05/06/2012
Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 5 juin 2012
Nature du document: Revue de presse

Quinoa : un succès à double tranchant

L’explosion du marché aurait de quoi en faire rêver plus d’un. En l’espace de 10 ans, les exportations boliviennes de quinoa, cette graine riche en protéines de plus en plus prisée par les occidentaux, ont fait un bon spectaculaire. Une réussite commerciale qui profite tout autant à l’économie du pays qu’aux producteurs et dont on ne pourrait que se réjouir, s’il n’y avait quelques ombres au tableau. Détails des paradoxes de ce succès dans cette revue de presse de la Mission Agrobiosciences.

La p’tite graine qui monte
On la nomme la graine sacrée des Incas. Hier encore méconnu, le quinoa a conquis, en l’espace de quelques décennies, les marchés mondiaux. Les raisons de ce succès ? Une forte teneur en protéines qui confère à cette plante [1] ses formidables qualités nutritives. D’ailleurs, la NASA elle-même y voit un aliment idéal pour les spationautes (20 minutes). Ajoutez à cela le fait qu’il soit exempt de gluten et pourvus de belles qualités gustatives, et vous aurez ainsi résumés quelques-uns des atouts de cette graine star des rayons diététique et biologique.

Une culture en or
Si d’autres pays andins, et plus récemment les Etats-Unis, le Canada, ou la France [2] cultivent le quinoa, c’est la Bolivie qui en reste le principal producteur : sur les dix dernières années, de 2002 à 2012, les exportations sont passées de « 2,5 à 65 millions de dollars par an » explique 20 minutes. Mieux, « depuis 2006, le prix du quinoa a triplé ». Contrairement à d’autres cultures, le quinoa permet ainsi aux producteurs d’avoir un revenu décent, ces derniers gagnant en moyenne 1,60 dollars par kilo à l’export. Pour autant, tout n’est pas rose.

Avis de grands vents
« C’est dans un environnement extrême alliant très haute altitude, faibles précipitations, forts vents, rayonnement solaire » que se cultive le quinoa. Sur ces hauts plateaux du sud de la Bolivie dont Anaïs Vassas et Manuela Vieira Pak décrivent la métamorphose, dans les Actes du colloque « Innovation and Sustainable Development in Agriculture and Food » organisé en 2010.
Sans entrer dans les détails, les auteurs indiquent qu’en quarante ans, l’extension de cette culture, comme sa modernisation, ont certes permis de passer « d’un produit d’autoconsommation à un produit d’exportation » et, ainsi, d’augmenter le niveau de vie des familles. Mais l’une comme l’autre ont également profondément modifié le paysage agricole [3] et fortement accru la pression sur le milieu naturel. Avec, pour conséquences, une baisse de la fertilité de la terre doublée d’une forte vulnérabilité des sols à l’érosion.

Terres de discorde
Fragilisées les terres de l’altiplano, et ô combien convoitées. Depuis plusieurs années, la course aux parcelles encore disponibles échauffe les esprits. « La descente presque généralisée des cultures dans la plaine et l’appropriation de toutes les terres cultivables ont accentué les tensions sociales autour du foncier. […] Les jeunes sans terre sont de plus en plus nombreux, et les conflits d’accès aux terres non cultivées se multiplient » écrivaient déjà, en 2010, A. Vassas et M. Vieira Pak.
Si l’on en croit 20 minutes, la situation n’a guère changé depuis, comme l’illustrent les récents affrontements, assez musclés, entre les producteurs de quinoa des départements de Potosi et d’Oruro. Le litige porte sur une zone de 250km2 « apte à la culture du quinoa et également riche en uranium » dont chaque partie se dispute la propriété. Le conflit ne date pas d’hier. Mais, selon le quotidien, « la fièvre du quinoa est venue [le] raviver » obligeant le gouverneur à demander la militarisation de la zone...

Le paradoxe du développement
D’un côté, une hausse des niveaux de vie et la possibilité, pour certains, de ne plus être obligés de quitter l’altiplano pour aller chercher du travail en ville, voire en Argentine et au Chili. De l’autre, des terres qui sustentent les marchés mondiaux et nourrissent les conflits à mesure qu’elles s’appauvrissent. A cette délicate équation, il convient de verser une dernière donnée, détaillée dans un article du Blog Nutrition Santé. Parallèlement à l’augmentation du prix du quinoa, « sa consommation en Bolivie a chuté de 34% » : la graine est désormais devenue trop chère pour être un aliment de base.
Signe criant de cette situation, « alors que la malnutrition au niveau national a baissé au cours des dernières années […], des études ont montré que la malnutrition chronique chez les enfants a augmenté dans les zones de cultures de quinoa ». Un paradoxe qui se passe de commentaires.

Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 5 juin 2012.

Sources

20 minutes, ISDA, Blog Nutrition Santé.

[1Le quinoa n’est pas une céréale, mais une plante herbacée issue de la famille des Chénopodiacées

[2On trouve des cultures de quinoa en Anjou

[3Concrètement : « remplacement d’une mosaïque de parcelles sur versants par une vaste monoculture de plaine, réduction des rotations et des jachères, limitation des variétés cultivées, et marginalisation des pratiques d’élevage. »}


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