La destruction projetée du virus de la variole créée la controverse
Issu du Bulletin électronique des Etats-Unis [1] du 2 mai 2011
En mai 2011, se tiendra une réunion des délégués de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) afin de statuer sur la destruction ou la conservation du virus de la variole qui a ravagé l’humanité pendant près de trois millénaires. A la suite d’une décennie de campagne de vaccination par l’OMS, l’éradication de la variole est sans doute la plus grande réussite de santé publique moderne, le dernier cas naturel étant survenu en octobre 1977 en Somalie. C’est la seule maladie humaine à avoir été éradiquée et ceci grâce à la vaccination. Parfois décrite comme la maladie la plus dévastatrice de l’histoire de l’humanité, la variole a pour seul et unique hôte l’homme et environ un tiers des personnes infectées succombent à la maladie.
Le débat sur la destruction des deux derniers échantillons conservés par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) à Atlanta aux Etats-Unis et le laboratoire gouvernemental russe VECTOR a débuté dans les années 1980, lorsque la maladie a été déclarée éradiquée par l’OMS. La difficulté lors des discussions était de savoir si les informations recueillies sur le virus seraient suffisantes pour empêcher la contamination de la maladie si le virus venait à apparaître une nouvelle fois.
La conservation du virus aurait plusieurs avantages dont la possibilité de prévenir ou traiter une épidémie, s’il était réintroduit par des bioterroristes, resurgissait naturellement ou était synthétisé en laboratoire. La destruction du virus, quant à elle, aurait pour but d’empêcher toute dissémination accidentelle.
La politique
Théoriquement, tout le monde s’accorde sur le fait que le virus doit être détruit. Le débat se situe autour de la date de destruction du virus. Ainsi, les Etats-Unis et la Russie, pays possédant les deux échantillons restants semblent être rétissants à établir une date de destruction.
Bill Hall, porte-parole du ministère américain de la Santé a déclaré que "Les Etats-Unis sont entièrement d’accord pour que ces échantillons soient détruits. Cependant, nous pensons que le moment de destruction est essentiel et nous croyons fermement que l’OMS devrait maintenir en état les échantillons jusqu’à ce que les recherches scientifiques nécessaires soient achevées." Le chef de la santé russe, Gennady G. Onishchenko, a adopté une position similaire, pensant qu’il serait prématuré et même dangereux d’éliminer les souches virales. Certains scientifiques soutiennent également que le virus de la variole doit être conservé pour étudier son mécanisme d’infection particulier selon lequel il cible spécifiquement le système immunitaire humain. D’autres maintiennent que les ADN de 49 souches ayant été catalogués, la conservation du virus n’est plus nécessaire, les recherches pouvant se baser sur les données répertoriées.
L’Assemblée mondiale de la Santé a décidé en 1999 de maintenir le virus afin d’améliorer le vaccin existant qui déclenche trop d’effets secondaires indésirables. La conservation du virus sert aussi au développement de médicaments antiviraux (dont deux sont en voie d’approbation par la Food and Drug Administration) qui visent à traiter les personnes déjà infectées lors d’une réapparition potentielle de la maladie.
Mais quels sont véritablement les risques liés au virus de la variole ?
Dissémination non volontaire du virus
Tout d’abord, la destruction du virus éliminerait la possibilité de dissémination accidentelle comme en 1978 où un rejet accidentel avait fait un mort dans un laboratoire à l’Université de Birmingham. Néanmoins, le virus est présent dans des malades inhumés en terres gelées lors d’épidémies en Sibérie ou en Alaska. Si ces corps venaient à être exhumés, avec la hausse des températures par exemple, le virus pourrait resurgir.
Le bioterrorisme
En 1990, le délai de destruction des deux derniers échantillons avait été fixé à 1993 par l’OMS. Mais en 1994, il est apparu que l’ex-Union soviétique avait réalisé des travaux pour l’utilisation de la variole en arme biologique. Depuis, la destruction des stocks a été reportée à plusieurs reprises en invoquant la possibilité que le virus puisse être détenu par d’autres pays et la nécessité de mener des recherches plus poussées sur ce virus. Les Etats-Unis sont réticents à détruire le virus en cas de stocks non déclarés dans des pays comme la Corée du Nord et l’Iran qui ont nié posséder le virus.
