23/05/2014
Revue de presse du 23 mai 2014

Levée des restrictions alimentaires en provenance du Japon : silence radio ?

Alors qu’en ce moment les yeux sont (plus ou moins) rivés sur l’arrêt de la décontamination des eaux radioactives de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon, une information, ravivée par la venue du Premier Ministre Japonais en France, semble avoir échappé à beaucoup d’entre nous, ainsi qu’à la plupart des médias. Sauf que les informations en la matière sont sans doute à manier avec des baguettes... Une revue de presse de Victor Zylberberg, stagiaire à la Mission Agrobiosciences.

Le thé entre en fusion ?
Comme le mentionne le communiqué de presse de l’Elysée, publié à l’occasion de la visite début mai du Premier Ministre Japonais Shinzō Abe, « Le Japon se félicite de la compréhension de la France pour une révision des mesures de restriction de l’UE (...) concernant le nucléide radioactif dans les produits alimentaires et les fourrages provenant du Japon ».
En effet, « l’Union européenne a prévu d’importer à partir du 1er avril 2014 des denrées alimentaires produites dans les préfectures de Tokyo et Kanagawa ainsi que les feuilles de thé vert récoltées dans la préfecture de Shizuoka sans mesurer leur niveau de radiation », rapporte l’agence de presse japonaise Jiji Press. Vous ne le saviez pas ? Nous non plus.
Du coup, Europe Ecologie - Les Verts (EELV) dénonce un « accord aussi scandaleux qu’irresponsable ». Puisque le Japon félicite la France pour sa compréhension dans cette décision, EELV déduit, dans des propos rapportés par le mensuel Terra Eco, que "François Hollande aurait sacrifié la vigilance et les précautions sanitaires (...) au nom du rapprochement économique, notamment sur le nucléaire civil et (...) le projet ITER ». Ajoutons toutefois que cette levée des restrictions ne concerne pas la préfecture de Fukushima pour laquelle, à l’instar de 14 autres, « les contrôles de radiation sont toujours requis ».

Il effraie mon poisson ?
Mais au fait, qu’importons-nous du Japon ? Avant tout des alcools distillés, à savoir le saké et le whisky qui, selon Philippe Renaud, membre de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), dans Terra Eco, « ne présentent aucun danger ».
A l’inverse, la deuxième catégorie de produits que nous importons du pays du soleil levant est bien concernée par la radioactivité. Il s’agit des poissons et crustacés, qu’ils soient frais, séchés ou en conserve. Terra Eco assure qu’au large de Fukushima, ils seraient « bourrés de radioactivité ». Mais dans son entretien à Terra Eco, Philippe Renaud se veut rassurant : « Les poissons concernés se trouvent le long des côtes proches de la centrale. Or, dans cette zone, la pêche a complètement décliné ». Certes, mais qu’en est-il ailleurs ? Dans un autre article daté de décembre 2013, Terra Eco, pourtant peu suspect de complaisance, estimait alors que les radionucléides présents dans l’océan « ont été rapidement dispersés grâce au puissant et turbulent courant du Kuroshio. (...) Ils ne représenteraient aucun danger direct pour la santé humaine ». Et pourtant, toujours selon la même source, les produits de la pêche figurent parmi les 0,35% de produits japonais dépassant le seuil de radioactivité. Difficile de ne pas y voir trouble...

Autres produits importés en Europe, les champignons et végétaux comme le riz, qui ne « sont cultivés (que) dans les zones les moins contaminées », selon Terra Eco. Moins contaminées... mais toujours contaminées donc. Philippe Renaud tempère là encore : « Comme nous sommes à la troisième génération de végétaux, le taux de radioactivité a massivement diminué ». Massivement, certes, mais qu’en est-il du "peu" de radioactivité restante ? En clair, ces végétaux pourraient-ils passer aujourd’hui les contrôles douaniers post-Fukushima où , quand ils avaient lieu, barraient la route aux produits dès lors que la quantité de césium dépassait les 100 becquerels par kilo ? S’ils proviennent des préfectures exemptes de contrôle, nous ne le saurons peut être jamais.

Dans son article Terra Eco titrait « Aliments importés du Japon : a-t-on raison de baisser la garde ? ». Pour le mensuel, « le danger semble écarté ». Europe Ecologie - Les Verts serait-elle alors exagérément alarmiste ? Difficile de trancher, faute de pouvoir réellement croiser les informations en la matière, tant les médias sont restés zen sur cette question.

Sources :

Amélie Mouget http://www.terraeco.net/Et-au-Japon-coule-une-riviere,52246.html

Jiji Press http://newswatch.us/eu-to-relax-curbs-on-japan-food-imports/

Julien Bayou, Sandrine rousseau http://eelv.fr/2014/05/07/accord-avec-le-japon-non-au-relevement-du-seuil-de-radioactivite-des-aliments-importes/

Communiqué de presse de l’Elysée http://www.elysee.fr/communiques-de-presse/article/communique-de-presse-conjoint-franco-japonais-a-l-occasion-de-la-visite-du-premier-ministre-shinzo-abe-en-france/

Au sujet du Japon, on peut lire aussi :

  • Quand les cuisines asiatiques se débrident
    Avec Catherine Bennetau-Pelissero, professeur en Sciences animales et Nutrition-Santé (Enita Bordeaux) et Françoise Sabban, anthropologue, Directrice d’études à l’EHESS. Les articles de L’émission "Ça ne mange pas de pain !" de mai 2011.


Terra Eco, Jiji Press.
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