06/03/2013
Revue de presse de la Mission Agrobiosciences. 6 Mars 2013
Mots-clés: Pauvreté

Redistribution des plats contenant de la viande de cheval : entre refus du gaspillage et défense de la dignité humaine (article revue de presse)

Coup de sang du directeur du Secours catholique, ce vendredi 1er mars 2013, au lendemain de l’annonce du ministre de la Consommation, Benoît Hamon. Ce dernier venait de confirmer que les associations caritatives pourraient, comme elles l’avaient demandé, récupérer et distribuer les plats cuisinés contenant de la viande de cheval, retirés de la vente pour cause de fraude à l’étiquetage.
Alors que la Fédération française des Banques alimentaires s’est réjoui de cette décision, le directeur France-Europe du Secours catholique s’est insurgé contre ce principe visant à donner aux plus démunis des produits jugés non conformes : « les pauvres ne doivent pas être la caution morale d’un système amoral ». Retour sur les heurts et malheurs de cette redistribution dans cette revue de presse de la Mission Agrobiosciences.

Demande accordée, décision ajournée
Initialement, la demande émanait de plusieurs associations. Il s’agissait de récupérer les plats cuisinés certes frauduleux mais néanmoins propres à la consommation, au lieu de les jeter. Ce jeudi 28 février, le ministre de la Consommation Benoît Hamon a confirmé, sur RMC, que « les plats retirés de la vente en raison de la fraude sur la viande pourraient être redistribués aux associations caritatives » en précisant que la décision appartenait désormais aux associations. A elles de « décider si oui ou non elles acceptent ces dons ».
Pour en discuter, quatre d’entre elles – La Croix Rouge française, les Restos du Cœur, les Banques alimentaires et le Secours populaire – avaient rendez-vous le mardi 5 mars avec la ministre en charge de la lutte contre l’exclusion Marie-Arlette Carlotti. Conclusion à l’issue de cette rencontre : la décision sera prise à l’occasion d’un nouvelle réunion, incluant cette fois les distributeurs. Plusieurs conditions sont en effet nécessaires à la mise en œuvre de cette redistribution.

Sanitaire, économique, logistique et culturelle
La première d’entre elles est sanitaire. Les associations exigent une « totale sécurité sanitaire » quant au contenu des produits incriminés, doublée de données précises sur leurs conditions de stockage depuis leur retrait des linéaires. N’oublions pas qu’il s’agit de produits surgelés et que toute rupture de la chaîne du froid est préjudiciable. C’est précisément pour cette raison que les associations souhaitent rencontrer les distributeurs, explique LSA.
Transporter et stocker ces produits : tel est le deuxième écueil identifié par les associations. Non seulement l’acheminement et la gestion des denrées surgelées impliquent des équipements spécifiques (transport en camion frigorifique, chambres réfrigérées…) mais ceci a un coût. Une question d’autant plus délicate qu’on ignore la quantité de produits qui seront mis à disposition. « Il est vraisemblable que nous n’aurons pas la capacité de les absorber » s’inquiète Maurice Lony, directeur fédéral des Banques alimentaires (RMC).
A cela s’ajoute une troisième condition, non étrangère à la précédente. Dans le journal La Croix, le président des Restos du Cœur, Olivier Berthe, la résume ainsi : « il faudra aussi que les produits soient donnés dans des quantités qui nous permettent de les distribuer sans rompre l’équilibre nutritionnel ».
Les associations y adjoignent une quatrième condition, et non des moindres : la transparence. « La personne bénéficiaire devra "être parfaitement informée du contenu" des plats et "devra avoir le choix de le prendre ou pas" » (La Croix).
Qu’en pensent les principaux concernés ? Si l’on en croit la presse, le Secours populaire a mené en interne un sondage auprès des bénéficiaires pour connaître leur position. « 90% » ont répondu « pourquoi pas », à la condition que leur qualité sanitaire soit garantie. Un résultat qui se passe de commentaires.

Gaspillage et positionnement éthique
Reste la position des associations elles-mêmes face à cette possible redistribution. Comme le soulignent à juste titre les Echos, « le recours aux plats litigieux divise les associations ». Le quotidien indique par exemple que, pour le Secours populaire, «  la priorité est d’éviter que de la marchandise jugée saine ne soit détruite ». Une position que partage le directeur fédéral des banques alimentaires, Maurice Lony : « la vocation des banques alimentaires est de lutter contre le gaspillage » (RMC).
Pour Bernard Schricke, du Secours catholique, les choses ne sont pas aussi simples. Dans un communiqué de presse, il explique que « le procédé pose une grave question éthique ». A l’origine, il y a bien une fraude née, selon lui, de « l’emballement économique » actuel du système alimentaire. Dans ce contexte, il « refuse que les besoins réels des plus fragiles servent de caution morale à un système de production et de commercialisation devenu amoral ». C’est donc au nom de la « dignité humaine » que l’homme sort de ses gonds : « pourquoi les plus pauvres accepteraient-ils des produits qui n’ont pas été jugés dignes d’être vendus aux autres consommateurs ? ».

Deux systèmes se font face
Avec ce coup de sang, revendiqué, le Secours catholique défend surtout sa conception de l’aide aux plus démunis. Comme on le comprend à la lecture des Echos et du communiqué de presse de l’association, deux systèmes se font face : l’un basé sur la distribution des repas ; l’autre axé sur la distribution de « chèques d’accompagnement », des bons d’achat qui permettent au bénéficiaire de choisir ce qu’il va manger. Bref, « d’être un consommateur comme les autres ». Délaissant le premier, le Secours catholique a mis l’accent sur le second système, se distinguant ainsi d’autres associations.

Si l’on ne discutera pas ici de la pertinence de l’un ou l’autre de ces modèles, on soulignera cependant que ces divergences révèlent deux visions de la lutte contre la faim, selon que cette question est appréhendée comme un problème d’accès à l’alimentation, ou de défaut de ressources. Une question qui divise toujours autant…

Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 6 mars 2013.

Sources :

RMC, LSA, La Croix, Les Echos, Secours catholique

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