pérennisation de la productivité agricole à long terme aux Etats-Unis. Selon Edward B. Knipling, administrateur des Services de Recherche Agricole (ARS), près de 130 types de cultures aux Etats-Unis sont dépendantes de la pollinisation, ainsi que 30% des aliments et des boissons produits. L’intervention des abeilles apporterait une valeur ajoutée estimée à 25 milliards de dollars dans la production agricole chaque année [2].
Le rapport publié par l’USDA et l’EPA fait suite à une rencontre tenue dans l’état de Virginie en octobre 2012, et organisée conjointement par le Comité du Syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles (CCD Steering Committee, constitué en 2006 suite à l’apparition du Syndrome), et l’université de Pennsylvanie. Cette réunion a rassemblé des apiculteurs, des scientifiques issus de milieux industriels, universitaires ou gouvernementaux, des fabricants de matériels apicoles, des groupements de producteurs, des fabricants de pesticides, et des représentants des gouvernements des Etats-Unis, du Canada et de l’Europe. Les objectifs étaient de faire le point sur les connaissances actuelles relatives aux colonies d’abeilles, de favoriser le développement et la mise en place de bonnes pratiques de gestion agricole, et d’identifier les sujets prioritaires de recherche et de formation des parties prenantes.
Ce rapport présente les dernières données, issues des travaux de recherche soutenus par l’USDA, l’EPA ainsi que de partenaires publics et privés, concernant la population des abeilles. Les principales recommandations de ce rapport sont les suivantes :
=> Diminuer les risques sanitaires liés aux parasites et aux maladies : Le parasite nommé "le varroa" (Varroa destructor), que nous évoquions dans un précédent communiqué [3], est reconnu comme le principal facteur lié à la perte de colonies d’abeilles aux Etats-Unis et dans d’autres pays. Ce parasite résiste également aux produits chimiques utilisés par les apiculteurs afin de lutter contre les acariens dans les ruches. Par ailleurs, de nouvelles espèces de virus ont été identifiées aux Etats-Unis (telles que Israeli Acute Paralysis Virus ou Kashmir Bee Virus) et plusieurs d’entre elles ont été associées au CCD.
=> Augmenter la diversité génétique pour assurer la survie : Du côté des colonies d’abeilles domestiques, la consanguinité a affaibli la résistance des abeilles aux maladies et a réduit leur productivité dans les ruches. Il serait profitable d’accroître la diversité génétique de ces abeilles afin d’améliorer leur capacité de thermorégulation par exemple (capacité à maintenir la température corporelle constante en fonction de l’environnement), leur résistance aux maladies ou encore leur productivité.
Pour les abeilles d’élevage, les caractères génétiques à modifier concerneraient principalement le comportement hygiénique des abeilles (entretien du couvain qui présenterait des symptômes associés à une infection) qui leur confère une meilleure résistance au varroa et aux maladies (telle que la loque américaine, causée par la bactérie de l’espèce Paenibacillus larvae, et qui provoque la destruction du couvain).
=> Optimiser l’alimentation des abeilles : L’alimentation de l’abeille et son état nutritionnel ont un impact majeur sur sa santé ainsi que sur la longévité de la colonie. Une alimentation non appropriée pourrait la rendre plus vulnérable en raison de l’absence du renouvellement des bactéries intestinales qui jouent un rôle clé dans la détoxification des produits chimiques au sein de l’organisme et plus généralement pour la protection contre les maladies. D’après le rapport, c’est aux partenaires fédéraux et aux états d’envisager des actions relatives à la gestion des terres afin, premièrement, de protéger les abeilles en les éloignant d’une distance suffisante des cultures traitées avec des pesticides et, deuxièmement, d’apporter une alimentation (miel, pollen et eau) de bonne qualité nutritionnelle permettant de renforcer la santé des abeilles.
=> Améliorer la collaboration et le partage d’informations : Une communication claire et coordonnée entre les agriculteurs et les apiculteurs est nécessaire afin de mettre en place une collaboration efficace pour protéger les abeilles contre les pesticides notamment. Les apiculteurs ont souligné la nécessité d’établir des rapports précis et en temps opportun relatant les actions mises en place par les agriculteurs, les actions de surveillance et les incidents survenus.
=> Poursuivre les recherches afin d’évaluer les risques liés aux pesticides : Les questions principales liées aux pesticides concernent la détermination de la durée d’exposition et des effets produits sur les abeilles présentes aux alentours du champ de culture, ainsi que l’impact sur la santé et la productivité des colonies d’abeilles.
Ce rapport va donner lieu à un nouveau plan d’actions qui sera établi par l’USDA et l’EPA d’ici le début de l’année 2014. Une mise à jour de ce rapport est prévue dans les 5 à 10 ans à venir.
En France, le dernier rapport complet de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES) concernant l’effondrement des colonies d’abeilles date de novembre 2008 [4]. Cette étude présentait les principales pathologies rencontrées chez les abeilles (loque américaine) et les causes de ces maladies (facteurs biologiques, parasites, champignons, ...), chimiques (produits phytopharmaceutiques) et environnementaux (alimentation, climat, ...). Ce rapport précise les recommandations destinées à mieux appréhender l’état sanitaire de la filière, notamment grâce à la mise en oeuvre d’une meilleure épidémiosurveillance, à l’amélioration de l’organisation de la filière (en particulier avec la création d’un institut technique apicole), et à l’acquisition de nouvelles connaissances par des travaux de recherche appliquée.
Depuis la publication de ce rapport, plusieurs études ont été réalisées principalement sur l’impact d’agents physiques, chimiques ou environnementaux définis sur les colonies d’abeilles (résidus de pesticides dans les plants de maïs, effet du parasite Nosema ceranae, ...).
En 2013, l’agence a mis en place un groupe de travail d’expertise collective et multidisciplinaire qui réunit diverses compétences concernant les abeilles, l’apiculture, l’écotoxicologie, ou encore la recherche des contaminants physico-chimiques. Les travaux qui seront réalisés par ce groupe ont pour objectif de déterminer l’effet d’agents pathogènes sur l’abeille ainsi que sur la colonie, d’étudier les effets de co-exposition à des agents pathogènes et à des substances chimiques (pesticides, ...), et d’évaluer les valeurs toxiques entre les facteurs infectieux et les durées d’exposition. Ces contributions pourraient déboucher sur l’émission de recommandations en matière de pratiques apicoles et/ou agricoles en France, tout comme le rapport de l’USDA et de l’EPA qui va donner lieu à la mise en place d’un plan d’actions.
Rédacteurs :
- Cécile Camerlynck, deputy-agro.mst@consulfrance-chicago.org
- Adèle Martial, attache-agro.mst@consulfrance-chicago.org
Lire également sur le site de la Mission Agrobiosciences
- Etats-Unis : les néonicotinoïdes ne font pas un tabac chez les abeilles…, une revue de presse du 9 avril 2013