A qui profite la crise agricole ?
La revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 27 juin 2011
A qui profite la crise agricole ? A la distribution ? C’est en substance ce que révèle le rapport de l’Observatoire des prix et des marges, commandé par le Gouvernement et présenté aujourd’hui par l’économiste Philippe Chalmin. Un travail de titan et de fourmi - mené avec le concours de l’Insee, d’Agrimer et le service statistique du ministère – qui sera réactualisé chaque année afin d’éclairer les parlementaires sur les relations commerciales dans l’alimentation.
Et, en la matière, "un certain flou demeure sur les facteurs entrant dans la composition de la marge brute" révèle le journal des Echos
[1], notamment chez les distributeurs, qui n’ont pas complètement joué le jeu de la transparence. Comment expliquer en effet qu’un bigarreau puisse « être facturé jusqu’à 5 fois plus cher au consommateur qu’il n’a été payé par le distributeur » ? Et comment comprendre « le rapport entre le prix d’une vache sur pied et celui du filet de bœuf » ?
Quoi qu’il en soit, pour la première fois, ce rapport demandé haut et fort par de nombreux acteurs de la filière, montre clairement que « les marges brutes de la distribution sur dix ans sont à la fois très confortables et peu influencées par l’effondrement des prix aux producteurs ». Face à cette rationalité chiffrée, désormais, la filière sera bien contrainte de jouer la transparence sur la formation des prix, et, comme le dit Philippe Chalmin, bien connu pour ne pas mâcher ses mots, de grandir au vu de son actuel degré d’infantilisation des partenaires commerciaux.
Toujours dans les Echos, dans son édito « La guerre des marges »
[2], David Barroux rappelle que les Auchan, Casino, Carrefour et autre Système U, en position d’accusés, « peuvent légitimement faire valoir que leurs marges sont souvent moins bonnes que celles des transformateurs. Certes, ayant longtemps abusé de la pratique des marges arrière, la grande distribution, qui s’avère plus concentrée, dispose d’un poids fort dans les négociations commerciales. Il faut donc punir les ententes et les abus, mais il faut surtout s’assurer que la concurrence (…) puisse encore se développer. » Quant aux producteurs, il leur suggère de s’unir, pour être plus puissants et plus efficaces. Mais surtout d’être « plus innovants en misant à la fois sur de nouveaux produits, de nouvelles approches marketing ou une meilleure valorisation de leur image de terroir et de qualité. La voie coopérative que la France n’a que trop timidement suivie doit inspirer le monde paysan. » Pour partir « à la conquête de marchés internationaux. »
Que notre éditorialiste se rassure ! Les grandes manœuvres de restructurations et de modernisation du secteur de la coopération agricole sont déjà en marche, peut-on lire dans la synthèse de l’analyse « Les coopératives agricoles : quelles stratégies pour relever les nouveaux défis ? », produite par Xerfi [3]. Pour ce groupe spécialisé dans les études économiques sectorielles, malgré la crise économique, le secteur bénéficie à moyen terme d’un potentiel de croissance hors normes et propose, pour les différentes filières (céréale, lait, viande, fruits et légumes, vin) un scénario exclusif à l’horizon 2012. Passionnant sans doute, mais payant…
Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 27 juin 2011.
Lire aussi sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences
- Quelle stratégie pour les produits de terroir dans un contexte de globalisation des marchés ?, un Cahier des Cafés-débats de Marciac, avec Jean-Louis Rastoin, agronome et économiste, mai 2004
- A qui profite la flambée des prix au niveau mondial ?, une interview de Marcel Mazoyer, avril 2088