04/07/2014
Alimentation et Société
Mots-clés: Elevage

Mangez, Pierre Weill s’occupe du reste !

ouionatousledroitdebienmanger.fr

Fraîchement sorti des presses en février 2014, le nouveau livre de Pierre Weill apporte du neuf dans la sauce. Après, Tous gros demain, 40 ans de mensonges, 10 kilos de surpoids, (Plon, 2007) et Mon assiette, ma santé, ma planète (Plon, 2010), l’ingénieur agronome et entrepreneur revient, avec Mangez on s’occupe du reste (Plon, 2014), sur le fil sensible de l’alimentation. Le sujet mille fois traité trouve ici un axe singulier : celui de l’alimentation des animaux d’élevage. Sans passer outre les problématiques alimentaires que l’on connaît (tromperies, mal-bouffe, rupture des liens consommateurs producteurs…) Pierre Weill dit vouloir éclairer le débat sous des lumières nouvelles. Une note de lecture du 4 juillet 2014, par Maxime Crouchez-Pillot, stagiaire à la Mission Agrobiosciences.

Mangez, Pierre Weill s’occupe du reste !

Fraîchement sorti des presses en février 2014, le nouveau livre de Pierre Weill apporte du neuf dans la sauce. Après, Tous gros demain, 40 ans de mensonges, 10 kilos de surpoids, (ed Plon, 2007) et Mon assiette, ma santé, ma planète (ed Plon, 2010), l’ingénieur agronome et entrepreneur revient, avec Mangez on s’occupe du reste (ed Plon, 2014), sur le fil sensible de l’alimentation. Le sujet mille fois traité trouve ici un axe singulier : celui de l’alimentation des animaux d’élevage. Sans passer outre les problématiques alimentaires que l’on connaît (tromperies, mal-bouffe, rupture des liens consommateurs producteurs…) Pierre Weill dit vouloir éclairer le débat sous des lumières nouvelles. Une note de lecture du 4 juillet 2014, par Maxime Crouchez-Pillot, stagiaire à la Mission Agrobiosciences.

Petite histoire alimentaire

1900-1950 : l’exode rural et la course à la ville, les campagnes se vident pour s’équiper d’engins modernes, d’outils plus efficaces et de techniques chimiques aux apparences merveilleusement plus rentables. Les terroirs s’étiolent, les traditions culinaires s’estompent. Au fur et à mesure, les citadins perdent la tradition des repas préparés, composés pour affermir les défenses du corps et garder la santé sur de bons rails. L’industrie agroalimentaire prend le relai et sert ses plats préparés… usinés ; le lien entre consommateur et producteur est rompu. Pierre Weill analyse cette rupture, qui engendre d’après lui plusieurs problèmes liés : agriculture chimique productiviste, appauvrissement nutritif des repas, dégradation de la santé publique, croissance de l’industrie pharmaceutique, manipulation de masse… « La boucle est bouclée, des médicaments du sol aux médicaments des hommes, la chimie compense massivement les erreurs d’une chaîne alimentaire pervertie »(63). Exemples à l’appui, Pierre Weill soutient que l’industrie pharmaceutique manipule l’opinion ; détournement d’informations, mise sous silence, amplifications sont, d’après lui, autant de moyens efficaces pour booster les ventes de médicaments : « la manipulation remplace la science à coup d’études tronquées »(127). Selon lui le vrai problème est caché : les moyens de production alimentaire ne sont pas adaptés pour une alimentation saine. Une analyse intéressante…Aux couleurs d’un complot pharmaceutique.

