06/07/2010
Focus sur la Méditerranée. Juillet 2010.

Quelles limites à l’espace méditerranéen ? Perspectives mouvantes et vagues frontières

Plus qu’une simple mer, la Méditerranée est un espace géographique pensé et rêvé depuis l’Antiquité. Et pour concevoir ce dernier, en dessiner les contours, il paraît nécessaire d’y tracer des frontières. Pourtant, aucune définition claire et durable unanimement reconnue ne semble se dégager. A tel point que certains ne voient là qu’un espace créé artificiellement, au gré des envies géopolitiques. Alors, espace imaginaire ou, au contraire, réalité géographique bien ancrée ? Où commence et où s’arrête la Méditerranée ?
Doit-on considérer seulement les pourtours du bassin ou les pays dans leur intégralité ? Selon les conceptions, les côtes méridionales portugaises, baignant dans l’Atlantique, sont pour les uns clairement méditerranéennes, pour les autres, au contraire, exclusivement océanes. De même, que faire de la mer Noire ? Autant de questions qui restent sujettes à polémiques dans le monde des géographes comme des politiques et qui intéressent la Mission Agrobiosciences dans cette chronique…

Si les délimitations les plus étroites prennent pour axes une ligne Gibraltar-Beyrouth, Alger-Marseille ou Alexandrie-Istanbul, une approche de l’espace géopolitique méditerranéen par nature plus souple et extensible, se heurte aussi à des bornes fluctuantes.
Ainsi, les travaux de l’historien Paul Balta permettent de dessiner une Méditerranée à six rives :
1. La rive du Nord-Est ou Méditerranée balkanique,
2. La rive Nord-Ouest, façade maritime en Méditerranée pour l’Union européenne.
3. La rive Est ou eurasiatique, c’est à dire la Turquie
4. La rive Est, à dominante arabe et musulmane (Syrie, Liban, Jordanie, territoires palestiniens et Israël)
5. La rive Sud-Est avec l’Egypte
6. La rive Sud-Ouest, c’est à dire le Maghreb


Mais certains géo stratégistes distinguent, eux, cinq méditerranées :
1. La Méditerranée occidentale (Europe du sud et Afrique du nord)
2. La Méditerranée orientale (Balkans, Albanie, Grèce, Turquie, Chypre et Egypte)
3. La Méditerranée arabique (Proche-Orient, mer rouge, Golfe persique)
4. La Méditerranée extérieure (Mauritanie, Maroc, Portugal)
5. La Méditerranée caucasienne (zone de la mer noire)


Et puis, n’oublions pas que l’aire méditerranéenne est également soumise aux va-et-vient des alliances, des flux et influences. Au total, quelque vingt Etats ont en effet des frontières naturelles avec le bassin méditerranéen auxquels s’ajoutent trois micro-Etats et l’Autorité Palestinienne. A cette première liste, s’ajoutent des pays, qui, sans être directement riverains, sont considérés malgré tout comme bordant la Méditerranée. C’est le cas du Portugal, de la Roumanie ou même de la Russie. De même, à travers leur voisinage et leur appartenance à des instances régionales, la Jordanie et la Mauritanie sont parfois intégrées à ce vaste ensemble, tout comme la Macédoine.
Un inventaire, extensible à souhait, qui nous permet de rendre compte de l’incroyable multiplicité des acteurs étatiques dans une région pourtant limitée en superficie à l’échelle planétaire.

Ainsi, il semble qu’actuellement, les accords politiques mènent vers une acceptation large de la Méditerranée en tant que région comprenant les 27 États de l’Union européenne - membres à part entière du Processus de Barcelone – auxquels s’ajoutent les 10 autres pays de ce processus, les candidats actuels ou potentiels à l’UE, ainsi que la Mauritanie et Monaco, qui figurent dans la nouvelle Union pour la Méditerranée.
Mais le cœur de la région méditerranéenne bat sans nul doute autour des pays de l’Union du Maghreb arabe (Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie excepté la Lybie) et des cinq pays du bassin occidental de la Méditerranée (Espagne, Portugal, France, Italie et Malte) qui fondent le partenariat 5+5, sans oublier la Turquie, dont le rôle ne cesse de croître.

Au-delà de ces données institutionnelles et politiques, revenons à une réalité bien palpable : car, après tout, le climat constitue l’un des tout premiers critères. Pendant longtemps, les géographes ont borné l’espace méditerranéen grâce à la culture de l’olivier, donnant à l’unité climatique la capacité de délimiter cet espace. Où l’on retrouve l’importance de la dimension à la fois culturelle et culturale comme « ciment » de la Méditerranée.

Une mer élastique que l’on étend ou l’on rétracte, un « espace-mouvement », selon le grand Fernand Braudel.

« Quelles limites à l’espace méditerranéen ? Perspectives mouvantes et vagues frontières », chronique de la Mission Agrobiosciences et Cécile Souteyrand, étudiante à l’IEP de Toulouse. Juillet 2010.

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Par la Mission Agrobiosciences et Cécile Souteyrand, étudiante à l’IEP de Toulouse

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