Avant de 11 septembre 2001, la destruction des stocks du virus était envisagée par les Etats-Unis, mais en février 2011, le Wall Street Journal déclarait que des inspections en Irak en 2003 et en 2004 avaient fourni des renseignements suggérant que le virus y était présent. D’où la nécessité de conserver des échantillons du virus et de continuer les recherches sur médicaments et vaccins pouvant contrer la maladie si une épidémie ressurgissait. Depuis 2001, les Etats-Unis ont dépensé 1,8 milliards de dollars pour la variole, principalement pour l’achat de vaccins. Ainsi, le gouvernement a stocké plus de 300 millions de doses, assez pour que chaque américain soit vacciné en cas d’épidémie car depuis 1980, les vaccinations ont été stoppées. "S’il était détruit, alors par la suite, des scientifiques détenant le virus de la variole seraient accusés de crime contre l’humanité", a déclaré le Dr Henderson, ancien directeur de la campagne d’éradication de la maladie.
Synthèse du virus de la variole
En 2002, l’équipe d’Eckard Wimmer à l’Université Stony Brook à New York a produit le premier virus synthétique (poliovirus) en s’appuyant uniquement sur des informations trouvées sur Internet. Cette évolution soulève la possibilité que, même après sa destruction, le virus de la variole pourrait être créé dans un laboratoire par des bioterroristes. E. Wimmer milite en faveur de la destruction du virus de la variole car sa synthèse est particulièrement coûteuse et complexe. Elle nécessite aussi un grand volume de travail et un haut niveau de confinement afin que le virus ne se propage pas dans l’environnement.
Néanmoins, si un groupe terroriste avait les moyens nécessaires pour développer, lyophiliser et répandre le virus de la variole, une attaque bioterroriste réussie pourrait rapidement entraîner une épidémie irréparable dans leur pays d’origine. En effet, une fois le virus présent dans le pays cible, les voyageurs le disperseraient rapidement tout autour du monde.
Les maladies en voie d’éradication
Actuellement, plusieurs maladies font l’objet de programmes d’éradication :
- la poliomyélite est une maladie virale contagieuse touchant le cerveau où une vaccination orale est disponible. En 2009, on comptait encore 1606 cas.
- la dracunculose ou maladie du ver de Guinée comptait en 2010, 1797 cas confirmés, principalement en Afrique. Cette maladie, qui touche uniquement l’homme, est transmise par ingestion d’eau contaminée par un malade et devait être éradiquée en 2009.
- la filariose lymphatique se propage grâce à un parasite porté par un moustique. L’homme est le seul hôte connu et aucun vaccin n’est disponible contre cette maladie qui devrait disparaître d’ici 2020.
- La rougeole fait partie d’un plan d’éradication déclaré en 2010. Cette maladie virale extrêmement contagieuse et touchant essentiellement les enfants devrait être éradiquée d’ici 2015 même s’il est prévu qu’elle fasse 500.000 morts en 2012.
La tuberculose est une maladie qui fait 2 millions de morts par an et qui pourrait être éradiquée. La difficulté vient du traitement qui repose sur la prise de plusieurs médicaments pendant au moins six mois et aucun vaccin n’a été mis au point pour la tuberculose pulmonaire, forme la plus courante de la maladie.
Certaines maladies infectieuses ne seront probablement jamais éradiquées, du moins par des campagnes de vaccination. La grippe, dont le virus mute chaque année et où le vaccin perd son efficacité est un cas parmi d’autres. La paludisme est, lui, transmis par un parasite transporté par un moustique, devenu résistant à l’insecticide utilisé afin de l’éliminer. Ainsi, les programmes d’éradication doivent être internationaux afin de maximaliser leur efficacité. De plus, des facteurs sont favorables à l’éradication d’une maladie : ainsi, si une maladie a pour seul hôte l’homme, que le virus a une courte durée de survie et qu’une vaccination efficace est disponible, alors la maladie sera plus facilement éradiquée.
Rédacteur : Johanna Ferrand
Lire sur le site de la Mision Agrobiosciences
- Bio-terrorisme : des menaces fort empoisonnantes ?, une interview de François Bricaire, chef du Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital de la Salpêtrière.