Pétris de contradictions !
Chronique "Le ventre du monde" de Bertil Sylvander, octobre 2011
Bertil Sylvander. On est toujours et tous pétris de contradictions. Et bien malin qui pourra prétendre le contraire !
En tant que chef de projet européen et responsable d’équipes qui comptaient en leur sein de jeunes chercheurs à la pointe de la recherche, je me devais de mener mes projets au plus près des problématiques les plus actuelles !
Un de mes derniers projets concernait la contribution au développement durable des Produits sous Indications Géographiques. En tant que tels, ces derniers ne sont pas forcément écologiques, ni issus de l’agriculture biologique, mais leur légitimation sociale, surtout dans le cadre de l’évolution de la Politique Agricole Européenne ne devait-elle pas entraîner qu’on se pose la question à leur propos ?
Parmi les tâches qu’il convenait de lancer, la comparaison européenne des diverses expériences nationales était urgente et l’équipe néerlandaise avait une expérience de la mesure de l’impact environnemental qu’il fallait connaître.
Nous avions donc lancé l’idée d’une étude de la question dans ce pays et toute une série de réunions y avaient été organisées.
Nous voici donc à Wageningen pour une première journée de débroussaillage et vient l’heure du déjeuner, que nous prenons dans une des grandes salles à manger de la célèbre université agronomique ! Rapide et rationnel, bien sûr, car l’ordre du jour de la journée est chargé !
On se met à table et nous avons le choix entre de nombreux mets au sein d’un menu impressionnant : salades diverses, pains, fromages et charcuteries, desserts lactés, etc.. Comme l’équipe est nombreuse, nous commandons un peu de tout et un charriot arrive à notre hauteur. Tout est transvasé sur notre table et nous voici en train de manger.
Ou, plus exactement en train d’ouvrir des emballages.
Ouverture d’un sachet de polystyrène contenant du pain (blé-seigle, avec les grains d’anis), puis languette de plastique d’un PVC contenant des tranches de jambon fumé, puis barquette présentant divers fromages coupés en dés et en tranches fines, puis rosace de compartiments de plastique avec toutes sortes de salades (carottes toutes râpées, céleri rave, choux verts, etc.. ), avec leurs godets de sauces sophistiquées et enfin rangées de timbales de divers desserts lactés.
Le tout dans une présentation très emboitée, d’une logistique impeccable !
Après quelques minutes d’un déjeuner qui n’enviait rien aux scènes de science-fiction, type « Odyssée de l’espace » (sauf nos tenues décontractées, fort loin des justaucorps des astronautes), nous nous sommes retrouvés à avoir sur la table une telle montagne de morceaux de plastique empilés au hasard, que nous arrivions difficilement à nous voir les uns les autres !
Comme nous avions connaissance des standards de bilan carbone en vigueur à l’époque, nous avons calculé que ce repas avait représenté 23.4 kg d’équivalent carbone par personne, rien qu’en emballages ! Et que si tous les chercheurs de Wageningen mangeaient de la sorte, cela faisait 12 500 tonnes d’équivalent carbone ! Ouh !
Alors bien sûr, on nous dira : et les déplacements, alors ? Et je réponds : justement ! Nous avions compensé leur impact par une contribution à une replantation forestière équivalente ! Mais de voir devant soi un tel tas d’emballage, c’est vraiment affligeant !
Chronique "Le ventre du monde" de Bertil Sylvander, sociologue et économiste. Emission d’octobre 2011 de "Ça ne mange pas de pain !" : Alimentation et crises sanitaires, sociales et économiques : Vers de nouvelles pratiques ?.
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Lire sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement) :
- Pourra-t-on défendre et promouvoir les appellations d’origine à l’OMC ?. Le cahier du café-débat avec Bertil Sylvander, économiste, expert français auprès des Communautés Européennes, Directeur de recherche INRA, coordinateur du réseau Dolphins. Télécharger le cahier PDF
- Les appellations d’origine sont-elles prémunies contre la standardisation mondiale ?. Une table ronde animée par Bertil Sylvander, directeur de recherches Inra, avec Léo Bertozzi, directeur général du consortium Parmegiano-Reggiano, et Arño Cachenaut, producteur fermier, co-fondateur de l’AOC Ossau-Iraty. Dans le cadre de la 10e Université d’Eté de l’Innovation Rurale (Les controverses de Marciac) : Dans le champ des agricultures du monde, quel destin pour les agricultures d’ici ?. Télécharger les Actes PDF
- Développement durable : une nouvelle manière d’acheter des indulgences ?. Une interview de la géographe Sylvie Brunel par Jacques Rochefort dans le cadre "Ça ne mange pas de pain !" de janvier 2008.
- Faut-il en finir avec le développement durable ?. Le cahier du café-débat avec François de Ravignan, agronome et économiste. Télécharger le cahier
Accéder à toutes nos publications sur les Produits de terroir, appellations d’origine et indications géographiques. Pour tout savoir de l’avenir de ces produits, saisir les enjeux et les marges de manoeuvre possibles dans le cadre de la globalisation des marchés et des négociations au plan international. Mais aussi des repères sur les différents labels et appellations existants. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.
"Ça ne mange pas de pain !" (anciennement le Plateau du J’Go) est une émission mensuelle organisée par la Mission Agrobiosciences pour ré-éclairer les nouveaux enjeux Alimentation-Société. Enregistrée dans le studio de Radio Mon Païs (90.1), elle est diffusée sur ses ondes les 3ème mardi (19h00-20h00) et mercredi (13h-14h) de chaque mois. L’émission peut aussi être écoutée par podcast à ces mêmes dates et heures. Pour En savoir plus....
A l’issue de chaque émission, le magazine Web de la Mission Agrobiosciences édite l’Intégrale, une publication d’une dizaine de pages, téléchargeable gratuitement. Retrouvez Toutes les Intégrales de "Ça ne mange pas de pain !" mais aussi toutes les chroniques et tables rondes.
