21/06/2013
Revue de presse du 21 juin 2013. Le rapport Inserm sur les pesticides et la santé humaine.
Mots-clés: Pesticides , Santé

De quoi en faire toute une maladie... (revue de presse)

Malgré le lancement du plan Ecophyto en 2008 pour diviser par deux l’usage de pesticides d’ici 2018, la France reste l’un des plus gros consommateurs mondiaux de produits phytosanitaires. Leur utilisation a même augmenté de 2,5% en 2011. Le 13 juin dernier, l’Inserm publiait une expertise commandée par la Direction générale de la santé (DGS), pour laquelle un groupe pluridisciplinaire d’experts (épidémiologistes, biologistes spécialisés en toxicologie…) a parcouru la littérature scientifique internationale des trente dernières années afin de déterminer les conséquences de l’exposition aux pesticides sur la santé.

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Au-delà du cercle des agriculteurs

15% des Français seraient directement concernés : les fabricants ou utilisateurs directs de pesticides, mais aussi ceux vivant ou travaillant à proximité des zones agricoles (Le Monde). Sans oublier qu’environ 10% des pesticides sont utilisés par des particuliers ou des communes pour l’entretien de jardins privés et de parcs publics. « Qu’il s’agisse d’expositions professionnelles ou environnementales, ces substances pénètrent dans l’organisme selon trois voies : la voie cutanée, la voie digestive (ou orale) et la voie respiratoire » d’après le rapport. Si, en milieu professionnel, l’exposition se fait à 80% par voie cutanée, c’est la voie orale (principalement par l’ingestion d’aliments ou d’eau contenant des résidus de pesticides) qui prime pour le reste de la population.

En mars dernier déjà, 85 professionnels de la santé tiraient le signal d’alarme en Limousin et déclaraient avoir trouvé une relation entre l’utilisation des pesticides et certaines pathologies comme la maladie de Parkinson ainsi que plusieurs types de cancer. Ils réclamaient la mise en place de mesures de précaution, parmi lesquelles l’instauration d’une distance de sécurité entre exploitations agricoles et habitations, de même que l’interdiction définitive des épandages aériens.

« Présomption moyenne » de lien avec plusieurs pathologies

L’UIPP (Union des industries de la protection des plantes), qui représente les producteurs de pesticides, peut-elle vraiment affirmer que la population agricole est globalement en meilleure santé que les autres ? Pas selon le blog du Monde « Mieux vaut prévenir ». En effet, si certains cancers très fréquents touchent moins les agriculteurs (cancers du poumon, de la vessie, du foie), d’autres, comme ceux du cerveau et de la prostate, les lymphomes et les myélomes, seraient au contraire beaucoup plus répandus chez eux. Comment l’expliquer ? Les agriculteurs seraient moins sédentaires, mais aussi moins fumeurs que les urbains. En revanche, les cancers plus fréquents dans leur catégorie pourraient bien être causés par les pesticides…

Notons ainsi qu’une association positive entre exposition aux pesticides et cancers de la prostate, lymphomes non hodgkiniens, myélomes multiples, et maladie de Parkinson a été trouvée. Si la maladie de Parkinson avait déjà été reconnue comme maladie professionnelle par la Mutualité sociale agricole en mai 2012, les liens avec le développement prénatal sont inédits : le rapport conclut à une augmentation des risques de morts fœtales, de malformations et de leucémies en cas d’exposition de l’un des deux parents aux pesticides. Qui plus est, certains produits peuvent porter atteinte à la fertilité masculine, tandis que pour les femmes, cela « mériterait d’être mieux étudié ».

Le syndrome du réverbère

D’autres résultats sont moins concluants, comme ceux concernant les cancers des testicules ou du cerveau, notamment en raison d’une trop faible incidence dans les populations étudiées. Cependant, les experts soulignent bien que « ne pas être mesure de conclure ne veut pas dire obligatoirement qu’il n’y a pas de risque ». Ils rappellent ainsi que de nombreuses substances actives n’ont pas été suffisamment étudiées, et encouragent la mise en place de recherches pluridisciplinaires pour caractériser d’éventuels dangers supplémentaires. C’est d’ailleurs ce que Jean-Paul Moatti, directeur de l’Institut thématique « Santé publique », qualifie de « syndrome du réverbère, où l’on ne regarde que ce qui est éclairé ». « De futurs travaux pourraient découvrir des effets insoupçonnés des pesticides analysés, ou mettre en évidence la toxicité d’autres substances », précise-t-il au Monde.

Des préconisations à appliquer d’urgence

Les quelques recommandations qui concluent le rapport préconisent notamment de prendre des précautions particulières pour limiter l’exposition des femmes enceintes et des enfants. Et surtout, de dévoiler la composition complète des produits mis sur le marché, alors qu’elle est aujourd’hui protégée par le secret industriel (blog Sciences² de Libération).

Pour François Veillerette, porte-parole de Générations Futures, cette expertise nécessite « une action publique forte et rapide […] pour qu’à terme les collectivités publiques n’utilisent plus ces produits et que ceux-ci ne soient plus vendus aux utilisateurs non professionnels ». Un usage interdit aux particuliers ? Certaines enseignes ont d’ores et déjà décidé de ne plus vendre de pesticides, à l’instar de la jardinerie Botanic depuis 2008, et des E. Leclerc de Bretagne, qui retireront ces substances de leurs rayons avant l’automne.

Un point de non-retour ?

De son côté, Jean-Charles Bocquet, Directeur général de l’UIPP, affirme que « les molécules suspectées de lien avec des pathologies ont été retirées du marché depuis plusieurs années » et loue une « procédure d’autorisation de mise sur le marché qui […] est la plus robuste au monde ». Quant aux produits dangereux mais encore autorisés, l’UIPP explique que leur utilisation est très encadrée et que « les risques annoncés existent mais sont gérés ». Des propos dénoncés par Paul François, président de Phyto-victimes, pour qui « les recommandations d’utilisation sont inapplicables, sauf à travailler en tenue de cosmonaute, et les fabricants le savent. »

Retirer les produits du marché pourrait-il suffire ? Le problème est plus complexe, puisque certains produits demeurent présents dans l’environnement jusqu’à plusieurs décennies après leur interdiction. Pour le député socialiste Gérard Bapt « ce travail montre l’ampleur du problème en matière de santé publique. La question est de savoir si […] nous n’avons pas dépassé le point de non-retour ».

Les ministères de la Santé, de l’Ecologie comme de l’Agriculture ont réagi dans un communiqué commun en déclarant avoir saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) « afin qu’elle évalue l’impact de ces nouvelles données sur les autorisations nationales existantes ».

Une revue de presse de Juliette Baralon, stagiaire à la Mission Agrobiosciences.


Sources

Le Monde, Libération, Générations Futures, Rapport Inserm...

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