Mise en bouche : Alzheimer, la truite et le requin
La mise en bouche de l’émission radiophonique mensuelle "Ça ne mange pas de pain ! " de janvier 2012, consacrée aux défis de la pêche et de l’aquaculture.
Consommer du poisson au moins une fois par semaine
Pour cette spéciale pêche et aquaculture, une bonne nouvelle : une étude réalisée à Pittsburgh et relatée par le Figaro [1] confirme que la consommation de poisson, au moins une fois par semaine, réduirait le risque de détérioration des facultés cognitives. Vous l’aurez compris, c’est un espoir dans la prévention de maladies comme celle d’Alzheimer et des démences apparentées. Et ce n’est pas rien, sachant que les malades atteints de ces pathologies devraient doubler en 20 ans, passant de 35,6 millions à plus de 65 millions en 2030.
Au four ou à la poêle, mais pas frit
Donc du poisson au moins une fois par semaine, mais cuit au four ou à la poêle. Dans ce cas, les neurones de la matière grise du cerveau restent résistants, grands et en bonne santé. En revanche, le poisson frit ne montre pas les mêmes signes de protection contre le déclin des facultés intellectuelles, certainement parce que les Omégas 3, molécules assez fragiles, sont détruits à la cuisson. Petit rappel : les poissons gras riches en Omégas 3 sont le saumon, le flétan, le hareng, le maquereau, les anchois et les sardines, mais aussi le thon.
Au rayon surgelés, la truite c’est du goujon
Résolution de début d’année, vous décidez de manger du poisson une fois par semaine. Reste que – le poisson frais se conservant assez mal-, comme beaucoup de consommateurs vous préférez les produits surgelés ou déjà cuisinés. Mais il y a un hic.
Courrier International [2] se fait l’écho d’une enquête assez stupéfiante réalisée aux Etats-Unis et en Europe : au rayon surgelés, quand le consommateur achète de la truite, en réalité il s’agit souvent de goujon.
Comme l’indique le journal, « l’étiquetage frauduleux des produits de la mer va bon train dans les supermarchés et les restaurants. Bien souvent, le client se voit servir du poisson bon marché en lieu et place de filets coûteux, et il retrouve dans son assiette des espèces menacées par la sur-pêche qu’on lui présente comme du poisson aux stocks pléthoriques. La perche du Nil est étiquetée comme du requin. Le mahi-mahi [ou dorade coryphène] est en fait de la sériole. Quant au tilapia, véritable Meryl Streep des poissons, il peut jouer presque n’importe quel rôle. »
Pour lutter contre ces pratiques malhonnêtes, les inspecteurs de la concurrence et des fraudes utilisaient jusque-là la technique du profil protéique pour identifier les poissons en laboratoire. Des techniques lourdes, peu fiables et chères, qui devraient petit à petit être remplacées par des tests ADN. Selon l’article, « le séquençage de l’ADN devient de plus en plus accessible. […] à en croire certains scientifiques, il existera d’ici cinq ans des systèmes de séquençage à la portée de tous, et dans dix ans certains inspecteurs seront munis de détecteurs portatifs ». Qu’on se le dise !
Petit quizz étymologique
Et puisque nous venons de parler du requin, connaissez-vous l’origine de son nom ? Certains pensent qu’il se rapproche de requiem, comme s’il était urgent de faire sa prière quand on tombe nez à nez avec un requin !
Plus raisonnable, la deuxième étymologie voit l’origine de requin dans « quin » ce qui, en normand et en picard, signifie « chien », le « re » étant un superlatif formant ainsi le mot « re-quin ». Le requin est ainsi comparé au chien, pour sa mâchoire mais aussi pour son flair et ses talents de chasseur.
Du côté des poissons d’eau douce, prenons le brochet. Lui aussi est catalogué de poisson denté, « brochus » signifiant le croc en latin. Il s’agit d’ailleurs de la même racine pour la « broche » ou le verbe « brocarder ».
Certains poissons ont hérité de noms imagés. Par exemple, le maquereau (mackerel en anglais) vient probablement du fait qu’il jouait les entremetteurs avec les harengs… ! La racine de « maquerelle » est donc bien antérieure à l’appellation du poisson.
Quant au gardon, il doit son nom au simple fait qu’il tourne toujours au même endroit, donnant l’impression de garder quelque chose. De même pour le grondin qui, comme son nom l’indique, grogne, ce qui n’est pas commun chez des poissons habituellement muets comme... des carpes.
Toutes ces informations sont tirées de la « Fabuleuse histoire du nom des poissons, du petit poisson clown au grand requin blanc » [3]. Les deux auteurs, la linguiste Henriette Walter et Pierre Avenas, y donnent l’origine de quelques 250 noms de poissons et quelques recettes.
Lire sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement) :
- Pêche et aquaculture : les pouvoirs publics montent au filet. Une interview de Philippe Mauguin, directeur des pêches maritimes et de l’aquaculture, ministère de l’agriculture. Janvier 2012.
- Et si l’huître devenait une perle rare ?…. Une interview de Jean-Pierre Baud, biologiste, coordinateur Transversal Conchylicole à l’Ifremer. Janvier 2012.
- La vente d’huîtres de nouveau interdite : colère à Arcachon. Mortalité juvénile inquiétante dans l’ensemble des parcs. Revue de presse de MAA, 12 août 2008.
- Alimentation et société. "La mer au secours du cancer ?". Une interview de Philippe Bougnoux, cancérologue, chercheur à l’Inserm (U921), avril 2010.
- Alimentation et société : "Amour et crustacés". Chronique "Le ventre du monde" de Bertil Sylvander, sociologue et économiste. Avril 2009.