07/02/2005
Café-débat de Marciac du 2 décembre 2004.
Nature du document: Actes des débats

Des produits made in China sans contrefaçon ?

A l’heure où la France et l’Europe se cherchent des alliés à l’OMC pour défendre les Indications Géographiques (l’équivalent de nos appellations d’origine), la Chine présente un intérêt stratégique certain. Aidée par des experts français, n’a t-elle pas commencé à mettre en place ce type d’appellation pour ses propres produits ? Reste à mesurer l’écart entre les intentions, la pratique et les habitudes culturelles de la Chine... Tel était le sujet du Café-débat de Marciac, organisé par la Mission Agrobiosciences et la Communauté de Communes Bastides et Vallons du Gers qui ont invité, le 2 décembre 2004, Marie Papaix à faire le point. Cette jeune ingénieure de l’Ina-Pg et du Gref vient en effet d’effectuer une mission de trois mois en Chine, pour étudier la mise en œuvre locale de ces nouvelles appellations.

Des produits d’origine « Made in China » ? Pour Marie Papaix, l’ambiguïté de la formule reflète bien les flous de la norme et l’équivoque des pratiques chinoises en matière d’origine.

Reprenons le fil de cette genèse. L’enjeu d’abord : sensibiliser de nouveaux pays à l’intérêt des Indications Géographiques (IG), pour appuyer la position de l’Union Européenne au sein de l’OMC. Des négociations où s’affrontent d’un côté, les défenseurs d’une protection renforcée de ces indications, de l’autre, les promoteurs de marques.
D’où la coopération menée depuis 1995 entre des experts français et des juristes chinois pour bâtir la réglementation de ces fameuses IG. Parmi les promoteurs actifs de cette sensibilisation, notons la forte implication de l’interprofession du Cognac, histoire de mieux faire reconnaître son produit, dont le nom est régulièrement usurpé au sein de l’Empire du Milieu...
Les premières « IG » chinoises naissent ainsi en 1999, suivies par la création, en 2002, de l’Agence Centrale chargée de les gérer. Aujourd’hui, les demandes d’attribution de cette protection concernent une cinquantaine de produits...Reste à savoir ce que valent ces Indications Géographiques à la chinoise. Simple indication de provenance ou véritable protection d’un savoir-faire et d’un terroir ?
A partir de l’étude de cinq de ces produits phare - le thé vert de Longjin, le vin de Shaoxing, le vinaigre de Zhenjiang, les œufs de cane de Gaoyou et les objets laqués de Yangzhou - complétée par une enquête menée auprès de consommateurs de Shangaï, Marie Papaix apporte des éclairages sur les conceptions singulières que nourrit la Chine à l’égard de la notion d’origine et sur ses pratiques en matière de labels.

Quand copier relève de l’art
Du côté des facteurs qui favorisent, en Chine, l’application de cette législation d’origine française, notons l’importance accordée à la gastronomie et, plus encore, aux cuisines régionales, ainsi qu’à une forte préoccupation en termes de santé liée à l’alimentation.
Mais tout aussi puissants sont les éléments susceptibles d’amoindrir ou de dénaturer le concept d’indication géographique. Celle-ci relève, au niveau de l’OMC, de la propriété intellectuelle. Et là, problème : pour les Chinois, copier relève de l’art. A tel point que les esthètes les plus exigeants peuvent parfaitement juger la copie plus belle que l’original. Que vaut alors un signe officiel de qualité, si n’importe quelle région peut imiter les produits à succès d’une autre région ? Si le nom propre à telle région devient un nom générique ?
Quant à l’aspect réglementaire, que valent les protections prévues au sein d’un Etat certes de lois, mais... sans droits, tant il est difficile de les faire appliquer ? Enfin, du côté du contenu et des procédures liés à la norme nationale de l’IG, il n’est fait nulle mention de quelconques spécificités locales, ancrages au terroir ou développement local. D’ailleurs, ce ne sont pas les producteurs qui déposent les dossiers de demande, mais tout simplement des entreprises de taille nationale.

La valse des labels
Et les consommateurs, là-dedans ? Pour Marie Papaix, pas facile pour eux de s’y retrouver. Ne serait-ce que parce que la Chine connaît une véritable valse des labels. C’est à qui inventera et apposera le sien sur les étiquettes déjà encombrées des produits alimentaires, qui peuvent ainsi comporter quatre à cinq logos différents, parfois de plusieurs ministères ! Les plus connus et les plus appréciés ? Les labels « verts », créés en 1990. Mais aussi cette étrange mention « Non contrôlé » distinguant des produits qui, après quatre ans de contrôles sans problèmes, peuvent être quitte de toute vérification. Un gage de qualité ! Sans oublier les labels accordés par l’association chinoise de consommateurs, également très crédible. Bref, dans ce foisonnement, l’Indication Géographique a du mal à faire sa place, même si cette mode peut jouer en sa faveur. Pour Marie Papaix, pas facile de déterminer le scénario à venir :« Sur l’avenir des IG en Chine, il y a plus de questions que de réponses ».

Mission Agrobiosciences, 17 décembre 2004

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A propos des Cafés-Débats

Organisés à l’initiative de la communauté de communes Bastides et Vallons du Gers et de la Mission d’animation des agrobiosciences, les cafés-débats de Marciac se sont tenus de juin 2002 à juin 2006. Objectif : éclairer les mécanismes des agricultures du monde et, du même coup, mieux cerner les enjeux et dynamiques des agricultures françaises et européennes.
Chaque conférence-débat était introduite par le Groupe Local de Réflexion qui livrait le fruit de ses réflexions sur le sujet pour amorcer le débat. Chaque intervenant proposait ensuite, durant environ 3/4 d’heure, sa lecture de la problématique, laissant un large temps à la discussion et au débat avec le public.
Le tout dans une ambiance des plus conviviales puisque les rencontres étaient précédées, pour celles et ceux qui le souhaitaient, d’un dîner voire même d’un interlude jazz proposé les élèves du collège de Marciac.
A l’issue de chaque rencontre, la Mission Agrobiosciences a édité un Cahier. Vous pouvez retrouver tous les cahiers des cafés-débats de Marciac ICI. Nous attirons cependant votre attention sur le fait que le contenu de ces derniers n’a pas été réactualisé depuis leur édition.

Avec Marie Papaix, ingénieure agronome

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