13/12/2016
Science, environnement et société. 13 décembre 2016
Mots-clés: Santé

Perturbateurs endocriniens : le bruit du silence (article revue de presse)

D’abord il y a cette tribune, publiée dans le Monde du 30 novembre dernier, dans laquelle une centaine de chercheurs sortent de leur réserve pour dénoncer la « manufacture du doute » menée par les lobbyings industriels, qui freine la mise en place d’une réglementation efficace pour « endiguer l’exposition aux produits chimiques ». Puis, une semaine plus tard, cette étude publiée par Santé publique France sur l’exposition des femmes enceintes à divers polluants et contaminants classés comme perturbateurs endocriniens. Retour sur les dernières actus d’un dossier épineux, dans cette revue de presse de la Mission Agrobiosciences.

Les scientifiques sortent de leur silence
«  La plupart des scientifiques pensent qu’exprimer publiquement leur point de vue sur des questions politiques et participer aux débats de société pourrait compromettre leur objectivité et leur neutralité ». (…) « Nous considérons qu’il n’est plus acceptable de nous taire. » Dans une tribune publiée le 29 novembre dernier dans Le Monde, un collectif international d’une centaine de scientifiques sort de son silence et prend la plume, acérée, pour dénoncer la stratégie déployée par certains industriels. La manip ? Déformer « délibérément des preuves scientifiques afin de créer une fausse impression de controverse ». Tel est le sort réservé, selon eux, aux perturbateurs endocriniens comme ce fut le cas pour le changement climatique ou les dangers du tabac. La raison qui les pousse à sortir de leur réserve est double. D’un côté, il existe bien un consensus des sociétés savantes sur le fait que « les perturbateurs endocriniens constituent une menace mondiale pour la santé » – nulle controverse en vue ; de l’autre, la seule voie possible et efficace pour s’en prémunir passe par la réglementation. Les mesures individuelles ne peuvent en effet suffire pour réduire l’exposition, précisent-ils.

Une définition lourde de conséquences
Comme le remarque très justement Europe 1, « la publication de cette tribune intervient alors que l’Union européenne peine à se mettre d’accord sur une définition des perturbateurs endocriniens, qui doit permettre d’encadrer leur utilisation ».
Plus précisément, dans le cadre du règlement européen sur les pesticides adopté 2009, la Commission européenne devait fixer les critères d’identification des perturbateurs endocriniens. Elle a finalement soumis sa copie en juin dernier, avec trois ans de retard. Sont ainsi qualifiés de perturbateurs endocriniens, « toute substance ayant des effets indésirables sur la santé et le système hormonal, et dont le lien entre les deux est prouvé ». Reste que, pour certains chercheurs, cette définition « implique un niveau de preuves bien plus élevé que pour d’autres substances ». En d’autres termes, il sera très difficile de prouver que telle ou telle substance est un perturbateur endocrinien.

Une commission européenne drôlement rencardée
Sur ce même sujet, on pourra lire, dans Le Monde, une enquête fouillée et à charge, sur la position ambiguë de la Commission européenne à l’égard de ces substances. Impossible de résumer ici tous les aspects du travail de Stéphane Horel. On retiendra notamment que, selon l’auteur, l’une des phases clés sur laquelle repose l’édifice réglementaire proposé par la Commission « a été rédigée avant même que l’expertise scientifique ait véritablement commencé ». La journaliste met également en doute l’objectivité et la qualité des études scientifiques sur lesquelles s’est appuyée la Commission. Cette dernière aurait préféré les études financées par les industriels, aux rapports de l’OMS [1] et du PNUE [2], mettant en doute « la méthodologie » employée par ces derniers.

Exposition maximale
Hasard d’agenda ou effet médiatique, ce mercredi 7 décembre, Santé publique France publiait une étude révélant l’existence de « traces de perturbateurs endocriniens […] chez quasiment toutes les femmes enceintes. ». Bisphénol A, phtalates, dioxines, PCB faisaient partie des nombreuses substances recherchées dans l’urine de femmes françaises ayant accouché en 2011. Le choix de cette population n’est pas anodin. Comme le rappelait Jean-Pierre Cravedi à propos du Bisphénol A, « c’est à ce stade de la vie [prénatal] que le produit semble le plus toxique ».
Que peut-on déduire des résultats de cette enquête ? Le flou prédomine à la lecture de la presse. « On peut dire que les femmes ont été exposées mais ça ne veut pas forcément dire qu’il y aura des effets sur la santé », explique à l’AFP Clémence Fillol, épidémiologiste à Santé publique France. Pour Rémy Slama, directeur de recherches à l’Inserm, « il y a tellement de substances présentes pour lesquelles il est probable qu’il y a un effet » qu’il faut tout au contraire s’en préoccuper (Sciences et Avenir). Autre son cloche du côté de Libération, où l’on se veut rassurant : « la concentration de ces substances serait en légère baisse par rapport aux études antérieures ».
Bref, après le BPA, on n’a pas fini d’entendre parler des perturbateurs endocriniens…

Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 13 décembre 2016.


Sources :


Le Monde, Europe 1, Sciences et Avenir, Libération.

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[1Organisation mondiale de la santé

[2Programme des Nations Unies pour l’Environnement

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