05/07/2013
Contribution aux 19èmes Controverses européennes de Marciac (30-31 Juillet 2013)

La face cachée des normes

Des normes qui desservent les rapports sociaux, disqualifient les marginaux, paraissent souvent « étrangères »… Rémi Mer, consultant, dessine dans un court texte aussi intéressant que facile à lire la face sombre des normes environnementales.
Que l’on soit agriculteur, chercheur, formateur, étudiant, responsable de structures associatives, professionnelles ou administratives... voire "simple" citoyen, tout le monde est invité à apporter sa contribution aux prochaines Controverses européennes de Marciac. L’ensemble des textes sera non seulement publié sur le site, mais également diffusé lors des Controverses en version papier.

Derrière leur maquis, devant leur inflation, les normes « s’imposent » comme la loi, celle issue du droit (national ou international) qui réglemente les échanges de biens et de services ou du marché, avec ses obligations contractuelles. Nonobstant leurs fondements « scientifiques » ou techniques, les normes occultent le plus souvent leur système propre de production. In fine, pour les producteurs, la norme se personnalise sous la forme de contrôleurs patentés chargés de vérifier la conformité des biens et des pratiques (référentiel de qualité, cahiers des charges, bonnes pratiques…). Pour les consommateurs, la norme se cache derrière une étiquette, un logo ou un code-barre. On est très loin des rapports sociaux et d’échanges, même symboliques.

Mais nombre « d’utilisateurs » seraient en mal de définir la traçabilité des normes, d’en déterminer l’origine et de désigner les acteurs du système de production, négociations comprises. Peut-on le leur reprocher, devant l’accumulation de normes qui suscite autant de contestation et de rejet ? C’est précisément cette boîte noire des normes et cette incompréhension qui posent problème et accentuent la défiance des producteurs et des consommateurs-citoyens sur leur légitimité. Ces mêmes normes sont même parfois au sens propre incompréhensibles, parce qu’elles relèvent d’une logique technique (voire technocratique) de normalisation et de standardisation des systèmes de production et d’échange. Elles peuvent s’avérer inadaptées, difficiles ou impossibles à mettre en œuvre par ceux-là mêmes à qui elle s’adresse. Pire, elles disqualifient tous ceux qui ne sont pas « aux normes », et de ce fait, sont exclus du marché ou des bénéfices d’un contrat (type mesures agroenvironnementales).

De plus, quand ces normes changent souvent, la traçabilité comme la légitimité en ressortent affaiblies. Qu’elles soient sociales, environnementales ou économiques, les normes sont d’abord vécues et perçues comme « externes », extérieures à la logique propre du système, comme une pression qui vient d’ailleurs comme d’autrui. D’où le sentiment « d’étrangeté » qui provoque une réaction première de rejet, avant d’être intégrées dans le système de production à défaut du système de valeurs, en termes de conformité à une demande sociale venant du marché (les consommateurs, la grande distribution) ou de groupes de pression, comme les associations environnementales.

Il faudrait se demander pourquoi le débat et la controverse sur les normes portent le plus souvent sur les normes environnementales. Les normes économiques (commerciales) semblent plus que toutes autres s’imposer d’elles-mêmes, comme les « lois du marché ». Et pourtant elles mettent en arrière-plan les rapports de force, entre les producteurs de normes (les pays développés, les groupes de pression…) et tiennent peu compte des coûts de « mise aux normes ». De leur côté, les normes sociales sont appelées à la rescousse pour se protéger des distorsions de concurrence internationale (les écarts des coûts salariaux, des charges sociales) et beaucoup moins souvent pour garantir ici la sécurité des travailleurs et ailleurs des conditions de travail et de rémunération conformes aux droits fondamentaux.

Pour ce qui est des normes environnementales, il en va tout autrement. D’abord le droit de l’environnement est plus récent et moins stabilisé. Ensuite, les questions environnementales sont à l’image des objets concernés, complexes, difficilement réductibles à quelques indicateurs, même bien choisis, et surtout marqués par de nombreuses incertitudes sur les liens de causalité entre pratiques individuelles et l’impact sur les écosystèmes. De ce fait, les normes apparaissent encore plus « arbitraires » et mal comprises. Enfin, les questions environnementales font resurgir des fonctions symboliques des milieux « naturels », à travers précisément le rapport à la nature, au paysage, aux biens communs (sol, eau, air). Les symboles se prêtent mal à des interprétations normatives, nécessairement réductrices. Et pourtant ici aussi, les normes finissent par s’imposer tout au moins dans le débat, un débat qui reste ouvert en fonction des représentations sectorielles ou culturelles, à mi-chemin entre des logiques de gestion et des objectifs (de moyens ou de résultats), entre des pratiques et des indicateurs de suivi. Bref, rien de plus…normal !


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par Rémi Mer, consultant.

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