La vraie pizza di Napoli
Chronique Le Ventre du Monde, de Bertil Sylvander
Bertil Sylvander : "Un jour d’été du début des années soixante, je me retrouve à Naples pour quelques jours, en vacances. Et avec mes potes, nous nous disons : « puisque nous sommes à Naples, que nous allons manger une bonne pizza ! ».
A partir du port, nous montons un peu au hasard vers la ville et nous arrivons, à l’ouest de la via Toledo dans les quartiers populaires de Spaccanapoli et de quartieri spagnoli, aux étroites rues parallèles et pentues. Nous sommes au cœur de l’Italie urbaine traditionnelle, on va se régaler. Et on marche et on cherche et on cherche et on marche. On croise des bars et des échoppes en grand nombre, mais de pizzeria point. Au bout d’un long moment, nous finissons pas nous rendre à l’évidence : on ne mangera pas de pizza aujourd’hui. C’est tout de même un comble !
Ah ! Espoir ! Au bout d’une ruelle, nous apercevons une espèce de kiosque, avec quelques personnes agglutinées autour. On s’approche et on voit un gars occupé à cuire des petits ronds de pâte et à les garnir d’une sauce tomate, qu’il puise dans une boite de conserve et qu’il nous tend, entouré d’un morceau de papier douteux. Au vu de nos mines interloquées, les gens autour de nous essaient gentiment et bruyamment de nous faire comprendre que nous sommes en présence de la véritable pizza.
Quoi ? Nous avons fait tout ce chemin, fuyant bien loin des ersatz du quartier latin à Paris (vous savez, celles avec plein de trucs savoureux dedans et dessus), nous sommes partis en quête de la vraie pizza d’origine et on nous tend ce produit huileux et peu ragoûtant ?
Et on a raison, bien sûr ! Ce que nous appelons « pizza » aujourd’hui n’est que la transformation culinaire bourgeoise d’un simple plat populaire. Les historiens nous disent que, dans les pays méditerranéens de l’antiquité, avant l’invention du levain par les égyptiens (ou les hébreux ? ou les babyloniens ?), on confectionnait des sortes de galettes à base d’orge, d’eau et de quelques assaisonnements locaux, en fonction des disponibilités. Pour que ça cuise et puisque ça ne pouvait pas « monter », il fallait étaler au maximum. Les latinistes distingués assis autour de moi ont tout de suite compris que pinsere, en latin, signifie « étaler » et qu’au participe passé, ça fait ? pinsa ! CQFD. Et puis, au seizième siècle, l’Europe découvre la tomate au Mexique, adoptée très vite (malgré sa réputation sulfureuse) par les italiens (et même plus précisément par les napolitains !) sous le nom de « pommo d’oro » (en raison de sa couleur jaune à l’origine). Et l’association avec la pâte d’orge est faite. D’où la pizza. Donc la vraie authentique pizza, c’est ce morceau de pâte recouvert de sauce tomate. Ah, mais !
Quand j’étais petit, ma voisine Fatma me donnait au goûter de la galette de semoule (la Qesra) sur laquelle elle répandait un peu d’huile d’olive et de sel. Eh, bien, c’est la même chose que la pizza, qu’on retrouve partout autour du bassin méditerranéen.
Donc, s’il vous plait, ne comparez pas le couscous « royal » du boulevard Saint Germain avec le couscous qu’on vous sert en Kabylie, avec juste de la graine et des fèves : car, c’est ce dernier qui est le « vrai » couscous ! Il ne faut pas que je m’énerve."
Chronique "Le Ventre du Monde", de Bertil Sylvander. "Ça ne mange pas de pain !", de février 2009 : "Alimentations méditerranéennes, désirs et dérives, d’une rive à l’autre"
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"Ça ne mange pas de pain !" (anciennement le Plateau du J’Go) est une émission mensuelle organisée par la Mission Agrobiosciences pour ré-éclairer les nouveaux enjeux Alimentation-Société. Enregistrée dans le studio de Radio Mon Païs (90.1), elle est diffusée sur ses ondes les 3ème mardi (17h30-18h30) et mercredi (13h-14h) de chaque mois. L’émission peut aussi être écoutée par podcast à ces mêmes dates et heures. Pour En savoir plus....
A l’issue de chaque émission, le magazine Web de la Mission Agrobiosciences édite l’Intégrale, une publication d’une dizaine de pages, téléchargeable gratuitement. Retrouvez Toutes les Intégrales de "Ça ne mange pas de pain !" mais aussi toutes les chroniques et tables rondes.
Lire sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement) :
- Le casse-croûte : ça ne mange pas de pain !, par Julia Csergo, historienne. Retour sur l’origine du casse-croûte. D’où vient ce mot ? Comment sa représentation, ses formes et ses pratiques de consommation ont-elles évolué au fil du temps ? Une interview réalisée dans le cadre de "Ça ne mange pas de pain !" de novembre 2007. (Intégrale)
- Le confit détrôné par le magret : une révolution des années 60. Une chronique "Histoire de....", par Valérie Péan, Mission Agrobiosciences.
- Le dindon de la farce. Chronique sur l’origine de la Dinde de Noël. Une histoire alambiquée du du Nouveau Mexique à l’Abyssinie.
- Les appellations d’origine sont-elles prémunies contre la standardisation mondiale ?. Table ronde animée par Bertil Sylvander, alors directeur de recherches Inra, avec Léo Bertozzi, directeur général du consortium Parmegiano-Reggiano, et Arño Cachenaut, producteur fermier, co-fondateur de l’AOC Ossau-Iraty. Dans le cadre de la 10ème Université d’Eté de l’Innovation Rurale Dans le champ des agricultures du monde, quel destin pour les agricultures d’ici ?
- Les produits de terroir entre cultures et réglements. Le cahier issu du café-débat de Marciac, avec Laurence Bérard, Unité mixte de recherche en Eco-anthropologie et ethnobiologie (Cnrs-Muséum national d’histoire naturelle)