Face au tremblement de terre qui dévasta Lisbonne en 1755 et fit plusieurs milliers de morts, la réaction des meilleurs esprits de l’époque fut unanime et confiante : grâce aux futurs progrès des sciences et des techniques, une telle catastrophe pourrait, à l’avenir, être évitée. Aujourd’hui, changement de décor. Aux antipodes de l’optimisme des Lumières, nous ne décrivons plus les avancées de la science comme un progrès, mais comme une chute hors de quelque paradis perdu.
Le processus a été ouvert par la question du nucléaire, qui mêle inextricablement l’idée d’une révolution scientifique majeure, celle d’une ressource énergétique considérable, et celle d’une formidable puissance de mort. Depuis, les controverses se sont intensifiées, diverses dans leur nature, différentes dans leurs enjeux, à l’occasion des O.G.M., de la crise de la vache folle, des débats sur le clonage, du réchauffement climatique : tout se passe désormais comme si les progrès accomplis dans l’étendue des savoirs et la puissance des techniques devaient se payer, à chaque fois, de risques accrus qui alimentent à leur tour l’inquiétude et la défiance ? S’agit-il de notre part d’un reniement ou d’un sursaut de lucidité ?
Par Etienne Klein, connu pour ses travaux de physicien sur le temps.