Quand il faut faire un choix…

Voilà de quoi se gratter la tête ! Comment faire alors, si on le suit, pour faire le bon choix, pour éviter le piège publicitaire ou la propagande pharmaceutique ? L’auteur donne son sentiment : « Il n’y a pas de mauvais aliments, explique-t-il, il peut y avoir en revanche des comportements alimentaires nuisibles »(94). Pourtant, pas question de favoriser le « bio » ou le non-« bio », le « plein air » ou le « en cage ». Au contraire, il veut précisément montrer les défauts de ces appellations, pour en montrer l’incohérence. Après avoir expliqué le rôle protecteur des nutriments (équilibre oméga-3 et oméga-6) qui devraient, d’après ses études [1], monter la garde dans l’assiette du consommateur, l’ingénieur agronome donne sa version sur leur disparition. Il explique que la qualité des produits carnés serait très liée avec la qualité alimentaire des bêtes. En détaillant, sans en faire trop, les métabolismes animaux, Pierre Weill dénonce la mal-bouffe animale : nourrir les bêtes avec des aliments inadéquats (c’est à dire sans les nutriments nécessaires au corps humain et animal), cela équivaut à mal nourrir les hommes. Pour l’imager il prend un certain nombre d’exemples, principalement axés sur la présence et le rôle des oméga-3 dans l’alimentation animale. Un débat qui rappelle des histoires… folles.

Sciences et conscience ?

Son analyse sur l’importance des nutriments lui permet d’introduire l’éconutrition. « C’est une science neuve. On n’exprime plus les facteurs d’impact (c’est à dire les nuisances sur l’environnement) par kilogramme de viande, de lait ou de pain seulement, mais en intégrant aussi la qualité nutritionnelle du pain, du lait et des viandes. C’est à dire par kilogramme d’aliment équilibré et de calorie bien pourvue en nutriment »(94). Le lecteur fait des découvertes surprenantes : « la production de tomates de nos repas cause trois fois plus de gaz à effet de serre que la production de bœuf »(96). Reste à savoir de quelles tomates et de quels bœufs il s’agit… Mais l’idée reste intéressante.

De nouveaux chemins à suivre

Cofondateur du label Bleu-Blanc-Cœur (BBC), P. Weill valorise cette association et la présente comme une des pistes existantes pour répondre aux enjeux sanitaires. Favorisant une alimentation animale saine et riche en nutriments, BBC propose d’après lui, des produits aux qualités nutritives supérieures. Si on met de côté cette promotion pour son association, on comprend qu’il essaye de clarifier le problème en proposant ses solutions. Une agriculture sans pesticides, locale et sans OGM, une alimentation animale riche en nutriments ; il idéalise l’autosuffisance alimentaire individuelle, comme une sorte d’« exode urbain » vers les campagnes pour se les réapproprier. Un modèle qui fait rêver… idéalement.

Place au débat !

Pierre Weill ne prétend pas apporter la recette miracle qui libérera le monde de ses angoisses alimentaires. Pourtant, Mangez, on s’occupe du reste, donne une vision claire, dans un style fluide, de la mutation de l’alimentation humaine dans notre société. C’est en s’appuyant sur des études scientifiques personnelles ou collectives qu’il essaye de faire la part du vrai et du faux dans cet amas d’informations. Le public trouvera dans ce livre, non pas les solutions exhaustives, mais matière à réfléchir sur la composition des assiettes et sur les loufoqueries qui se trament autour du marché de l’agroalimentaire. Un point de vue qui mérite d’être débattu à l’heure où les problématiques autour de l’alimentation mondiale vont bon train et où la question du nourrir la planète est centrale et loin d’être définitivement résolue.

Une note de lecture du 4 juillet 2014, de Maxime Crouchez Stagiaire à la Mission Agrobiosciences.


Note de lecture

L’article est consultable sur le site du Lancet (en anglais, sur abonnement)-

Lire les nombreux articles et publications sur le thème "Vache Folle et crises alimentaires"- édités par le magazine Web de la Mission Agrobiosciences

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[1Schmitt B., Ferry, C., Daniel, N., Weill P., Kerhoas N. & Legrand P. (2006), “ Effet d’un régime riches en acides gras oméga-3 et en CLA ç-cis, 11-trans sur l’insulinorésistance et les paramètres du diabète de type 2“, Oléagineux Corps Gras Lipides, 13(1), 70-75, est un exemple d’une de ses sources.

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